Jyros est une première mondiale : un calculateur d’empreinte environnementale créé par et pour les entreprises de la filière du jeu vidéo. Un outil qui permet de calculer l’empreinte carbone complète d’une entreprise (studio, éditeur, etc.), de l’impact de ses locaux jusqu’à celui des jeux, en passant par le parc de machines. Il offre aussi la possibilité d’estimer l’impact d’une société sur d’autres critères environnementaux (sur l’eau et sur les ressources minières notamment), ce qui en fait le calculateur le plus complet disponible à ce jour pour l’industrie du jeu vidéo. Explications.
Jeu vidéo côté pro : les tendances et projets du secteur. Cet article fait partie du programme lancé par Xboxygen qui consiste à passer de l’autre côté du rideau afin de découvrir certains des enjeux professionnels autour de notre média favori. Des dossiers créés suite à nos visites et interviews au forum Horizon(s), qui s’adresse pendant deux jours aux cadres et aux dirigeants du secteur du jeu vidéo. Vous pouvez retrouver tous les articles associés dans la rubrique dédiée aux métiers du jeu vidéo.
C’est quoi exactement, Jyros ?
Jyros est le fruit d’une collaboration, celle qui a donné naissance au Consortium national du jeu vidéo pour l’environnement, issu du partenariat entre des associations régionales françaises ainsi que le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL). Pour créer son système de calcul de bilan carbone, le Consortium s’est associé à I Care, un cabinet spécialiste en la matière.
Guidés par l’idée de créer un outil simple d’utilisation, afin qu’il soit accessible à tous, ils ont développé Jyros. Afin que le résultat soit le plus juste possible, Jyros prend en compte aussi bien la consommation électrique du studio et le coût environnemental du matériel qu’il utilise pour développer des jeux, que celui du déplacement de ses employés ou les possibilités de recyclage des supports physiques sur lesquels le jeu sera distribué.
Il ne s’agit donc pas seulement de calculer l’impact carbone, mais aussi le taux d’épuisement des ressources abiotiques naturelles (un terme barbare pour exprimer l’utilisation de minéraux, métaux… induit par la création du produit), le coût en eau potable (parce que oui, on utilise de l’eau pour faire tous les produits de consommation numériques, y compris les jeux vidéo) et l’énergie primaire consommée (l’électricité et la façon dont elle a été produite).
Le développement de Jyros a commencé en février 2023 avant son lancement officiel en novembre de la même année. Depuis, le logiciel a été traduit pour être utilisé dans plusieurs pays et s’est vu adjoindre de nombreuses fonctionnalités afin d’améliorer ses performances ou de proposer des solutions ciblées à ses utilisateurs pour réduire leur impact.
Comment fonctionne Jyros ?
Jyros permet de saisir de façon simple et intuitive les données d’une entreprise (consommation au kilowattheure, nombre d’employés, de PC, leur type… etc.) ainsi que celles des jeux qui y sont développés (durée de vie, plateforme de destination, moteur…), mais également du marketing qui y est associé, afin afin de calculer l’impact environnemental des différents postes de dépenses et de production. Les résultats sont présentés sous formes de graphiques plus ou moins détaillés et permettent ensuite de cibler des actions afin de réduire son impact. Jyros s’accompagne d’un guide d’utilisation et d’un guide méthodologique gratuit, tous deux clairs et intuitifs, afin d’obtenir un calcul le plus précis et juste possible.
Aujourd’hui, après un an d’existence, ce sont près de 290 entreprises qui l’utilisent, dont 200 qui font directement partie du secteur du jeu vidéo, pour environ 1 500 formulaires de calcul d’empreinte carbone créés (ce qui correspond donc au nombre de productions évaluées). Il s’agit en majeure partie de petites entreprises, dont l’ETP se situe en dessous de 50, situées en France avec une prédilection pour les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France. Néanmoins, la demande en dehors de la France croît de plus en plus.
En parallèle, les concepteurs de Jyros ont développé un Eco Guide totalement gratuit et très ludique, qui propose des tas de solutions pour réduire son impact environnemental, avec un gain sous forme d’XP pour les ceux qui réaliseront les actions les plus consciencieuses ! Le Consortium dispose aussi d’une newsletter et d’un Discord dans lequel la communauté se conseille et s’entraide pour tenter de fournir un jeu vidéo plus vert.
Et après ?
Si Jyros est en train de devenir aussi populaire, ce n’est pas seulement dû à la conscience écologique de ses utilisateurs. En effet, dès le mois de mars 2025, en France, l’attribution des aides du CNC sera soumise aux résultats d’un bilan estimatif d’émission de gaz à effet de serre. De même, pour débloquer le solde de la subvention accordée, il faudra également fournir une seconde analyse une fois le projet terminé. Cette initiative rejoint celles déjà mises en place dans le milieu de la production cinématographique, aussi, le fait d’avoir un outil déjà prêt et fonctionnel permettra d’accélérer et faciliter la transition pour les studios de jeux vidéo.
Ensuite, le Consortium prévoit des partenariats avec l’Ademe pour la réalisation d’une grande étude sur l’impact du jeu en ligne à destination des joueurs. Il faut aussi mentionner l’initiative Playing for the Planet, soutenue par le programme des Nations unies pour l’environnement, à laquelle les associations et syndicats à l’origine de Jyros se sont associés. L’outil devrait donc disposer bientôt d’une homologation officielle et reconnue, et ses concepteurs développent des formations professionnelles sur Jyros et sur l’eco-conception des jeux. Les écoles et les universités s’emparent aussi du sujet et réclament des interventions sur la question.
À l’heure actuelle, aucune sanction ne vient condamner les studios ou les industries qui ne cherchent pas à minimiser leur impact environnemental. Le rôle de Jyros se limite donc pour l’instant à de la sensibilisation. Cependant, au rythme où vont les choses, il n’est pas irréaliste de penser que l’outil pourrait devenir indispensable pour une population de joueurs qui souhaitent garder leur planète sous la barre des +1,5 degré.