L’ancienne exclusivité Playstation/Epic est finalement arrivée jusqu’aux consoles de Microsoft. Elle en aura mis du temps ! Trois ans ont été nécessaires à Kena pour mener à bien ce long voyage. Est-ce que cela en valait la peine ? Ne faisons pas durer le suspense : oui. Si l’on fait une courte rétrospective depuis sa sortie, le titre du studio californien Ember Lab a été couronné de succès. Cette réussite est à la fois critique et commerciale. Aux Game Awards de 2021, le jeu a raflé les récompenses du meilleur jeu indépendant et du meilleur premier jeu indépendant. En effet, on l’oublie, mais il s’agit du premier jeu de ce studio. Ne tardons pas plus, il est de temps de prendre la route jusqu’à la montagne sacrée en compagnie de Kena.
La mort fait partie du cycle de la vie
C’est sous les traits de Kena, jeune guide des esprits, que l’on démarre cette aventure. En tant que telle, son rôle est d’apporter la quiétude aux âmes retenues entre le monde des vivants et celui des morts. Vous l’aurez compris, l’œuvre d’Ember Lab traite du deuil, de son acceptation et de notre rapport à la mort, en touchant donc à notre spiritualité.
Au-delà de ce sacerdoce, les motivations de Kena semblent liées à son père et à la nécessité d’atteindre la montagne sacrée. Cependant, rien n’étant jamais simple, dans sa quête, elle devra faire face à un mal rongeant le village au pied de cette fameuse montagne, une corruption qui envahit la nature luxuriante, mélange de Stranger Things et Princesse Mononoké.
Si les thèmes évoqués sont graves et personnels, ils ne sont pas pour autant pesants. L’héroïne, grâce à son optimisme et à sa bienveillance, contrebalance des questions parfois douloureuses en y apportant comme réponse la nécessité d’un équilibre, d’un cycle naturel immuable. Sans fioritures, l’intrigue et la mise en scène sonnent justes. Les histoires personnelles des esprits rencontrés restent succinctes, par moments seulement suggérées, mais demeurent touchantes et universelles. L’histoire nous est contée uniquement en anglais, les amateurs de VF seront donc déçus, mais les doublages d’une grande qualité viennent rattraper tout cela et les sous-titres en français sont présents.
Une plastique maîtrisée
Est-ce le dernier Pixar ? Non, même si cela pourrait. Il est difficile de nier les qualités graphiques du titre. Ce n’est pas pour rien qu’à la base, bien avant d’être un studio de jeux vidéo, Ember Lab s’est illustré dans l’animation en effectuant des commandes pour des marques comme Coca-Cola, Hisense ou encore la Major League of Baseball.
- Des personnages touchants
On y retrouve une esthétique très ronde, très enfantine et qui colle parfaitement avec les films d’animation. C’est un voyage dans une Asie fantasmée, empreinte du zen et du shintoïsme, tour à tour poétique et épique, mystérieuse ou encore inquiétante. Les environnements prennent tour à tour des visages opposés. Et si la forêt peut paraître calme et paisible, elle sait aussi se faire sombre et sinistre.
Le titre est aussi particulièrement bluffant avec ses jeux d’ombres et de lumière, ses effets d’éclairage ou de particules. Seul petit regret, les transitions entre les cinématiques et les phases de jeux se distinguent encore un peu trop, mais c’est pinailler tant l’univers est envoûtant. Et pour celles et ceux qui se posent la question, oui, il y a un mode photo !
Attardons-nous également sur sa bande-son, qui est en parfaite harmonie avec son propos et son esthétique, créant ainsi un univers musical marquant. Outre le thème principal qui a su se faire une place de choix dans notre cœur, l’ambiance générale, faite de sonorités colorées par les instruments à vent et les percussions, renforcent l’immersion. Le travail sur les musiques confère une atmosphère mémorable et mérite d’être salué.
Un, dos, tres
Kena s’illustre comme une aventure classique, alternant des phases d’exploration, de plateformes ou encore d’action. C’est sur ce rythme en trois temps que se structure l’ensemble de l’histoire. Tout au long du périple, on est finalement assez peu étonné par les mécaniques de Kena Bridge of Spirits, mais leur réalisation est particulièrement réussie.
L’exploration commence dans un monde semi-ouvert. Les capacités acquises au fil de l’histoire permettent de dévoiler progressivement la carte, tout en assurant un retour intéressant dans les environnements déjà parcourus. S’y agrègent des phases de plateformes plus ou moins retorses, dans une formule bien connue. Les plus curieux se verront récompensés, car le monde de Kena regorge de secrets et de chemins cachés. Le tout bénéficie d’une interface extrêmement épurée, ce qui est vraiment agréable. La lisibilité n’en est que meilleure et l’invitation à la contemplation est là.
Parmi les légers reproches, nous pourrions souligner, figure la fameuse peinture blanche qui peint les rebords et indique les passages à emprunter. Pour autant, l’interface se fait totalement oublier dans les autres moments du jeu, de ce fait être “guidé” ne nous a pas vraiment gênés au final.
Quant à l’action, les amateurs de Souls ne seront pas dépaysés. Le titre emprunte certains de ses contrôles aux productions de FromSoftware, les attaques se faisant à l’aide des gâchettes droites pour les attaques légères et lourdes. Il est possible de parer ou de se protéger des attaques adverses à l’aide d’un bouclier et l’on y retrouve, bien entendu, l’éternelle roulade. Parmi les mécaniques essentielles, il n’y a finalement que la barre d’endurance qui n’a pas accompli la traversée, Kena se reposant sur un rythme classique de combos, entrecoupés de pauses marquant le tempo des assauts. La majorité des affrontements se font dans des arènes fermées, nous mettant en face d’un bestiaire varié et tout l’attirail pour se défaire des ennemis ne sera pas de trop.
Loin d’être anecdotique, cette facette du gameplay de Kena se montre intéressante et propose même une bonne dose de challenge. Les confrontations avec les boss, par exemple, constituent de véritables défis, pas vraiment dans l’apprentissage des patterns qui sont facilement appréhendables, mais davantage dans les dégâts qu’ils infligent, puisqu’ils font très mal, même en mode normal. Les développeurs ont d’ailleurs apporté leur réponse sur ce point. Différents modes de difficulté sont présents pour simplement profiter de l’histoire ou s’offrir un challenge plus corsé. Cette difficulté est modulable même en pleine partie, et cela sans impacter les succès.
Enfin, tout cela est complété par un arbre de compétences associées à l’arsenal que Kena pourra acquérir, ce qui est certes léger comme dimension RPG, mais réussi. Les améliorations impactent réellement le gameplay et confèrent un sentiment de puissance. Le contrat est donc rempli.
Oh des petites noiraudes !
- Technique du chat potté
S’ajoute à cette formule la composante “Pikmin”. Dans sa quête, Kena sera aidée par les Rots, sorte de petites créatures de la forêt se nourrissant de la corruption, qui s’intègrent dans chaque phase de gameplay, apportant une touche de fraîcheur bienvenue. Ces bestioles multitâches peuvent, tour à tour, déplacer une pierre pour en faire une plate-forme, apporter leur aide lors d’un combat par exemple en immobilisant un ennemi, ou vaincre la corruption pour ouvrir un nouveau chemin. Quand on parle de PNJ à contrôler, on pourrait y voir une forme de “lourdeur”, de lenteur, de couche supplémentaire qui n’apporte rien au gameplay et qui est soumis à une intelligence artificielle parfois capricieuse, mais ce n’est pas le cas ici. Les Rots interviennent davantage comme des actions contextuelles. Cette aide n’apporte jamais de lourdeur à un gameplay efficace et fluide. Et, comble de la coquetterie, elles sont personnalisables : il est ainsi possible de les affubler de couvre-chefs plus ou moins ridicules. C’est certain, il y en aura un à votre goût.
- Toi aussi, joue à découvrir ton chapeau préféré !
Il est finalement assez difficile de prendre Kena Bridge of Spirits en défaut. Comptez une dizaine d’heures pour en voir le bout et un peu plus pour décrocher l’ensemble des succès. Certains lui reprocheront une difficulté un poil retorse, une certaine redondance dans la boucle de gameplay ou dans le schéma de l’histoire, qui impose de libérer des esprits selon le même modus operandi, voire un manque d’innovations. Il est vrai que la structure du titre est un peu poussiéreuse. Cependant, le tour de force des développeurs d’Ember Lab est justement de proposer une aventure rafraîchissante et mémorable, et cela, dès leur premier jeu. Leur passage du monde de l’animation au monde vidéoludique est un véritable succès.
Testé sur Xbox Series X