Test - Brok the InvestiGator - Crocolumbo du quatrième millénaire

«Un petit air de Blade Runner» , - 3 réaction(s)

Concrétisé suite à une campagne de financement participatif réussie, Brok the InvestiGator est le second projet d’envergure de Fabrice Breton et de son studio COWCAT après Demetrios : The BIG Cynical Adventure sorti en 2017. Ce projet mijote depuis plusieurs années déjà et propose de ressusciter ce genre trop peu exploité à l’époque des années 90 du Punch’n Click, tel le Chessboxing imaginé par Enki Bilal, le tout dans une ambiance digne d’un dessin animé Disney avec des personnages anthropomorphes, histoire de dédramatiser un peu le propos. Si les joueurs PC ont découvert le titre l’été dernier, c’est maintenant à notre tour de profiter des aventures de ce cousin éloigné de Leatherhead de l’univers des Tortues Ninja.

Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir

Le titre s’intègre dans un futur pas vraiment rose avec une touche post-apocalyptique prenant place dans une société très hiérarchisée et terriblement dépendante de la technologie. Les Slumers survivent comme ils peuvent, de petits boulots ou d’expédients, la pauvreté est très présente et tout a l’air de tomber en ruine. À l’opposé les Drumers, beaucoup plus aisés, vivent sous un dôme ultra-sécurisé et bénéficient de tout le confort possible.

La lutte des classes est toujours là en 3035

Nous commençons l’aventure par une mise en scène plutôt critique : l’incendie de notre appartement high-tech. Les bases du gameplay nous sont présentées, à la fois la partie investigation, recherche et interactions puis la partie combat. Cette séquence d’ouverture se termine de manière tragique, posant immédiatement les bases de notre protagoniste dont la culpabilité et le passé apparemment trouble sont prêts à rejaillir à tout instant. Et… Crok se réveille en sueur.

Pas de temps à perdre, notre première journée dans la peau de notre héros commence immédiatement par une « enquête » apparemment très simple.

Finalement, pas si éloigné que ça de notre quotidien

Notre client est particulièrement nerveux et stressé, n’hésitant pas à nous houspiller régulièrement par téléphone pour que nous le rejoignions au plus vite. À peine sortis de notre logement miteux, au prix d’une électrocution et de la destruction d’un aspirateur récalcitrant, nous sommes immédiatement mis dans l’ambiance par la réception d’une facture d’électricité, à régler au plus vite, bien entendu.

Mon Dieu, comment en sommes-nous arrivés là ?

Devant notre bloc d’appartements souterrains, un clochard fortement diminué se fait racketter par deux hommes-rats (Squealers). Il est possible d’ignorer l’altercation et de vaquer à nos affaires ou bien de jouer les redresseurs de torts et d’apprendre les bonnes manières à ces malandrins, version « Madame Pouce et ses quatre filles dans tes chicots ». Cette première décision apparemment anodine influe bien entendu sur la suite de l’aventure. À nous de voir si nous voulons nous mettre immédiatement à dos le gang des Rats tout entier ou laisser crever un pauvre vieillard sous les coups de sous-fifres éminemment désagréables pour une dette s’élevant à une misérable poignée d’Unis (les crédits du jeu).

Nous arrivons enfin chez notre client après nous être énervés quelque peu sur le digicode de l’entrée, celui-ci étant un poil capricieux. Nous avons donc affaire à Sin, un agent novice des forces de l’ordre du Dôme qui a apparemment « égaré » son arme de service lors de sa ronde. Malgré ses récriminations, nous lui posons quelques questions et faisons le tour de son appartement, mettant en lumière quelques indices révélateurs ainsi qu’une belle brochette de soupçons sur sa situation personnelle, psychologique et professionnelle.

Shay n’hésite pas à taper sous la ceinture

Malheureusement, Brok n’est qu’un Slumer et n’a donc pas accès au Dôme. C’est donc tout naturellement que nous rendons visite à Shay, notre amie d’enfance, scientifique, « bidouilleuse » de génie et organisatrice de combats virtuels illégaux à ses heures perdues. Après avoir manqué de nous faire trancher en deux par son système de sécurité, cette dernière nous implémente, après une longue explication dépassant complètement notre alligator, des données biométriques assaisonnées d’une bonne dose de hack et d’un programme de cryptominage (sic). Elle nous invite également à réviser les bases du combat dans son simulateur.

Il va sans dire que dépouillé de sa direction artistique très fluffy-cartoon et des répliques des personnages, le début de cette aventure pourrait pleinement avoir sa place dans l’univers de Cyberpunk : Edgerunners.

Les dessins animés, c’est pour les enfants. Ou pas.

Parlons-en justement, de ce parti-pris visuel. BROK the InvestiGator s’inspire pleinement des dessins animés américains de notre enfance et graphiquement nous sommes plongés dans une ambiance très bon enfant.

L’école, ascenseur social par excellence

Si Fabrice Breton a su s’entourer d’artistes et d’animateurs talentueux pour donner vie à son univers, il a également bénéficié du soutien d’un certain Jymn Magon, auteur et créateur de nombreuses séries des Disney Afternoons telles que Super Baloo ou La bande à Picsou, qui a apporté son expertise et son soutien au script original.

Brok, malgré son design à la fois pataud et agressif, a l’air particulièrement placide et de bonne composition. Les traits d’humour et les piques échangées avec les différents personnages (et parfois à l’attention du joueur) ne se font pas attendre et l’on apprécie tout particulièrement l’écriture des dialogues qui dévoile petit à petit des informations importantes sur l’aventure, l’historique de l’univers et ses travers dystopiques, souvent le reflet déformé de notre propre société. Le reste du casting tient la dragée haute à notre crocodile et bénéficie d’un soin particulier, à la fois graphique et dans les personnalités mises en avant, classiques mais toujours efficaces.

Le jeu est entièrement doublé en anglais uniquement, tout en bénéficiant d’une localisation dans de nombreuses langues, dont le français.

Brok possède forcément un téléphone d’un autre âge

Quelques petites coquilles sont à déplorer mais rien de vraiment préjudiciable à la compréhension et à l’appréciation de l’intrigue, qui se complexifie progressivement. Nous regrettons néanmoins une différence de finesse des modèles concernant les portraits spécifiques de certains personnages. Les environnements sont au final peu nombreux et globalement statiques mais plutôt bien réalisés.

Big Brother is watching you

Notre histoire se déroule dans la plus pure tradition des point’n click, les lieux disponibles et les objets ramassés se multipliant au fur et à mesure. Les possibilités d’interaction sont parfois très importantes à certains endroits et font appel à notre mémoire afin de revenir dans certains lieux pour débloquer des options supplémentaires. Cette liberté bienvenue laissée au joueur se traduit également par la possibilité de passer en mode combat à n’importe quel moment, pour détruire un élément de décor apparemment anodin ou même agresser gratuitement les différents gardes ou encore les PNJ. Les phases d’interrogatoire sont basiques et demandent le plus souvent de mettre en relation plusieurs indices récoltés (il est parfois possible de les réaliser en ayant manqué certains éléments) afin de répondre à une série de questions, la formation de liens pertinents lançant un dialogue créant de nouvelles propositions et remplissant une barre de progression.

Comment se tirer de cette épineuse situation ?

Il va sans dire que plusieurs systèmes de comptage d’affinité et d’intelligence/violence (le bien et le mal n’ont pas leur place ici) sont présents mais discrets et n’oubliant jamais nos coups d’éclats et nos écarts de conduite, en sus du classique arbre de décisions aiguillant notre progression. Nos choix de résolution des différents problèmes qui se présentent à nous nous ouvrent parfois de nouveaux embranchements scénaristiques. En effet, il est tout à fait possible de gérer certaines situations avec notre matière grise ou avec nos gros muscles verts. Des puzzles très traditionnels partagent la scène avec des séquences plus originales faisant appel à la logique ainsi que quelques rares passages axés action.

Chevaliers d’écailles et de fourrure

En ce qui concerne le combat, nos possibilités sont relativement étendues : enchaînements, coups sautés, montants et descendants, blocage, esquive et furie sont au programme.

Combats en VR

Chaque ennemi vaincu rapporte de l’expérience et permet lors d’un passage de niveau d’augmenter nos caractéristiques de force, vie ou délai de chargement de notre furie, cette dernière devenant disponible uniquement après avoir subi une certaine quantité de dégâts. Il est d’ailleurs conseillé de prendre ses marques en début de partie chez Shay afin d’être plus à l’aise par la suite.

À l’exception de quelques affrontements scénarisés, cet entraînement virtuel ne présente aucune contrepartie en cas de défaite et permet même d’en ressortir en meilleure forme qu’en y étant entré. Composé de trois à cinq écrans en fonction du niveau de difficulté choisi, il propose un mix aléatoire d’ennemis parmi ceux déjà rencontrés, d’objets destructibles révélant de l’argent, des objets de soin et d’amélioration, d’armes à utiliser et enfin de pièges divers. Robots et Squealers composent le gros des troupes, pour au final une dizaine de types d’ennemis différents.

Au cours de l’histoire, Brok doit régulièrement faire parler ses poings pour des récompenses généreuses. Les nouveaux ennemis rencontrés sont ajoutés à la liste de combats virtuels, boss compris.

Croco contre Squealers dans une ruelle sombre

Le deuxième personnage jouable dès le second chapitre est censé compenser ses manques de force et résistance par une vivacité accrue mais il est à l’usage beaucoup trop faible (de plus, son spécial est ridicule en termes de puissance), ce qui peut rendre ses séquences de distribution de pains quelque peu frustrantes. Dernier point négatif concernant les combats, la présence parfois en bas de l’écran de trous pas forcément très visibles et particulièrement punitifs en cas de chute.

Un petit air de Soleil Vert

Il faut environ une grosse quinzaine d’heures pour boucler l’aventure, du moins l’une de ses onze fins, pas forcément la plus réjouissante. À moins de vouloir suivre un guide, ce qui constituerait un crime particulièrement odieux et gâcherait le plaisir de la découverte, il peut paraître compliqué de naturellement obtenir la fin « canonique » à notre premier essai. Les autres requièrent souvent de faire des choix extrêmes.

Consulter nos choix importants pour tenter autre chose

Bien conscient de la complexité de certaines situations, Fabrice Breton a opté pour un système similaire à son précédent titre. Dans chaque écran du jeu, trois publicités sont plutôt bien cachées sous forme d’un minuscule QR code triangulaire. En plus de faire office de collectibles, ces dernières peuvent être utilisées pour obtenir une indication complémentaire à tout moment de l’aventure et ainsi ne jamais se retrouver bloqué.

Le jeu est fort bien pensé sur le plan de la rejouabilité. Un diagramme complet des embranchements scénaristiques obtenus devient visible après notre première partie complétée, ainsi que le taux d’affinité avec les différents personnages. De la même manière, les dialogues déjà visualisés peuvent être tout simplement passés. À partir de là, il est beaucoup plus rapide, via la sélection de chapitres et en jouant un peu avec les trois sauvegardes manuelles disponibles, d’aller chercher les possibilités scénaristiques encore manquantes. Mention spéciale à l’un des chapitres médians nous gratifiant d’une affaire éminemment tordue que ne renierait pas la série des Danganronpa.

Malgré tout, il reste de l’espoir

Le futur dépeint dans l’univers de BROK the InvestiGator est à la fois tellement éloigné et proche de nous que nous ne pouvons que finir par nous identifier à son anti-héros. Son côté réfractaire à la technologie est touchant, ainsi que sa nostalgie des temps anciens, quand le monde était moins sécurisé, aseptisé et cloisonné. Cette époque révolue où nous pouvions manger de la vraie nourriture non contaminée par la pollution planétaire, ne pas devoir prendre notre pilule quotidienne et échanger avec de vraies personnes réveille des réminiscences angoissantes issues des œuvres d’anticipation les plus sombres du siècle dernier. Un rappel un peu dérangeant, souligné par de nombreuses références contemporaines, histoire de dire que non, la situation ne s’arrange pas avec le temps, bien au contraire.

Testé sur Xbox Series X et Xbox One

Bilan

On a aimé :
  • Un univers crédible et déprimant
  • Des personnages bien écrits et joliment animés
  • Une intrigue pleine de rebondissements
  • Un système de combat riche
  • Une excellente durée de vie
On n’a pas aimé :
  • L’équilibrage des affrontements, surtout vers la fin
Elémentaire mon cher Brok !

Ne boudons pas notre plaisir, BROK the InvestiGator est une franche réussite qui nous présente, sous des atours particulièrement mignons et colorés, un futur dont personne ne voudrait mais non dénué d’espoir. C’est un véritable régal d’accompagner dans leurs aventures ces personnages pittoresques et fort bien écrits. Le studio COWCAT signe ici un petit bijou de ce mix de genres qui n’avait pas été traité depuis de trop nombreuses années, malgré une partie combat évidemment en deçà de ce que propose la concurrence spécialisée du genre. Attrapez donc la paluche écailleuse de notre héros et plongez vers l’année 3035, vous ne le regretterez pas !

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BROK the InvestiGator

PEGI 7

Genre : Aventure/Réflexion

Éditeur : COWCAT

Développeur : COWCAT

Date de sortie : 1er Mars 2023

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch

3 reactions

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rafaelroob

17 mar 2023 @ 09:19

Cette époque révolue, dans laquelle nous pouvions manger de la vraie nourriture qui n’avait pas été contaminée par la pollution planétaire, dans laquelle nous n’avions pas à prendre notre pilule quotidienne et dans laquelle nous interagissions avec de vraies personnes, réveille des réminiscences angoissantes des plus inquiétants oeuvres d’anticipation du siècle précédent. Un rappel troublant, renforcé par une pléthore de références à l’ici et maintenant, à l’effet que, contrairement aux idées reçues, la situation ne s’améliore pas avec le temps.

basketball stars

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Rantanplan

17 mar 2023 @ 10:41

@modération : encore un profil à supprimer je pense… ça devient pénible ces Bots.

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scdownloader

13 sep 2023 @ 05:22

C’est un projet plutôt attrayant, avec un contenu significatif et de nombreux détails humoristiques soundcloud to mp3