Microsoft est toujours au centre de l’attention de l’industrie du jeu vidéo tandis que la firme attend le verdict des différentes institutions concernant sa proposition d’acquisition d’Activision Blizzard. Alors que nous écrivions cette semaine que la Commission Européenne émettrait des réserves sur l’opération, la firme de Redmond reçoit un soutien de poids de la part de l’ European Games Developer Federation qui regroupe plus de 2500 studios européens, eux-mêmes représentés par des associations telles que la SNJV française. C’est via un communiqué que l’EGDF présente sa lecture du deal Microsoft-Activision Blizzard et ses résultantes sur l’industrie.
Du passif incriminant…
L’EGDF introduit sa lecture en observant que l’acquisition d’Activision Blizzard, qui est un acteur majeur du marché de l’édition, soulève logiquement des questions quant aux risques de comportements anticoncurrentiels de la part de Microsoft. En effet, la firme de Redmond n’a « pas toujours respecté par le passé les assurances qu’elle a données de continuer à rendre disponibles sur les plateformes concurrentes les jeux publiés par les entreprises qu’elle a acquises ». Sur ce point, l’EGDF félicite donc l’initiative de la Commission Européenne d’enquêter de manière approfondie sur l’opération, avant d’argumenter sur sa position qui est favorable à l’acquisition.
…au contexte actuel
Néanmoins, l’EGDF soutient l’opération compte tenu des potentiels effets positifs sur la concurrence. En effet, selon la Fédération la somme de ces effets positifs est supérieure aux inconvénients lorsqu’on regarde la faible proposition d’abonnements dans le secteur et la position de leader du marché de PlayStation. Cette acquisition permettrait donc à Microsoft en sa qualité de challenger de lutter « à force égale » dans une industrie qui subit une forte consolidation avec de multiples acquisitions notamment dans le milieu de l’édition.
Une industrie qui a évolué
L’un des points capitaux soulevés par l’EGDF est l’état actuel de l’industrie vidéoludique, ainsi la Commission Européenne est invitée à élargir sa perspective au-delà du seul marché du hardware avec les consoles : le deal permettrait à Microsoft de concurrencer Apple et Google sur le marché mobile avec le catalogue de Blizzard-King qui inclut notamment Candy Crush. La nouvelle présence de Microsoft dans le jeu mobile avec son marché d’applications donnerait accès à une nouvelle plateforme qui permettrait aux studios de mieux négocier leurs conditions face ou hors de la domination actuelle des développeurs d’iOS et Android.
Il est également question de l’émergence du cloud gaming dans lequel Microsoft tient une position jugée « cruciale » pour faire concurrence à Apple puisque le service de Stadia n’est plus d’actualité. Du côté de l’édition qui est le premier sujet mis en avant concernant le deal, la firme de Redmond aurait un nouvel argument pour rester dans la course contre Tencent qui a investi de manière agressive et soutenue dans les studios, éditeurs et a déclaré vouloir continuer sur cette dynamique.
Une liste exhaustive des mesures à appliquer
Si l’initiative de Microsoft est saluée en matière d’ouverture à la concurrence avec l’Open Appstore que la firme veut proposer sur son système Windows, l’EGDF a tout de même tenu à lister les points pro-concurrence que Microsoft doit maintenir pour justifier le caractère positif de cette acquisition :
- Poursuivre son travail pour rendre toutes ses plateformes plus ouvertes et transparentes, notamment en élargissant ses principes d’app store à la Xbox.
- Continuer à autoriser également les contenus culturels et artistiques controversés sur toutes ses plateformes.
- Continuer à autoriser les jeux Web3 sur ses plateformes, car ils pourraient changer la donne et contribuer à l’émergence de nouvelles plateformes européennes.
- Poursuivre ses investissements dans les studios de développement de jeux de petite et moyenne taille, afin de garantir un contenu plus diversifié sur ses plateformes.
- Poursuivre son investissement dans le développement de jeux multiplateformes et rendre ses jeux largement disponibles sur toutes les plateformes.
- Garantir aux développeurs et éditeurs de jeux le même accès aux données personnelles et non personnelles sur leurs jeux que celui dont dispose Microsoft sur toutes ses plateformes.
- Briser le triopole du marché des consoles et être compétitif sur le plan du contenu en abaissant ses 30 % de frais de plateforme sur la Xbox.
- Poursuivre le dialogue étroit avec les développeurs de jeux européens pour améliorer ses plateformes et ses magasins d’applications.
Enfin, l’EGDF invite la Commission européenne à s’assurer que Microsoft tient effectivement ses engagements concernant la continuité des licences Activision Blizzard telles que Call of Duty sur les autres plateformes. Il est intéressant de lire les opinions des différents acteurs de la scène vidéoludique internationale alors que les interventions de Microsoft et Sony à l’adresse des autorités ou en riposte à l’un et l’autre ont dominé la période précédant les enquêtes approfondies.