Test - Saga of Sins - Il est venu le temps des cathédraaaaales !

«Baston “in vitraux”» , - 0 réaction(s)

La fête médiévale bat son plein. Au fil de nos pérégrinations dans les ruelles de la vieille ville, saltimbanques et camelots tentent d’accrocher notre regard avec force voix et moult gesticulations. Arrivés sur le parvis de l’église, nous sommes attirés par un attroupement d’importance. Un barde à l’apparence juvénile s’apprête à nous conter une fable :

“Oyez, oyez, braves gens ! Approchez, gentes damoiselles et distingués gentilshommes, venez donc écouter la Geste de Sieur Cecil, preux parmi les preux, qui onques ne faillit durant la Sainte Croisade. Entendez la complainte de ce brave touché par la grâce, qui de retour dans son fief de naissance fut saisi d’effroi par l’avènement du Fléau, né de l’impiété des manants comme des puissants. Louez la clairvoyance de son maître, Ulric le Cramoisi, qui lui enseigna les arts obscurs et le manda prestement de repartir en quête dans l’esprit de ses brebis égarées pour leur apporter la lumière et châtier le Malin. Contemplez son suprême sacrifice quand il fit sienne la Voie du Changeforme, le doute le rongeant tel un puissant poison lors de ses renaissances dans l’éclat du Vitrail !”

Mortecouille, ce vil faquin aurait-il joué à Saga of Sins ?

Mais quelle est donc cette diablerie ?

Bonus level Entertainement n’en est pas à son coup d’essai sur le secteur des jeux d’action et de plateforme, mais était jusqu’à présent plutôt spécialisé dans les graphismes mignons et les personnages vulpins. Avec Saga of Sins, le studio allemand effectue une volte-face artistique et décide de s’inspirer du style de Hieronymus Bosch, peintre hollandais de la fin du Moyen-Age connu pour ses œuvres d’inspiration religieuse mêlant mysticisme et hérésie.

Doute et châtiment

Son goût prononcé pour la représentation du péché et de la damnation au travers de situations et de créatures grotesques s’intègre parfaitement au sein de la direction artistique du jeu. Elle immortalise avec brio ce style particulier en lui offrant un traitement de type vitrail pour nous plonger immédiatement dans l’ambiance médiévale très sombre du titre.

Nous faisons donc la connaissance de Cecil et de son accent éminemment tudesque, de retour chez lui après quelques années passées à guerroyer en Terre Sainte. L’église est en piteux état, ses vitraux sont brisés. Ulric, son mentor, dont la dégaine à la Palpatine nous rend immédiatement soupçonneux à son égard, l’informe de la situation du village bien entendu désespérée.

Le premier fragment

Cette impression est renforcée par notre première restauration verrière : Morbleu, quelle église présente donc un loup-garou sur ses fenêtres ? Un gueux particulièrement aviné bloquant la porte principale, notre première mission consiste donc à le chasser en investissant son esprit pour en extirper le péché.

Au nom du Seigneur, je vous botte le cul !

Ce premier niveau est raisonnablement court et nous permet de prendre en main notre Cecil-lycanthrope. Celui-ci tire des boules de feu bleutées uniquement vers l’avant, possède un double saut ainsi qu’un coup spécial très puissant de type “dash”, activable après avoir occis un certain nombre d’ennemis ou ramassé un bonus correspondant. Une petite auréole apparaît au-dessus de la tête de notre bestiole dès que l’attaque devient disponible. Les ennemis vaincus laissent échapper une poignée de deniers qu’il convient de ramasser avant qu’ils disparaissent.

Divers points de sauvegarde ponctuent notre progression, ainsi que de petits cœurs placés à des endroits stratégiques pour remonter notre niveau de vie. Notre trépas n’a absolument aucune conséquence, car nous retournons au dernier point de contrôle en conservant l’intégralité de l’argent récolté. Nous arrivons rapidement au bout de cette première épreuve qui s’achève par la récolte d’une pomme ressemblant à un crâne, sinistre matérialisation de la corruption de son hôte.

Vous reprendrez bien un petit verre ?

À notre retour dans le monde réel, le pécheur a disparu. La porte de la chapelle ainsi dégagée nous donne accès à la cour intérieure, investie par deux autres outres ambulantes à la démarche chancelante et aux propos incohérents. Nouveauté notable, le fils de l’un de ces ivrognes assiste impuissant à la déchéance de son géniteur. Cecil peut également s’introduire dans l’esprit de ce premier innocent, qui propose un court casse-tête dans une ambiance beaucoup plus angélique.

Innocence et bizarrerie

Contrairement aux pécheurs qui disparaissent miraculeusement une fois purifiés, les innocents demeurent et leurs niveaux peuvent être visités à l’envi. Nous nous rendons rapidement compte que ces derniers requièrent des compétences qui nous sont encore inconnues, nous ne nous y attardons donc pas pour le moment. La trinité des ivrognes, symbolisant la gourmandise, connaît son apogée lors d’un combat contre un démon un peu plus cauteleux et robuste que les hordes rencontrées jusqu’alors.

Certains disent que vous êtes un meurtrier, d’autres disent que vous êtes un saint homme, lequel est vrai ?

Ce premier chapitre de l’histoire de Cecil se clôt par une discussion avec Ulric, qui s’octroie le fruit de notre moisson en échange d’un nouveau vitrail restauré et par conséquent, d’une nouvelle forme chtonienne pour Cecil. La gargouille se distingue par son souffle ardent à très faible portée offrant la possibilité de dégager de nombreux passages.

Joli sourire !

Une courte prière à la statue de la Madone permet d’investir l’argent durement gagné dans un arbre de compétences. Suite à cette fort circonstanciée mise en bouche, nous nous rendons sur la place du marché où des saltimbanques se sont installés. De vives tensions font rage entre les artistes et certains villageois, autant d’occasions de plonger dans d’autres esprits aux saveurs diversement avariées.

Cette valse des fous et les sots nous offre de fort sympathiques variations de gameplay : interrupteurs et braseros à activer, commandes soudainement inversées, sol spongieux ralentissant nos mouvements, pièces factices faisant baisser notre compteur monétaire, ennemis nous dérobant de l’argent au contact, etc. Chaque péché est intégré de façon cohérente, dans des décors parfois franchement dérangeants. Plus il s’enfonce dans les ruelles des quartiers de la ville, plus Cecil est confronté à la bassesse et à la félonie de ses contemporains. Convaincu de la justesse de sa cause, il pille et viole leur esprit sans vergogne. À chaque “purification”, de terribles interrogations font cependant vaciller la flamme de sa foi. La dualité entre ses pures intentions et la perfidie des moyens employés le plongent dans des abîmes de perplexité, mais Maître Ulric reste inflexible sur la justesse de ce combat.

C’est toujours la même histoire...

Accompagne-moi jusqu’au puits à souhaits, aide-moi à trouver ce miracle

À mi-parcours, les différents menus nous permettent d’estimer l’avancée de notre progression, les habitants de Sinwell, pécheurs comme innocents y étant clairement référencés. Une troisième forme se dévoile enfin dans les vitraux, particulièrement adaptée au combat contre les ennemis volants. Enfin, nous gagnons l’accès aux niveaux précédemment complétés par une pirouette scénaristique particulièrement morbide. Les environnements deviennent plus vastes et complexes, sans pour autant virer au metroidvania. Une sombre silhouette encapuchonnée rôde en ville, insaisissable, s’invitant même au confessionnal pour un échange des plus inquiétants.

Certains sauts ou combinaisons de sauts et de ruées, parfois exigées très tôt dans l’aventure, sont un peu sadiques à réaliser et promettent une petite dose de frustration avant de pouvoir les exécuter à la perfection.

Le seul trésor valable chez cette âme tourmentée

Les animations du personnage sont un peu raides et si le procédé d’animation reste très traditionnel, il colle parfaitement à l’ambiance de Sinwell. La maniabilité reste quand même bonne tout au long du jeu et jamais les commandes ne sont prises en défaut. Notons que les succès ont l’air fort bizarrement répartis et n’accompagnent pas vraiment le joueur dans sa progression.

Le jeu est en définitive assez court, le quatrième et ultime chapitre de l’histoire de Cecil se précipite vers nous bien plus tôt que nous ne l’espérions. La trentaine de personnages à aider ne nous résiste qu’une grosse poignée d’heures avant de rendre les armes. Résistance de principe, car le jeu est très abordable, même dans la difficulté par défaut.

Cecil tient le compte des pécheurs punis dans sa cellule

Certains secrets restent encore en suspens une fois le générique final déroulé, ce qui permet d’augmenter quelque peu la durée de vie du titre, sans pour autant la décupler de manière immodérée. Pour peu que l’on adhère aux choix artistiques et que l’action à l’ancienne ne nous rebute pas, Saga of Sins nous propose une aventure pittoresque nous plongeant dans l’Histoire de fort belle façon.

Que vos journées soient longues et vos nuits plaisantes

Les cloches retentissent et les ombres s’étirent sur les murs de la cathédrale en cette chaude fin d’après-midi. C’est l’heure des vêpres. Le barde nous décroche son sourire le plus éclatant alors qu’il nous laisse pantois par la conclusion de son histoire.

“Car oui, il arriva l’heure où mensonges et contrevérités se télescopèrent telles des comètes jumelles, lorsque le céleste échiquier se dévoila un peu plus et où Cecil, simple pion des forces à l’œuvre à Sinwell dut faire un choix. Bien ou Mal, dextre ou sénestre ? Mais quelle importance en définitive ? Car ce sont les hommes et eux seuls qui décident ou non de confier leur destin aux mains du divin.”

Dans un silence de mort, le jeune homme se fend alors d’une révérence impeccable avant de brandir avec morgue l’instrument à cordes qu’il portait dans son dos. Alors qu’il plaque ses premiers accords, le reste de la troupe se met à battre la mesure sur leurs tambourins ou le banc sur lequel ils sont assis. Et c’est non sans un certain effroi que nous reconnaissons la mélodie du très peu médiéval Master of Puppets.

Testé sur Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • Le style vitrail très médiéval
  • La maniabilité réactive
  • Les variations du gameplay
On n’a pas aimé :
  • Trop court
  • Une intrigue dont on devine rapidement la conclusion
  • Aucune demi-mesure dans l’alignement des personnages
Medieval Sin City

Saga of Sins est une fascinante mais trop courte découverte, à la fois culturelle et historique, pour peu que l’on s’intéresse à cette période. Le gameplay ne révolutionne pas le genre mais reste sobre et efficace pour un jeu d’action à l’ancienne. Jérôme Bosch a grandement inspiré les membres du studio, qui nous brossent ici un saisissant tableau des culpabilités chrétiennes ordinaires à la fin du Moyen-Age. Les portes de l’Enfer ne nous ont jamais paru aussi proches, dans ce village apparemment oublié par Dieu qui nous dévoile ce que l’humanité produit de pire.

Accueil > Tests > Tests Xbox One

Saga of Sins

PEGI 12

Genre : Action RPG

Editeur : Just For Games

Développeur : Bonus Level Entertainment

Date de sortie : 30 mars 2023

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch