La décision de la CMA de ne pas approuver le rachat d’Activision par Microsoft est un véritable coup de tonnerre pour les affaires de Microsoft. Et si le ton est plutôt cordial dans les communications publiques, ce n’est pas forcément la même chose en coulisses. Après les menaces d’Activision, c’est Microsoft qui emboite le pas en évoquant de retirer Activision de ce marché.
Retirer Activision du marché britannique, une option « extrême » envisagée par Microsoft
C’est Bloomberg qui relate l’information en confirmant d’abord que le président de Microsoft, President Brad, rencontrera le chancelier britannique Jeremy Hunt la semaine prochaine pour lui faire part de sa frustration.
Jeremy Hunt pourrait être une oreille attentive de Microsoft puisque celui-ci avait déclaré en mai dernier qu’il fallait que son pays se préoccupe de sa croissance, à l’heure où Activision menaçait de désinvestir dans le pays si l’accord de la CMA n’avait pas lieu.
L’une des raisons pour lesquelles des entreprises comme Microsoft et Google veulent investir au Royaume-Uni est que nous avons des régulateurs indépendants qui ne sont pas contrôlés par des politiciens.
Je ne voudrais absolument pas compromettre cette indépendance, mais je pense qu’il est important que tous nos régulateurs comprennent leurs responsabilités plus larges en matière de croissance économique.
Cette dernière phrase du ministre des Finances Jeremy Hunt a certainement été prise avec intérêt par Microsoft qui pourrait trouver là un allié dans sa quête de faire approuver le rachat dans le pays.
Bloomberg affirme de son côté qu’une option extrême pourrait consister à contourner l’ordonnance britannique et à poursuivre l’opération, ou à retirer Activision du marché britannique, a déclaré l’une des personnes proches du dossier, confirmant des rapports antérieurs de l’agence de presse réglementaire Mlex.
Activision est très remonté contre la CMA
Suite à l’annonce de la CMA, c’est le président de Microsoft qui avait pris la parole juste après pour exprimer son regret que l’accord avec Activision n’ait pas été approuvé par les autorités antitrust britanniques. Dans un ton très cordial, Microsoft a précisé qu’il ferait appel, tout en regrettant un manque de compréhension du marché par le régulateur, et particulièrement sur le segment du cloud.
Du côté d’Activision par contre, le ton est un peu plus virulent. Bobby Kotick, PDG du créateur de Call of Duty, a envoyé une communication à ses employés en précisant que si la décision de la CMA était maintenue, elle « étoufferait l’investissement, la concurrence et la création d’emplois dans l’ensemble de l’industrie du jeu au Royaume-Uni ».
Le patron d’Activision avait déjà taclé violemment le Royaume-Uni en février dernier en réaction à une déclaration du chancelier, Jeremy Hunt, qu’il souhaitait faire du Royaume-Uni « la Silicon Valley de l’Europe ». Face aux réticences de la CMA à valider le rachat déjà à l’époque, Bobby Kotick avait alors déclaré que le blocage du deal pourrait, au contraire, avoir l’effet de transformer le Royaume-Uni en vallée de la mort (Death Valley). Ambiance.
Déjà à l’époque, Bobby Kotick parlait d’un impact sur les emplois du pays, mais un représentant d’Activision est allé plus loin au micro de la BBC. « Le rapport de la CMA contredit les ambitions du Royaume-Uni de devenir un pays attractif pour la création d’entreprises technologiques », a-t-il indiqué, rappelant ainsi les déclarations du grand patron un peu plus tôt cette année.
Les conclusions du rapport ne rendent pas service aux citoyens britanniques, qui sont confrontés à des perspectives économiques de plus en plus sombres. Nous allons réévaluer nos plans de croissance pour le Royaume-Uni. Les innovateurs mondiaux, grands et petits, prendront note du fait que, malgré toute sa rhétorique, le Royaume-Uni est clairement fermé aux affaires.
En évoquant une réévaluation de ses plans de croissance au Royaume-Uni, Activision menace clairement la CMA de désinvestir le pays au profit d’autres territoires. Il est difficile d’évaluer l’impact d’une telle menace, mais il y a des chances pour que les intimidations ne permettent pas vraiment la construction d’un dialogue constructif.
Et maintenant ?
Dans ses conclusions, la CMA a mis de côté le marché des consoles qui ne semble pas être problématique dans cette affaire, et a plutôt mis le cloud gaming sur le devant de la scène. Selon l’organisme, la position de Microsoft sur ce marché serait problématique si le deal devait être validé.
Microsoft jouit déjà d’une position de force et d’une longueur d’avance sur les autres concurrents dans le domaine des jeux dans le cloud et cet accord renforcerait cet avantage en lui donnant la possibilité de saper de nouveaux concurrents innovants.
Microsoft a bien présenté des plans pour répondre aux préoccupations de la CMA, mais ils ont été jugés inefficaces. « Les jeux dans le cloud ont besoin d’un marché libre et concurrentiel pour stimuler l’innovation et le choix. Le meilleur moyen d’y parvenir est de permettre à la dynamique concurrentielle actuelle des jeux en nuage de continuer à faire son travail ».
Microsoft a fait appel de la décision de la CMA et une audience est, pour le moment, prévue en juillet. Quant aux débats avec la FTC aux États-Unis, ils auront lieu également cet été.