Malgré les améliorations observées, les nombreuses études réalisées et la libération de la parole dans le milieu du jeu vidéo, les comportements problématiques et extrêmes sont toujours omniprésents. C’est ce que nous montre une nouvelle étude réalisée concernant « la fusion identitaire » et l’extrême au sein des communautés de joueurs.
L’effet de groupe dans les communautés de joueurs serait propice à la croissance d’idées sexistes et racistes
C’est Take This, une organisation de défense de la santé mentale axée sur l’industrie du jeu basée à Seattle, qui a réalisé l’étude suivante et publié les résultats : « Identity fusion and extremism in gaming cultures » (Fusion identitaire et extrémisme dans les cultures de jeux).
Le but de cette étude est d’analyser le concept de « fusion d’identité » au sein de groupes pouvant adopter des comportements toxiques, à l’instar de certaines communautés dans le monde du jeu vidéo. La « fusion d’identité » est décrite comme « un sentiment profond et viscéral d’alignement » vis-à-vis d’un groupe ou d’une cause. On pourrait plus couramment comparer cela à l’effet de groupe en général.
La docteur Rachel Kowert en charge de cette étude a relevé que les joueurs se revendiquant comme « gamers » et proche des communautés de cet univers étaient plus enclins à développer une fusion identitaire. Cela viendrait notamment du fait que les jeux vidéos créent des expériences partagées particulièrement stimulantes et engageantes. Ainsi, les quelques joueurs ne faisant plus la différence entre leur identité personnelle et leur identité de joueurs adopteraient plus facilement des comportements sexistes ou racistes en autres.
"Nous avons des identités individuelles et des identités sociales. Ainsi, je suis Rachel, je suis une femme, et je suis une joueuse. J’aime The Witcher. Ce sont mes identités sociales et elles sont distinctes.
La fusion des identités, c’est lorsque l’identité sociale et l’identité individuelle fusionnent et qu’il est impossible de les séparer..... La façon dont la fusion se développe les rend plus susceptibles d’adopter des comportements plus extrêmes."
Pour réaliser cette étude, Rachel Kower et ses collègues ont interrogé des centaines de joueurs afin d’analyser leurs croyances et de déterminer de quel bord politique ils étaient proches ou encore quelles étaient leurs opinions sur les femmes et les minorités. Ensuite, les chercheurs ont essayé d’établir un lien entre la fusion d’identité et la culture du jeu vidéo. Ils ont par exemple demandé aux joueurs interrogés s’ils pensaient « rendre la culture du jeu forte » et dans quelle mesure ils seraient prêts à « combattre quelqu’un » pour « s’être moqués de la culture du jeu ».
Finalement, trois variables majeures sont ressorties : solitude, attachement évitant, attachement anxieux. Cette conclusion a permis aux chercheurs de qualifier les communautés de jeux « d’armes à double tranchant » pour les personnes vulnérables. Les jeux compétitifs tels que Call of Duty favoriseraient particulièrement ces comportements extrêmes, plus que des jeux axés sur la coopération.
« Lorsque l’identité du joueur est au cœur de ce que vous êtes en tant que personne, cela semble refléter ce que nous appelons une culture de joueur toxique, qui tend à refléter plus d’exclusion que d’inclusion - donc des choses comme le racisme, le sexisme et la misogynie. Toutes ces choses que nous savons exister dans les espaces de jeu semblent être intériorisées par ceux qui s’identifient très étroitement comme faisant partie de cette communauté. »
Rachel Kowert a tout de même souhaité préciser que cette étude concerne une petite portion toxique de la communauté des joueurs particulièrement influencée par la culture du secteur au point d’en être profondément influencée d’un point de vue identitaire. Cette étude centrée sur la fusion identitaire a aussi été réalisée dans d’autres domaines tels que l’armée ou encore les sports de compétition et les résultats antisociaux de ces domaines se rapprochent de l’hostilité et de l’agression par exemple. Pour finir, Rachel Kowert a voulu préciser que ses recherches n’étaient en aucun cas des attaques ciblées envers les joueurs au sens large.
« Je pense que les jeux sont des endroits merveilleux qui ont plus de choses positives à offrir que de choses négatives dans l’ensemble. Je pense qu’il est important que nous ayons la conversation que les jeux sont exploités de cette façon, parce que nous n’avons pas cette conversation, et donc nous ne pouvons pas l’atténuer si nous n’avons pas la conversation. »
Kowert ne veut pas que ses recherches soient utilisées pour attaquer la communauté des joueurs au sens large, car il est clair qu’elle "ne dit pas que tous les jeux sont mauvais ou que tous les joueurs sont des extrémistes. » En effet, cette étude a le mérite de mettre en lumière les comportements extrêmes existants dans les communautés de joueurs et cela nous permet de prendre plus de recul sur leurs sources afin de mieux les prévenir et toujours prendre plus de recul sur ce divertissement, surtout de nos jours.