Test - Huntdown : la chasse au GOTY indé est ouverte

«Mieux vaut être le chasseur que la proie.» , - 1 réaction(s)

Quoi de mieux pour s’évader des turpitudes du quotidien et des événements tragiques dans le monde que de plonger corps et âme dans un jeu vidéo à l’univers cyberpunk. Quand vous revenez à la réalité, vous trouvez finalement que ce monde d’aujourd’hui n’est pas si gerbant. Guérir le mal par le pire, une vieille recette qui a fait ses preuves pour relativiser. Chaque jeu dans cet univers devrait être remboursé par la Sécu. C’est pourquoi, beaucoup de studios et éditeurs se sont donnés rendez-vous en 2020 pour nous proposer ‘The menu’ cyberpunk. En apéritif, nous avons eu droit le 23 avril à Cloudpunk, petite balade gentillette en taxi volant pour livrer des sushis avariés aux confinés du futur. Le 17 septembre, c’est le gros plat de résistance qui est attendu avec Cyberpunk 2077 des Polonais de CD Projekt. Aujourd’hui, c’est l’entrée que nous dégustons avec Huntdown, premier jeu du studio suédois Easy Trigger Games édité par Coffee Stain Publishing. La carte nous promet un run ‘n’ gun comique et bourré d’actions. Mouais. Laissons la chance au produit, retirons notre masque, serrons notre bavoir et prenons nos couverts. Bon appétit.

John Sawyer, c’est l’Amérique, le cauchemar du crime organisé

Il ne fait pas très bon vivre dans le futur. Les gouvernements se sont effondrés et les multinationales occupent la place vacante. L’enfer se propage dans les rues crasseuses et malsaines des mégapoles. Les gangs font la loi dans les quartiers et se disputent le contrôle des trafics. Dans leur lutte contre le crime, les autorités locales sont dépassées et les rangs de la police décimés. Les multinationales préfèrent laisser pourrir la situation tant qu’on ne touche pas à leurs intérêts. Après tout, la plèbe a le droit de s’amuser… Mais cette fois, dans une des mégapoles, la menace est sérieuse. Les gangs sont allés trop loin. Il est temps de les éradiquer. La Shimamoto Corporation fait donc appel aux seules personnes assez folles pour se lancer dans ces missions impossibles, les chasseurs de primes.

Quoi ma gueule, qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

Le scénario ne casse pas trois pattes à un canard mais a le mérite de respecter l’univers et les fantasmes liés au cyberpunk. De toute manière, dans un run ‘n’ gun, n’importe quel prétexte est bon pour défourailler tout ce qui se présente à l’écran. Un bandeau sur le front pour mettre en valeur sa permanente noire de jais, des rangers usés, le torse nu, une M60 et c’est parti : ra-ta-ta-ta-ta. Bon, ça fait plus guerre du Viêt Nam. Nous validons donc les mercenaires du futur. Trois choix s’offrent à nous. La première chasseuse de primes est Anna Conda, experte en armes à feu et ex-commando. Le deuxième est l’ancien flic John Sawyer, originaire du Mississippi, cabossé de partout et rafistolé avec des prothèses métalliques. Enfin, le dernier est Mow Man, un droïde surentraîné, lointain cousin du T-800. Chaque personnage possède son arme fétiche principale avec des munitions illimitées et sa propre arme tactique rechargeable. Avec sa mâchoire métallique qui lui donne un charisme de fou, notre choix se porte sur John Sawyer pour un premier run.

Ah si elle travaillait pour le gouvernement...

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous entamons une visioconférence avec Miss Rose, de la Shimamoto Corporation. Traits du visage dissimulés, elle nous briefe sur les enjeux des missions et des primes, tout en tricotant avec une ardeur infinie. Aucune pénurie de masque possible avec elle. Quatre gangs sont à éradiquer dans différents secteurs de la mégapole. Pour venir à bout d’un clan, nous devons parcourir 5 niveaux. Chacun se termine par un combat de boss, soit quatre lieutenants à affronter puis la confrontation finale avec le puissant chef du gang. Le jeu se compose ainsi de 20 niveaux au total avec 20 boss à neutraliser. Le scénario impose de commencer par la banlieue, repère des Hoodlum Dolls. Du très classique au programme puisque ce gang regroupe tous les punks et marginaux de la ville. Les autres quartiers se débloquent au fil de l’histoire et nous passerons au gang suivant seulement après avoir anéanti le précédent. Nous aurons affaire par la suite aux Heatseekers, dignes héritiers des motards moustachus du Blue Oyster Bar, puis les Misconducts, composés de retraités de la ligue professionnelle de hockey en manque de cassage de dents à coups de crosses. Enfin le dernier gang, le plus organisé et dangereux, est une alliance improbable et délirante entre les descendants du Bronx et les yakuzas, dirigée par le machiavélique Shogun. La dérision est bien au rendez-vous. Après cette brève présentation des protagonistes, c’est avec la bave aux lèvres et les yeux sanglants que nous partons en mission.

Une ambiance cyber dingue

Notre premier choc est visuel. Les graphismes en pixel art et 16 bits sont magnifiques. Faits à la main, chaque plan fourmille de détails. La gestion des lumières et des ombres est remarquable. Le travail sur les différents plans font ressortir la profondeur de champ et donne l’impression de regarder des scènes en 3D. Du grand ouvrage, et même les réfractaires au pixel art reconnaîtront le travail colossal qui a été effectué. Les nombreux espaces urbains visités sont variés. Nous n’échapperons pas aux égouts, métro et quartier asiatique, toutefois ce dernier est très inspiré. Dans l’ensemble, la direction artistique reste classique mais respecter un univers aussi codé que le cyberpunk empêche certaines folies créatrices.

On aurait presque envie de s’asseoir sur un banc

Dans un jeu d’action, les graphismes ne sont qu’un plus, aussi beaux soient-ils. Les animations en revanche, c’est autrement plus important. Ceux qui ont connu en 1989 celles de Prince of Persia en ont gardé une trace indélébile dans leur cœur malgré un graphisme en pixel art assez pauvre à cause des limites techniques. Concernant les animations de Huntdown, ne gardons pas le suspense plus longtemps. C’est tout simplement une claque magistrale, en 60 images par seconde. Les mouvements détaillés des personnages, des véhicules, de certains éléments du décor rendent le jeu très vivant et immersif. Les nombreux effets spéciaux réussis, les animations des projectiles et leurs impacts sont un pur bonheur.

Ça va trancher chérie !

Si notre sens visuel est servi royalement, notre sens auditif est également gâté, particulièrement par le son émis par les armes à feu. Utiliser le fusil à pompe devient bluffant et jouissif. Nos actions sont également accompagnées des commentaires (en anglais) hilarants de notre chasseur de primes. Ce dernier provoque et chambre à tout bout de champ les ennemis avec un style très personnel. Le rire démoniaque d’Anna Conda hantera plusieurs de vos nuits. De plus, de nombreuses surprises sonores sont contextuelles et rares. Imaginez notre plaisir sadique quand notre antihéros s’est mis à fredonner la chevauchée des Walkyries… équipé d’un lance-flammes. D’ailleurs, le jeu déborde de références aux films de science-fiction des années 80, tels Blade Runner, Terminator et Running Man, via des décors, des personnages et des passages sonores cultes.

Enfin, la bande originale du jeu est également inspirée de cette époque avec l’omniprésence du synthétiseur en fil rouge. Suivant l’action et l’avancée dans les niveaux, les morceaux passent du rock industriel, au darkwave, en passant par l’électro. Si les compositions correspondent parfaitement à l’univers cyberpunk, malheureusement aucun thème ne vous restera en tête une fois le jeu quitté. Vous l’aurez compris, malgré la petite fausse note finale, les artistes d’Easy Trigger Games nous offrent dans Huntdown une ambiance de dingue, à défaut de pognon.

Je pense donc je tue

Si l’enrobage du jeu est parfaitement soigné, qu’en est-il réellement du gameplay, du rythme et de la progression, autres piliers fondamentaux d’un run ‘n’ gun ? Concentrons-nous d’abord sur le gameplay. Au-delà des mouvements basiques, notre chasseur de primes peut utiliser un dash, qu’il faudra apprendre à maîtriser pour se faciliter la tâche offensivement et défensivement. Pour écrabouiller la vermine, un choix pléthorique d’armes principales ou tactiques, plus puissantes mais limitées, s’offre à nous sur le champ de bataille. Si le choix d’une nouvelle arme tactique remplace celle de base, celui d’une arme principale reste en complément de l’arme fétiche. Un appui sur le bouton B permet le passage de l’une à l’autre en une fraction de seconde. Contrairement aux références Contra et Metal Slug qui permettent de tirer avec des armes à feu à 360° en position arrêtée, Huntdown n’autorise que les tirs horizontaux. De plus, aucun véhicule ne sera utilisable par notre aventurier. À ce stade, les possibilités de gameplay dans Huntdown semblent régresser par rapport aux classiques du genre.

En réalité, il n’en est rien. Les concepteurs suédois ont introduit un système de couverture qui fait mouche. Pour progresser dans les niveaux, bien se protéger est primordial. Se cacher derrière des caisses, des véhicules ou dans des renfoncements du décor, éviter les rafales de balles ennemies, tirer quelques salves, dasher jusqu’à la prochaine couverture pour se rapprocher, toutes ces mécaniques de gameplay dynamisent le jeu et deviennent grisantes et gratifiantes quand on parvient à les dompter. L’ambiance du jeu aidant, les moments de ‘flow’ qu’on aime tous ressentir en tant que joueur sont bien présents.

On va tout péter

L’accent mis sur la défense et la tactique impose un rythme moins soutenu. Par instant, nous ne sommes plus dans un run ‘n’ gun mais plutôt dans un think ‘n’ gun. Nous pouvons même utiliser les possibilités offertes par l’environnement pour éliminer certains ennemis, telles des bidons à enflammer ou d’autres objets du décor à faire tomber. L’utilisation adéquate des armes tactiques est destructrice. Les trajectoires paraboliques des grenades compensent celles horizontales des armes à feu. Les explosifs commandés à distance éparpillent, par petits bouts façon puzzle, les véhicules ennemis. Ce parti pris des créateurs d’enchaîner des séquences frénétiques et d’autres plus réflexives est assumé par l’absence totale de pression dû à un quelconque chronométrage. L’affichage du temps écoulé en petits caractères à la fin d’un niveau est anecdotique et n’est pris en compte dans aucun objectif à atteindre ou succès à débloquer.

Concernant la difficulté, le jeu nous propose les traditionnels niveaux débutant, normal (choix par défaut) et difficile. Un quatrième niveau ‘dur à cuire’ sera débloqué après avoir fini une première aventure. En normal, si la première mission commence piano et nous explique les bases du gameplay, la difficulté va crescendo au fur et à mesure de notre épopée pour finir fortissimo dans les derniers niveaux. Le jeu devient rapidement très exigeant mais reste accessible à tous. En effet, dans chaque niveau, nous avons 2 à 3 points de sauvegarde qui vous soignent entièrement, dont un juste avant l’affrontement du boss. En insistant, nous finissons par passer les séquences les plus difficiles et souvent le passage d’un checkpoint est autant un soulagement qu’un ravissement. Si cette accessibilité permettra à la majorité des joueurs de profiter de l’aventure jusqu’au bout, l’exigence est maintenue pour les complétistes et chasseurs de succès. En effet, pour espérer atteindre le 100% d’un mode et débloquer le succès associé, nous devons valider 3 objectifs pour chaque niveau. Si tuer un certain nombre d’ennemis et récupérer les 3 mallettes sont assez simples, finir le niveau entier, boss compris sans perdre une vie est un tout autre challenge. Nous n’avons pas fini de poncer les niveaux pour atteindre cette perfection.

Une sauvegarde, une piqûre, et c’est reparti !

La gestion de la progression par Easy Trigger Games est un modèle du genre et se voit également à d’autres échelles. Chaque niveau du jeu apporte son lot de nouveautés : ennemis avec des attaques différentes, éléments environnementaux à dompter, armes blanches uniques liées au gang pourchassé, armes à distance de plus en plus puissantes et futuristes. Ce souci d’attiser notre curiosité est présent jusqu’au terme de l’aventure. Mais le plaisir le plus intense reste l’envie de découvrir et d’affronter les 20 boss de Huntdown. Si certains sont forcément moins réussis, d’autres sont tout simplement mémorables et tous ont des patterns différents à apprivoiser. La plupart des combats sont acharnés et de nombreuses fois, nous avons donné le coup final avec une seule barre de vie au compteur, le tee-shirt trempé et des insultes proférées.

Finissons le test par un dernier argument majeur pour la plupart d’entre nous. Oui, Huntdown est jouable à deux joueurs en coopération sur un seul écran non scindé. Des grands moments à partager se profilent à l’horizon.

Le coin des chasseurs : 19 succès sont à débloquer dans le jeu pour un total de 1000G. Obtenir tous les succès ne sera pas une sinécure. Beaucoup sont liés à des circonstances dans les niveaux ou lors de l’affrontement avec un boss particulier. Les plus difficiles sont de finir à 100% le jeu en mode normal, difficile puis dur à cuire. Une chose est sûre, les joueurs qui atteindront les 1000G dans Huntdown feront partie d’un club très fermé.

Bilan

On a aimé :
  • Une ambiance de folie
  • Une finition exemplaire
  • Un gameplay intelligent
  • Un jeu exigeant et accessible à la fois
On n’a pas aimé :
  • Pas de thème musical mémorable
  • Un gameplay pas assez différencié entre les 3 chasseurs
  • Un peu trop respectueux des codes du cyberpunk
Finalement, les Suédois savent faire autre chose que des meubles

Fin du confinement oblige, nous partons immédiatement en pèlerinage en Suède et déposons une offrande sur le paillasson d’Easy Trigger Games. Premier jeu créé par le studio scandinave, Huntdown est tout simplement une nouvelle référence du run ‘n’ gun. Son gameplay modernisé dépoussière les mécaniques efficaces mais vieillissantes du genre. L’ambiance du jeu est exceptionnelle, sublimée par des animations et des graphismes en pixel art de toute beauté et un sound design de haute tenue. Pour les gourmets de l’univers cyberpunk, peu importe la qualité du plat principal servi par les Polonais en septembre, vous avez droit dès maintenant avec Huntdown à une entrée froide pain polaire, saumon et sauce yaourt citronnée de classe mondiale, à déguster seul ou à deux. Et en plus, Miss Rose vous offre le café ! Un coup de cœur amplement mérité.

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Huntdown

PEGI 0

Genre : Action/Beat them up

Éditeur : Coffee Stain Publishing

Développeur : Easy Trigger

Date de sortie : 12/05/2020

Prévu sur :

Xbox One, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch

1 reactions

Mika-117

09 jui 2020 @ 19:13

Le jeu est très bon mais le meilleur jeu indé de l’année c’est sans aucune contestation Ori.