Pourquoi a-t-il fallu attendre cinq années pour qu’un test de Death Stranding soit publié sur votre site de jeux vidéo préféré ? Holà, holà, du calme ! Rangez immédiatement vos arguments plus ou moins pertinents visant à pointer du doigt les éventuels responsables. Notre mission consiste à analyser paisiblement cette œuvre qui a suscité de nombreuses réactions depuis sa sortie exclusive sur la PlayStation 4 en 2019. De l’eau a coulé sous les ponts, si bien que le jeu s’est d’abord exporté sur PC avant de déferler subitement, en cette fin d’année 2024, sur les machines de chez Microsoft dans sa version Director’s Cut.
Véritable superproduction développée par Hideo Kojima et ses équipes japonaises, le titre repose sur un concept très atypique. Jugez plutôt : la joueuse ou le joueur y incarne un livreur de colis dans un monde futuriste, ravagé par des créatures maléfiques qui peuvent seulement être détectées grâce à des fœtus. Si vous découvrez le pitch pour la première fois, nous vous invitons à relire la phrase précédente afin de bien comprendre où vous posez les yeux. D’autant que la suite de l’article regorge d’autres associations de mots improbables !
Avant d’évoquer la base du scénario, il semble utile de mentionner que Death Stranding s’adresse à un public averti. En premier lieu parce que le titre a reçu la classification PEGI 18 en raison de quelques scènes violentes assez réalistes. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais la qualité des graphismes est véritablement impressionnante, notamment lors des nombreuses cinématiques. Ensuite, le jeu aborde des thèmes matures sans aucun filtre comme l’exploitation de bébés, la gestion émotionnelle face à une maladie incurable ou encore les problématiques liées au terrorisme. Une volonté méritable qui peut toutefois heurter certaines sensibilités…
Juste la fin du monde
Toute chose découle d’une succession d’explosions. Certaines d’entre elles peuvent s’avérer bénéfiques, comme lorsque l’univers a été créé, mais la plupart engendrent des catastrophes. C’est ce qui est arrivé à notre planète dans un futur dystopique en raison du Death Stranding, un cataclysme surnaturel modifiant l’équilibre entre le monde des vivants et celui des morts. Depuis l’apparition de cet événement sur Terre, les humains doivent lutter pour leur survie en se cachant dans des refuges souterrains car de viles créatures, appelées Échoués, rôdent à la surface.
Comme si ce scénario apocalyptique ne suffisait pas, ces fameux monstres sont invisibles à l’œil nu. Pour résoudre ce problème, une étrange technologie a été mise au point en ayant recours à des BB. Il s’agit de fœtus extraits de leur mère lorsque celle-ci est en état de mort cérébrale. Ces bébés sont placés dans une sorte d’incubateur et peuvent être reliés psychiquement à un individu grâce à des câbles. Malheureusement, le système n’est pas toujours optimal, et cela n’empêche pas certains accidents…
L’histoire débute avec Sam Porter Bridges, un livreur indépendant, devant effectuer le transport d’un cadavre depuis une Ville-relais jusqu’à un incinérateur. Comme vous pouvez l’imaginer, il va rencontrer des Échoués sur le trajet. Les conséquences sont terribles puisque notre héros meurt dans l’attaque et qu’une Néantisation (explosion dévastatrice) détruit une partie de la région. Toutefois, Sam est un Rapatrié et, à ce titre, peut revenir à la vie après avoir vécu un événement tragique. Il reprend alors connaissance dans la Ville-capitale où commence véritablement la grande aventure…
Il est extrêmement difficile de faire un résumé concis de Death Stranding. Nous n’avons d’ailleurs pas mentionné tous les étranges concepts du jeu postapocalyptique lors de ces paragraphes introductifs. Mais, d’une manière assez surprenante, l’intrigue se met rapidement en place et donne énormément d’informations éclairantes au joueur. L’univers est réellement captivant pour peu que l’on prenne le temps de s’y intéresser. Et puis, quelle bouffée d’air frais ! Nous avons ressenti des émotions très distinctes des autres titres du même genre grâce aux trouvailles des équipes de Kojima Productions. En ces temps où l’originalité semble devenir une exception artistique, nous ne pouvons que saluer les efforts créatifs du studio japonais.
Au niveau des personnages, les rôles principaux sont détenus par de véritables actrices et comédiens. Notre très cher Sam est interprété par Norman Reedus, bien connu des fans de la série The Walking Dead. Parmi les autres grands noms, nous pouvons citer Léa Seydoux, Mads Mikkelsen ou encore Guillermo del Toro, dont les présences restent importantes durant l’histoire entière. Un casting qualitatif qui s’accompagne d’une modélisation des visages tout aussi impressionnante à l’écran. Et ce n’est pas la seule prouesse technique du jeu !
Le labyrinthe de Pan
L’ambiance quasi cinématographique de Death Stranding doit beaucoup au travail effectué sur les graphismes avec le moteur Decima. Déjà impressionnants en 2019, ils bénéficient d’une meilleure optimisation avec la version Director’s Cut. Ainsi, on plonge dès le prologue à l’intérieur d’un océan visuel merveilleux grâce aux cinématiques. Pour accentuer l’immersion, Kojima et ses équipes ont intégré des morceaux musicaux provenant d’artistes éclectiques comme Low Roar ou encore Woodkid. De jolies ballades pour accompagner nos nombreuses balades !
Ne vous attendez pas à une promenade de santé pour autant. Avec Sam, nos missions consistent à livrer des colis, des matériaux et même des personnes à des endroits souvent très éloignés de notre point de départ. Pour cela, il faut traverser des zones escarpées dans une Amérique méconnaissable. En effet, la première grande région du jeu semble plutôt s’inspirer de paysages écossais ou islandais avec de grands espaces rocheux. Nous découvrons progressivement des horizons plus variés dans les deux autres environnements, où l’on parcourt notamment des terres agricoles et des friches industrielles.
Chaque élément naturel modélisé possède des propriétés physiques impactant les déplacements du coursier. Une grosse pierre peut le faire trébucher, tout comme le courant d’une rivière. C’est d’ailleurs le sujet des déplacements qui provoque les débats les plus virulents de la part des communautés de joueurs sur les réseaux. Il faut dire que le gameplay de Death Stranding est aux antipodes de ce que l’on trouve dans les autres expériences en monde ouvert. Au début d’une mission, Sam charge les commandes sur une structure métallique attachée à son dos. Plus la charge totale des colis est élevée, plus notre héros a des difficultés pour se déplacer. Cela accélère la diminution d’une barre d’énergie indiquant son niveau de fatigue. Par conséquent, il a tendance à souvent perdre l’équilibre dès qu’il change de direction ou que le relief évolue.
Avec la manette, le joueur doit fréquemment veiller à ce qu’il ne tombe pas en actionnant les deux gâchettes gauche et droite. Il est difficile de rester indifférent face à ce système contraignant, mais il a le mérite de montrer le labeur d’un livreur. Toutefois, signalons que l’expérience manette en mains offre des sensations rarement vécues avec un jeu Xbox. En effet, les vibrations se font ressentir de manière intense et régulière. Au-delà de vouloir mettre à plat notre réserve de piles, cela se justifie afin de retranscrire les tremblements, voire les frissonnements, de Sam. Nous avons l’impression ainsi d’être constamment avec lui, de mieux comprendre ses émotions.
Les joueuses et les joueurs qui souhaitent profiter des beautés de Death Stranding peuvent passer de nombreuses heures avec le mode photo du jeu. Il bénéficie de plusieurs options personnalisables, celles-ci allant de la modification des filtres de couleurs jusqu’à la possibilité de faire prendre une pause au BB de Sam. Les images capturées rendent honneur à toutes les qualités graphiques du titre, de quoi se lancer dans la création d’un album souvenirs en guise de cadeau original pour les fêtes de fin d’année !
Hero Wanted
Les livraisons sont au cœur du gameplay de Death Stranding. Ne nous le cachons pas, il y a une certaine répétitivité dans les tâches à effectuer. Certains pourraient prétexter que cela est inhérent à la profession de livreur, mais nous sommes ici à l’intérieur d’un jeu vidéo. La dimension ludique semble parfois s’effacer devant une forme de contrainte narrative.
Tout commence lorsque Sam active un terminal présentant les différentes commandes disponibles. Une fois la mission sélectionnée, il convient de la mener à bien pour recevoir diverses rétributions. Enfin, il s’agit surtout d’obtenir de précieux likes afin d’améliorer les relations avec les refuges disséminés un peu partout. Kojima se permet un trait d’humour plein d’ironie avec ce type de récompense futile, pourtant à la mode de nos jours sur les réseaux.
Il existe plusieurs types de missions. Les principales permettent de développer l’histoire du jeu en faisant intervenir les personnages centraux. Deadman, un médecin incarné par Guillermo del Toro, donne de nombreux conseils à Sam à travers des messages holographiques. Ce procédé étoffe de manière progressive le gameplay avec l’ajout de nouvelles possibilités. À l’inverse, les quêtes standards donnent une impression de remplissage en envoyant le joueur livrer des colis fragiles ou en temps limité dans des zones déjà explorées. Cette sensation un tantinet désagréable se ressent de plus en plus au fil des heures.
Grâce à la version Director’s Cut, Death Stranding propose de nombreuses activités complémentaires. Parmi les plus notables, il est possible de modifier les environnements du jeu en créant de nouvelles routes pour les véhicules. De grandes quantités de ressources sont évidemment nécessaires pour mener à bien ces projets. Sam est assez sportif, mais il ne refuse pas l’assistance d’un engin motorisé qui lui facilite les livraisons. Petite précision, l’une des missions permet de créer un circuit sur lequel nous pouvons réaliser des courses classées. Rien de bien folichon toutefois, d’autant que les seuls bugs rencontrés durant le test sont venus des instants où l’on se déplaçait avec un camion ou une moto. Il semble que certaines collisions soient parfois mal calibrées, ce qui génère quelques frustrations lorsqu’on tente de ne pas chuter dans un canyon avec ses paquets !
Dans les menus, la carte demeure l’accessoire de choix pour organiser ses parties. Plutôt bien fichue, elle présente clairement les ensembles régionaux avec les zones d’intérêts et les différents types de relief. Il est aussi possible d’incliner légèrement la map afin de mieux apercevoir la morphologie des lieux. Les missions actives sont présentées dans un onglet annexe, mais elles s’inscrivent également sur l’outil géographique. Nous pouvons tracer un itinéraire entre la position actuelle de Sam et la destination de la quête. Un chemin fait de pointillés se dessine dans l’espace pour indiquer la voie la plus directe. Attention car court n’est pas synonyme de rapide !
Le jeu est découpé en plusieurs épisodes qui se concluent généralement par une révélation sur l’un des personnages principaux. Le rythme est assez agréable puisqu’il alterne correctement les cinématiques et les livraisons. Si jamais vous souhaitez revenir dans un lieu déjà visité, Fragile (jouée par Léa Seydoux) propose un voyage express dans n’importe quel endroit connecté au réseau des UCA. Oui, les États-Unis n’existent plus, mais certains survivants veulent s’accrocher à leur american dream. Ah tiens, un peu de politique ! Ça ne nous manquait pas, si ?
Le chaos en marche
Nous allons maintenant évoquer les combats, histoire de se défouler un peu. Il existe trois types d’ennemis dans Death Stranding : les Échoués, les terroristes et les MULEs. Chaque adversaire offre un affrontement particulier qui évite d’éprouver un quelconque sentiment de monotonie. Toutefois, et vous le remarquerez assez vite, les différents systèmes ne nous ont pas totalement convaincus malgré de belles idées.
Vous vous rappelez que les Échoués sont invisibles pour les humains. Or, ces créatures se répandent un peu partout dans cette Amérique dévastée. Il est donc fréquent de tomber sur un de leur groupe. Bonne nouvelle, les monstres peuvent tout de même être détectés grâce à notre cher BB. Un capteur branché sur l’armature de Sam permet d’avertir le joueur de la proximité du danger. Il y a alors deux approches possibles : foncer dans le tas avec les armes en mode bourrin, ou tenter une traversée furtive de l’espace occupé. Pour cela, il faut faire s’accroupir le livreur et bloquer sa respiration lorsqu’il se situe près d’une ombre.
Très clairement, Death Stranding a été pensé pour encourager les stratégies d’évitement. La construction des zones où le danger rôde rappelle celle de certains jeux d’infiltration. Nous pensons directement à cette ville abandonnée, dont les nombreuses ruelles permettent de contourner les ennemis. En cas de conflit ouvert, les grenades sont de précieuses alliées, mais le système de visée reste décevant. En outre, on se rend compte que les armes deviennent rapidement puissantes, même dans les modes plus difficiles.
De leur côté, les Échoués tentent d’attraper Sam à travers un liquide collant dont il faut se dépêtrer. En cas de mort, une Néantisation se produit dans le lieu du combat et modifie inéluctablement l’environnement. S’ensuit alors un voyage à travers un monde aquatique étrange, une sorte de dimension parallèle où les Rapatriés doivent retrouver un corps pour reprendre vie. Le processus se conclut rapidement et permet d’entrevoir un drôle de fœtus avant de revenir en Amérique. Il y a évidemment un côté très décalé avec ces fameux BB que l’on découvre durant l’aventure.
Sam adopte une posture presque paternelle avec son petit compagnon dès qu’on le lui confie. Il doit veiller à ce qu’il soit toujours apaisé, notamment en le berçant quand les cris risquent d’attirer des ennemis. Le bébé interagit aussi en montrant au livreur des souvenirs de son ancien propriétaire. Plus globalement, cet aspect du jeu s’avère très touchant et offre un regard rare sur ce que peuvent percevoir les enfants des comportements adultes.
BB s’avère en revanche inutile pour les combats contre les autres ennemis. Les terroristes se concentrent dans des camps qu’il faut réussir à infiltrer pour y prendre des ressources. Quant aux MULEs, ils ont envie de voler les marchandises que Sam transporte. Si jamais l’envie de leur donner une leçon vous prend, il est possible de recourir à la force en utilisant les poings. Malheureusement, les affrontements demeurent très classiques et n’amènent presque aucun challenge sur une grande partie du jeu.
La chasse aux diplômes
Un élément inattendu vient donner un peu de fil à retordre aux joueuses et aux joueurs pendant leurs livraisons : il s’agit des précipitations. Dans le monde postapocalyptique de Death Stranding, les pluies ont un effet destructeur sur les organismes vivants. C’est pourquoi on ne croise aucune forme de vie animale durant l’exploration du monde ouvert. Certaines zones sont également dénuées de végétation pour les mêmes raisons. Sans divulgâcher l’une des scènes marquantes du jeu, l’explication sur l’état du corps de Fragile est un moment à ne pas manquer, éclairant cette subtilité. Attention aussi aux expositions prolongées avec Sam, car les colis qu’il porte sous les gouttes risquent de s’abîmer et de ne plus pouvoir être livrables.
Heureusement, nous trouvons un peu partout des panneaux virtuels donnant des indications plus ou moins importantes sur la zone où l’on se situe. L’intérêt de ces objets vient du fait qu’ils ont été déposés par d’autres joueurs dans leur partie. Cette option multijoueur asynchrone requiert une connexion Internet pour être visible. Nous remercions tous nos partenaires livreurs pour ces échelles qui nous ont permis de grimper des parois ou des rivières sans faire tomber nos colis. Plein de likes pour vous !
Il y a encore tant à dire sur Death Stranding. Cependant, au moment d’écrire ces lignes, nous arrivons au stade où ce qui n’a pas été mentionné doit rester une surprise. La découverte de toutes les composantes du jeu font office de petits bonheurs, pour peu que l’on adhère au concept particulier du jeu conçu par les équipes de Kojima. L’aventure n’est pas avare en contenus, puisque l’histoire seule s’étale sur une durée proche de la cinquantaine d’heures. Les chasseurs de succès atteindront la centaine avec toutes les activités annexes, les missions secondaires et les éléments à construire pour débloquer toutes les récompenses. Et si jamais une envie pressante se fait ressentir en pleine nature, n’hésitez pas ! Autrement, dans votre quête, vous risquez d’échouer…
Testé sur Xbox Series S, code fourni par l’éditeur.