Dans un discours prononcé hier, la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, Margrethe Vestager, a exposé en détail les raisons pour lesquelles son agence a approuvé l’accord de 68,7 milliards de dollars entre Microsoft et Activision Blizzard, tout en critiquant la décision du Royaume-Uni de bloquer cette fusion.
Un choix expliqué par la Commission européenne
Mme Vestager a expliqué que la mission de l’autorité de régulation était de n’intervenir et de bloquer les acquisitions que lorsque cela était réellement nécessaire. Selon elle, les régulateurs ne devraient pas se préoccuper de la façon dont leurs décisions sont perçues, mais plutôt se concentrer sur les mesures correctives et l’impact global sur le marché.
"Le contrôle des fusions est par nature un exercice prospectif. Mais ce pouvoir s’accompagne de défis... Et pour rendre les choses encore plus compliquées, de nombreuses autorités prédisent l’avenir en même temps pour les opérations mondiales. Bien sûr, nous coopérons, mais des désaccords surviennent parfois. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons autorisé l’accord Microsoft/Activision, alors que la CMA a décidé de le bloquer.
Ce n’est pas notre politique. Le fait de concevoir l’application de la législation comme une décision binaire (autoriser ou bloquer) est limitatif. Dans certains cas, les problèmes de concurrence ne pourront pas vraiment être résolus par une cession, et le marché ne se portera pas nécessairement mieux si nous bloquons la concentration.
Il arrive que nous prenions des décisions qui ne sont pas alignées sur celles de toutes les autres juridictions. J’aimerais donc prendre quelques instants pour expliquer pourquoi nous pensons que la fusion Microsoft/Activision - avec les mesures correctives appropriées - est non seulement compatible avec le marché unique, mais représente en fait une évolution positive".
La patronne de la Commission européenne a souligné qu’il était limitatif de considérer l’application de la législation en termes binaires, c’est-à-dire autoriser ou bloquer une fusion. Selon elle, certaines situations de concurrence ne peuvent pas être résolues par une simple cession d’actifs, et bloquer une fusion ne garantit pas nécessairement une amélioration du marché.
« La part de marché globale de Microsoft et d’Activision était généralement faible en Europe. Ce n’est que lorsque l’on considère des segments spécifiques tels que les jeux de tir que l’on dépasse les 20 %. En ce qui concerne les consoles, Sony vend environ quatre fois plus de PlayStation que Microsoft de Xbox. Dans ce contexte, nous ne pensons pas que la fusion soulève un problème vertical. »On me dit que Call of Duty est une franchise de jeux de tir très populaire. Mais nous avons estimé que Microsoft ne se tirerait probablement pas une balle dans le pied en arrêtant de vendre des jeux Call of Duty à la base de joueurs PlayStation, qui est beaucoup plus importante. Nos collègues de la CMA étaient d’accord avec nous et sont finalement parvenus à la même conclusion".
Elle a ensuite justifié la décision de la Commission européenne d’approuver la fusion Microsoft/Activision en mettant en avant les faibles parts de marché de Microsoft et d’Activision en Europe, ainsi que la conclusion selon laquelle la propriété de la franchise Call of Duty par Xbox ne nuirait pas déloyalement à PlayStation.
"Nous avons accepté une licence gratuite de 10 ans pour les consommateurs afin de leur permettre de diffuser tous les jeux Activision pour lesquels ils ont une licence via n’importe quel service en nuage. Et pourquoi avons-nous fait cela au lieu de bloquer la fusion ? Pour nous, cette solution répondait pleinement à nos préoccupations. En outre, elle a eu des effets proconcurrentiels importants.
Prenons la situation antérieure à la fusion, dans laquelle Activision n’accorde pas de licence pour ses jeux à des services en nuage. Dans ce cas, la mesure corrective ouvre donc la porte aux petits services en nuage de l’UE pour qu’ils proposent de grands jeux sur leurs plateformes, élargissant ainsi le choix des joueurs. Le bien-fondé de cette mesure corrective a été reconnu par l’ensemble des acteurs concernés : les développeurs, les fournisseurs de jeux en nuage, les distributeurs et, bien entendu, les associations de consommateurs. Et ce, parce qu’elle a libéré le potentiel du marché des jeux en nuage".
Mme Vestager a également abordé la question du « cloud gaming », sur laquelle les régulateurs européens et britanniques n’ont pas réussi à se mettre d’accord. La Commission européenne a accepté une licence gratuite de 10 ans permettant aux consommateurs de diffuser tous les jeux Activision via n’importe quel service en nuage. Selon Mme Vestager, cette mesure corrective a été saluée par les acteurs concernés et a des effets proconcurrentiels importants, permettant aux petits services en nuage européens de proposer de grands jeux sur leurs plateformes.
Cependant, la décision de la Commission européenne est en désaccord avec celle de l’Autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA), qui a déjà expliqué pourquoi elle est parvenue à une conclusion différente. La CMA a exprimé sa réticence à prédire et à contrôler le marché des jeux en nuage sur le long terme, même avec les mesures correctives proposées par Microsoft.
Cette divergence d’opinions a fait du Royaume-Uni une exception mondiale dans son évaluation de l’accord, et les responsables politiques britanniques ont exprimé leur mécontentement face à cette décision, suscitant des interrogations sur l’ouverture du pays aux affaires. Microsoft a déposé un recours formel auprès de la CMA, lançant ainsi un processus qui s’annonce long pour obtenir une nouvelle décision.
« Notre mission est de trouver des solutions pour que le jeu reste équitable pour tous les joueurs en travaillant en étroite collaboration avec les agences sœurs. C’est notre mission. »
Malgré les critiques, Mme Vestager et l’autorité de régulation de l’UE se montrent confiantes dans leur approbation de l’accord Microsoft-Activision. Elles affirment que leur mission consiste à trouver des solutions équitables pour tous les joueurs, en travaillant en étroite collaboration avec les autres régulateurs nationaux.