Test - River City Girls Zero - Jusqu’où ira l’amour du rétro ?

«Brass knuckles are a girl’s best friend» , - 0 réaction(s)

Au commencement était le poing

Créé en 1986 par Technōs Japan Corp., Nekketsu Kōha Kunio-kun (littéralement « Kunio le dur à cuire au sang bouillant »), adapté pour le marché mondial sous l’appellation « Renegade » représente une révolution dans le monde du jeu vidéo en posant les bases aujourd’hui évidentes du beat’em all. Un an plus tard, son fils spirituel, un certain Double Dragon, développé par la même équipe, déferle sur le monde et conquiert le cœur des joueurs en devenant la référence incontournable du genre.

Au fil des années, Kunio-kun poursuit ses aventures principalement en arcade et sur les consoles Nintendo, en variant parfois les plaisirs et les styles de jeu (Action-RPG, sports divers), mais sans jamais renier ses origines de baston de rue ni ses liens avec les frères Lee. Au fil des épisodes, le casting s’étoffe progressivement avec l’arrivée de Riki, le rival et ami de Kunio, de leurs petites amies respectives Misako et Kyōko ainsi que de toute une ribambelle de protagonistes et antagonistes particulièrement caricaturaux et déjantés. L’appellation « River City » apparaît pour la première fois au début des années 90 lors de la traduction de l’épisode Downtown Nekketsu Story, renommé River City Ransom pour le marché américain.

Le quatuor terrible

Suite au récent rachat des droits de la franchise par Arc System Works, le studio WayForward est chargé de développer l’univers étendu avec un beat’em all mâtiné de RPG mettant en scène Misako et Kyōko. River City Girls sort en 2019, bourré de caméos et références à l’historique de la licence, et accompagné par plusieurs adaptations des anciens jeux sur les consoles actuelles. Le second opus des aventures des Girls étant attendu pour la fin de l’année, nous profitons donc d’une réédition du quatrième épisode canonique des aventures de Kunio-kun, originellement sorti sur Super Famicom en 1994 et dans lequel le duo féminin infernal était jouable pour la première fois, renommé pour l’occasion River City Girls Zero et disponible au prix de 14,99€ sur le Xbox Store

Cette année-là… sortait en salles Street Fighter : l’ultime combat avec JCVD

Histoire de prouver que la résurrection d’un titre vieux de vingt-huit ans se justifie, le jeu nous accueille avec une courte introduction en anime accompagnée de la chanson « Get ready for the City Girls », qui nous replonge illico dans l’ambiance des génériques des mangas de cette époque. En écoutant les paroles, on se rend compte que c’est l’histoire du jeu qui nous est racontée, avec juste une pointe d’ironie : « Qu’est-ce que c’est, un nouveau jeu ? Et bien, oui et non. » Les prouesses musicales de Megan McDuffee qui avait déjà sévi sur le River City Girls se retrouvent également pour le générique des crédits dans un style différent, et il faut reconnaître que les deux thèmes sont plutôt sympathiques à défaut d’être inoubliables, surtout pour les grands nostalgiques.

C’était un plaisir de feuilleter ces petites choses dans les années 90

Côté options, on retrouve un choix de langues relativement complet, avec une double traduction en anglais : l’une fidèle à l’original et l’autre remaniée pour mieux intégrer l’épisode à l’univers de River City Girls. On trouve au sein de la galerie les scans du livret explicatif présent dans la boîte de la cartouche d’origine (Oui, c’est quelque chose qui se faisait, dans ces temps anciens…), avec les marques d’usure et quelques plis disgracieux (So vintage !) qui ont été conservées. Pas d’artworks supplémentaires, même à débloquer au fil du jeu, c’est un peu chiche, surtout pour les fans qui sont la cible principale de cette dernière mouture.

Tu le sens, qu’on te fait comprendre que tu es vieux ?

Sans plus attendre, on commence donc une nouvelle partie. Une courte séquence en webcomic animé tente une dernière fois de titiller notre fibre nostalgique et le quatrième mur tout en nous rappelant sans le dire directement que si nos personnages favoris sont éternellement jeunes (et/ou qu’il y a un sacré problème avec la ligne temporelle du jeu), nous autres pauvres joueurs vieillissons inéluctablement, avant de nous propulser dans l’aventure.

Les évadés, version Kunio-kun : gros pixels et chiptunes

Nous nous retrouvons face à l’émulation du Shin Nekketsu Kōha : Kunio-tachi no Banka (« Le nouveau dur à cuire au sang bouillant : l’élégie de Kunio ») de 1994, la différence majeure étant que le scénario est maintenant compréhensible pour tous. Mais pour le voyage dans le temps vidéoludique, aucun problème, c’est encore plus fort qu’un tour en DeLorean DMC-12. Les graphismes pixélisés et les mélodies version SPC700 (la puce son de la Super Famicom) sont bien entendu au rendez-vous, avec quelques options visuelles permettant de varier le zoom de l’image et d’habiller cet affichage 4:3 d’un autre millénaire sur nos écrans modernes.

Après la scène tragique d’un piéton fauché par une moto, Kunio et Riki sont injustement accusés du délit de fuite consécutif à l’accident et sont emprisonnés dans une maison de correction. La cellule dans laquelle ils échouent étant déjà occupée par une bande de délinquants fort peu amènes, c’est donc par la bonne vieille méthode du « si ça bouge encore, tape plus fort » que nos deux comparses rétablissent rapidement le calme. La défaite engendrant le respect pour ces nouveaux arrivants très convaincants, et après quelques explications, les taulards décident de venir en aide à nos héros pour leur permettre de s’échapper afin de tirer cette affaire au clair et laver leur honneur.

Et c’est parti pour une poursuite à la Benny Hill.

Natural born Brawlers

La fine équipe au complet s’explique avec l’officier Takayama

Notre duo arrive rapidement à l’école de Kunio et Misako, pour se rendre compte qu’une petite frappe sans envergure a profité de leur absence pour prendre le contrôle de l’établissement, et tenter de séduire l’explosive brunette. Des professeurs ? Une équipe éducative ? Que nenni, ils ont probablement eu trop peur et ont fichu le camp depuis longtemps. Trois étages et un boss plus tard, nos deux bad boys étudiants troquent leurs fort peu seyantes tenues à rayures contre leurs uniformes traditionnels, débloquant par la même occasion l’accès à leurs coups spéciaux. Misako rejoint rapidement l’équipe après quelques échanges fort peu châtiés, suivie de Kyōko au niveau suivant. L’aventure peut continuer en quatuor, et cette fois-ci avec classe. Enfin jusqu’aux deux tiers du jeu, la dernière partie se déroulant… sans les filles.

Le traditionnel combat dans la boîte de nuit

La palette de mouvements est suffisamment étendue pour varier les plaisirs et reste dans la moyenne pour un jeu de l’époque : coups de poings, de pieds, sautés, projections, piétinement, immobilisation au sol, ainsi que deux coups spéciaux « signature » par personnage, réalisables par la pression simultanée des boutons de garde et d’un coup de base. En pratique, on se retrouve régulièrement à abuser de techniques spécifiques et de l’I.A. très limitée des ennemis, contrebalancée par leur capacité surnaturelle à nous punir au corps à corps, même en plein milieu d’un combo. Nous regrettons également l’absence des objets traditionnels pour ce type de production, comme les couteaux, tuyaux, pommes et autres rôtis (pour rappel, Final Fight, sorti en 1989, intégrait tous ces éléments) ainsi que la présence de séquences de plateformes complètement incongrues et anecdotiques, même si elles sont beaucoup moins crispantes que celles d’un Double Dragon II.

Certains niveaux de transition nous mettent aux commandes de la moto de Kunio pour une petite séquence « à la Road Rash », version très allégée. En effet, nos rares poursuivants peuvent être facilement éjectés de leur terrible engin d’un bon coup de pied bien placé, et c’est finalement les différents tracés qui représentent le vrai challenge, certains virages étant beaucoup plus serrés qu’ils n’en ont l’air. Enfin, la difficulté générale du titre est loin d’être ardue, à tel point que l’on ne pense même pas à utiliser la fonction de quicksave et lui préférer le système natif du jeu, permettant de rejoindre un niveau en entrant un code à quatre chiffres, visible sur l’écran de pause.

Road Rash version super light

Choc des générations

On comprend pourquoi Kunio-kun et ses potes n’ont pas réussi à se faire une place au soleil dans le paysage vidéoludique mondial des années 80-90, où les « bons parents » considéraient déjà avec un certain dédain les jeux vidéo comme un divertissement « dangereux pour les enfants ». Nos héros sont des délinquants violents, au grand cœur certes, avec un sens de la justice exacerbé évidemment, mais ils offrent une image de redresseurs de torts beaucoup trop éloignée des représentations traditionnelles pour pouvoir être appréciés à leur juste valeur en dehors du Japon. Leurs relations plus ou moins étroites avec la mafia et le monde underground en général en font des personnages « gris », aux valeurs clairement chevaleresques mais aux méthodes particulièrement contestables.

La classique trappe cachée dans la salle du big boss : Two must fall

De plus, tout ce petit monde parle mal, à grand renfort d’insultes et de punchlines pas piquées des hannetons, prend des poses belliqueuses, et n’a aucune limite dans l’expression de sa juste colère. Aujourd’hui, ce type de protagoniste fait partie du paysage, du septième au dixième art, avec des représentants marquants tels que Josuke Higashikata (JoJo’s Bizarre Adventure) ou Ichiban Kasuga (Like a Dragon), mais dans ces années-là, quand le public découvrait Yū Yū Hakusho, c’était une autre paire de manches pour tenter de faire accepter ce type d’anti-héros.

Le prix de la nostalgie

Soyons clairs : si vous avez moins de trente-cinq ans, si vous n’êtes pas archéologue vidéoludique et si aucun grand frère ne vous a initié dans votre enfance aux plaisirs pixélisés de quatrième génération, il n’y a quasiment aucune chance que le titre vous interpelle. Dans le cas contraire, si vous appartenez au club de l’âge d’or du jeu vidéo, River City Girls Zero peut vous séduire et vous apprécierez sans nul doute cette expérience old-school, en pestant parfois contre la rigidité des mouvements et les comportements des ennemis, vestiges d’un autre temps.

Mean Street, on dirait un générique de fin de manga des années 90

L’avant-dernier boss atteignable en une toute petite poignée d’heures peut même éventuellement vous arracher quelques grognements de protestation voire des hurlements de rage, en fonction du nombre d’essais nécessaires pour le vaincre, contrairement au grand vilain qui ne représente qu’une simple formalité. L’habillage anime du titre est vraiment chouette, et les thèmes musicaux pourraient vous rappeler certaines prestations de Priss Asagiri de BubbleGum Crisis. Mais au final, la facture pour cette trop courte plongée dans la baston retro paraît quelque peu excessive.

Testé sur Xbox One et Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • Un voyage dans le passé pour qui a connu l’époque de la Super Famicom
  • Les ajouts visuels et musicaux jouent sur la corde nostalgique
  • Un cours d’histoire vidéoludique en attendant River City Girls 2
On n’a pas aimé :
  • Un rapport durée de jeu/prix pas forcément avantageux
  • Un cruel manque de contenu additionnel qui justifie habituellement ce type de réédition
  • Un simple caméo un peu forcé à l’univers des River City Girls
Je suis jeune depuis si longtemps que je ne me suis pas vu vieillir.

River City Girls Zero s’adresse clairement à un public ultra-spécifique, qui suit les aventures de la joyeuse bande de Kunio-kun depuis des années sans avoir pu mettre la main sur cet opus historique et qui ronge probablement son frein en attendant River City Girls 2. On peut saluer l’initiative de ressortir cet épisode particulier qui marquait les timides débuts de Misako la bourrine et Kyōko l’ingénue en tant que personnages jouables. Mais malgré son nouvel enrobage acidulé et chatoyant, la pilule de vingt-huit ans d’âge a un peu de mal à passer aujourd’hui.

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River City Girls Zero

PEGI 12

Genre : Action/Beat them up

Editeur : Arc System Works

Développeur : WayForward

Date de sortie : 13 Septembre 2022

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch