On n’avait plus entendu parler de JoJo sur les consoles Microsoft depuis 2012 avec le JoJo’s Bizarre Adventure HD sur 360, qui était lui-même une conversion poussive de la version Dreamcast de 1999. En 2013, le studio CyberConnect2, bien connu des fans de manga principalement pour ses adaptations de Naruto offre aux joueurs PlayStation 3 JoJo’s Bizarre Adventure : All-Star Battle, avec un casting natif d’une trentaine de personnages, plus quelques autres en DLC. Pour célébrer les trente-cinq ans de la licence, les dix ans de l’anime, et la sortie de la seconde partie de la saison six sur une certaine plateforme de streaming, CyberConnect2 profite de cette fenêtre d’exposition médiatique en or, avec un lifting de son titre de VS fighting, pour nous offrir une occasion unique de découvrir ou de redécouvrir l’univers déjanté et si particulier de JoJo’s Bizarre Adventure disponible aujourd’hui en version physique et dématérialisée.
- Wicked games
Une sombre histoire de famille
Pour celles et ceux qui seraient passés à côté de cet OVNI du neuvième art, JoJo’s Bizarre Adventure est à l’origine un manga de Hirohiko Araki, qui nous conte depuis le milieu des années 80 les pérégrinations guerrières de la famille Joestar, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Entraînés bien malgré eux dans une spirale d’aventures aussi violentes que rocambolesques, impliquant à l’origine un sinistre masque de pierre aztèque aux propriétés vampiriques, les représentants successifs de la lignée, identifiés par leur prénom commençant systématiquement par “Jo” (hormis dans le cinquième arc Vento Aureo) défendent ce qui leur est cher aux côtés de compagnons fidèles et hauts en couleur. Leurs antagonistes n’ont rien à leur envier puisqu’ils sont tout aussi « stylés » dans leurs personnalités et leurs pouvoirs.
À partir du troisième arc (sur les huit existants actuellement) - Star Crusaders - les « Stands » font leur apparition. Impressionnants avatars de la volonté des personnages accordant une puissance inégalée et dotés d’une originalité exubérante, ils sont depuis devenus incontournables. Grand amateur de mode, de pop culture et surtout des tendances musicales majoritairement rock des années 80-90, Hirohiko Araki nous régale donc d’un double casting (Personnages + Stands) complètement foisonnant, au design et aux costumes très « fashion » avec des identités et des attaques faisant référence entre autres, à Dire Straits, Pearl Jam ou David Bowie. Références tellement nombreuses et variées qu’il serait futile de vouloir toutes les lister ici.
Get ready, Fight !
Suite à l’introduction magistrale, le jeu commence immédiatement, sans passer par la case menu, par un (trop) rapide tutoriel, avec l’affrontement de l’élève contre le maître du premier arc, Phantom Blood. La palette de mouvements est classique pour un jeu de combat, avec trois niveaux de puissance, un bouton de « Style », et toutes les combinaisons possibles de quarts/demis cercles et autres traditionnels 623 associés à un ou plusieurs boutons. Rien d’insurmontable, même pour des novices. En plus de leurs différents coups spéciaux, les personnages bénéficient d’un « combo facile » extrêmement dévastateur en martelant le bouton d’attaque faible, permettant aux joueurs débutants d’expérimenter une partie de la puissance des personnages et d’admirer leurs attaques emblématiques. À l’issue de chaque duel, quel que soit le mode de jeu, une note nous est allouée, en fonction du temps et de la vie restants ainsi que du type de victoire réalisée (KO classique, sur une attaque fabuleuse ou super fabuleuse, temps écoulé) ainsi qu’un petit pécule sous la forme de pièces d’or.
Le cell-shading donne vie aux combattants et aux environnements de fort belle manière avec une justesse et un souci du détail qui ne peuvent que convaincre. Un véritable plaisir pour les yeux. Malgré la foule de personnages disponibles, chacun d’entre eux a sa personnalité et un style de combat propre. Les voix sont, bien entendu, celles des doubleurs de la série, en japonais et la localisation des textes corrige la majeure partie des écueils de la version d’époque. L’ensemble du roaster d’origine est au rendez-vous, enrichi par quelques figures supplémentaires comme Mariah, Trish ou F.F., qui tentent d’atténuer quelque peu le coté « Boys club » du titre, et surtout est disponible sans conditions de déblocage.
- Girls just wanna have fun
Styles, modes et défilés
Un petit passage en Entraînement permet de prendre les commandes et quelques-uns de nos héros préférés en main, et on regrette que le choix des personnages de soutien soit soumis à l’expérimentation à l’aveugle. Les manieurs de Stands représentent la majorité des belligérants, et l’utilisation de leur style fait apparaître leur alter ego, ce qui améliore une grande partie de leurs attaques au détriment d’une hitbox plus étendue. Les manieurs d’onde, issus principalement des deux premiers arcs du manga, ont accès à des versions plus puissantes de leurs coups spéciaux et peuvent charger manuellement leur barre de furie. Les trois derniers styles (Vampirisme, Mode et À cheval) sont plus spécifiques mais ne concernent qu’une poignée de personnages. Si la prise en main est immédiate et agréable quel que soit notre choix, on se rend compte que la maîtrise complète des mécaniques les plus subtiles liées à chacun demande pas mal de pratique.
On s’essaye rapidement au mode Arcade dans l’une des cinq difficultés disponibles, un peu chiche dans ses possibilités puisqu’il ne propose qu’une succession de huit affrontements et un mode survie contre des personnages aléatoires. Le Versus offre la possibilité, en plus du traditionnel face à face en un contre un, de participer à un tournoi à huit combattants ou de se lancer dans une grande mêlée par équipes de trois. Les matchs en ligne étant indisponibles à l’heure où ces lignes sont écrites, il n’a (mal)heureusement pas été possible de se faire copieusement violenter par de vrais joueurs (edit du 01/09 à 12h : une soixantaine de joueurs japonais ont commencé les hostilités).
Le jeu prend soin d’offrir un récapitulatif de tous les termes liés au gameplay au sein du menu d’options, ce qui permet aux néophytes du genre de moins se sentir perdus. Dans la même optique, les boutique et galerie apparaissent comme des puits sans fond, et permettent de dépenser l’or durement gagné dans les différents modes de jeu pour acheter des illustrations, modèles 3D (permettant d’immortaliser les fameuses « JoJo poses » parfois improbables des personnages), musiques, voix, citations à intégrer sur la carte de joueur online, personnalisations cosmétiques et également de consulter un fort pratique mais trop peu fourni glossaire sur la terminologie spécifique à la série. Cette partie s’enrichit de nouvelles entrées au fur et à mesure de la progression dans le tout nouveau mode « All Star Battle ».
- Great balls of Jojo
ASBR, c’est un peu comme ASMR, mais avec un B comme « bourre-pifs dans ta gueule ! »
Celui-ci représente le plat de résistance du titre et remplace les modes Histoire et Campagne qui ont simplement disparu. C’est dommage pour le premier, qui permettait d’aborder l’histoire originale de manière linéaire et cohérente, mais fort compréhensible pour le second, dont le système d’énergie rechargeable avait déchaîné moult fureurs à l’époque. Au fil d’une centaine de duels scénarisés et classés par arc narratif, nous rejouons donc les batailles les plus marquantes de la série, ainsi que d’autres beaucoup moins canoniques et parfois chronologiquement impossibles, mais fort intéressantes.
Chaque combat possède un niveau de difficulté fixe, des altérations diverses des règles en vigueur et nous propose plusieurs missions cachées à réaliser dans le feu de l’action pour débloquer des récompenses cosmétiques à acheter ensuite dans la boutique. Loin de devoir s’attaquer aux confrontations les plus ardues armés de notre seule adresse, l’or peut être aussi dilapidé pour nous accorder de un à trois bonus parmi une liste d’une quinzaine d’effets, certaines combinaisons transformant des matchs à priori héroïques en de triviales séances de tauromachie contre un adversaire rendu passablement morribond.
Des étoiles plein les yeux
Le jeu est visuellement très dynamique, les attaques spéciales et ultimes fabuleusement satisfaisantes à regarder, on ne s’en lasse pas, c’est évident. Le casting de cinquante personnages garantit une fort belle durée de vie, pour peu que l’on cherche à les maîtriser un minimum. Le gameplay est accessible tout en restant technique, ce qui permet au jeu de s’adresser à un plus large public, mais qui risque à l’usage de ne contenter personne. Malheureusement, le mode All Star Battle, la nouveauté de cette version, est très déséquilibré par la puissance des améliorations disponibles. La chasse aux collectibles cosmétiques et graphiques ne motivera sans doute que les fans déjà conquis.
Sans avoir de vision claire sur la composante online qui représente clairement le endgame et la pérennité de tout jeu de VS Fighting, seules les promesses de réussir à construire une communauté compétitive solide nous retiennent de comparer immédiatement ce All-Star Battle R à un sprinteur flamboyant plutôt qu’un coureur de fond. Et ça, seul l’avenir nous le dira.
Testé sur Xbox One et Xbox Series X