Test - Tormented Souls - Madeleine de frousse

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Été 1998. Zinedine Zidane apparaît sur l’Arc de Triomphe et Resident Evil 2 fait un véritable carton sur la première console de Sony. Quelques mois plus tard, les joueuses et joueurs les plus courageux seront pris d’effroi en s’engouffrant pour la première fois dans le brouillard de Silent Hill. Sans le savoir, nous vivons l’âge d’or du survival horror. Le genre parvient à insuffler une peur palpable via un cahier des charges précis : angles de caméra principalement fixes, personnages rigides à la merci de créatures tapies dans l’ombre, équipement limité et énigmes à résoudre pour faire la lumière sur de sordides mystères. Quatre générations de consoles plus tard, The Medium et Song of Horror ont tenté, avec plus ou moins de réussite, de ressusciter ce plaisir old school qu’on croyait à jamais disparu. Avec Tormented Souls, les studios chiliens Dual Effect Games et Abstract Digital s’engouffrent également dans cette brèche nostalgique. Mais les multiples références aux gloires d’antan suffisent-elles à raviver la flamme ?

La première référence à Resident Evil apparaît avant même d’atteindre le menu principal.

Vous n’êtes pas seul(e)s

Au milieu des années 90, Caroline Walker reçoit une étrange lettre en provenance de l’hôpital Wildberger. Une vieille photo de deux sœurs jumelles est jointe au courrier. Prise de visions, la jeune femme décide de se rendre sur place afin d’en savoir plus sur ce mystérieux message. À peine entrée dans le sombre bâtiment à l’abandon, la détective d’un jour est assommée. Elle se réveille intubée, nue dans un bain et réalise avec horreur qu’un de ses yeux a été arraché ! Affaiblie, elle n’en demeure pas moins déterminée à dévoiler les sombres secrets de l’établissement au sein duquel elle est à présent enfermée.

Il va sans dire que le scénario de Tormented Souls ne réinvente pas le genre, loin de là, et cela semble totalement assumé par les développeurs. Le jeu n’a pas encore commencé que nous savons déjà dans quoi nous embarquons. Mais cela n’empêche pas la suite de l’histoire de nous réserver quelques jolies surprises qui, si elles sont parfois prévisibles, n’en restent pas moins bienvenues. Le récit nous est principalement dévoilé via la lecture d’écrits disséminés aux quatre coins du manoir. Quelques cinématiques viendront également appuyer les scènes-clés.

L’enquête de Caroline dans cette immense bâtisse désaffectée n’est pour ainsi dire qu’un prétexte pour nous entraîner dans un tourbillon de références à l’histoire du survival horror. Et que dire, si ce n’est que nous nous délectons des clins d’oeil plus ou moins appuyés aux cauchemars de notre jeunesse : des rites indiens, un hall principal menaçant, des salles de sauvegardes à la musique douce, un monde parallèle ténébreux, un dieu maléfique et des ennemis constitués de chair et de boulons. Celles et ceux qui ont toutes ces références ne risquent pas d’être déçus du voyage en train fantôme !

“Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans, ne peuvent pas connaître"

Bien évidemment, la déclaration d’amour aux survival horror old school ne s’arrête pas là. Ainsi le gameplay, bien que légèrement plus fluide et vif qu’à l’époque, demeure fidèle à ses aînés. Caroline doit s’aventurer dans un bâtiment ténébreux, composé de nombreuses pièces, connectées par des couloirs sinueux, et ce sur plusieurs étages.

Dans le noir, Caroline ne peut compter que sur la flamme chancelante de son briquet.

Il va sans dire que son parcours ne s’assimile pas à une promenade de santé tant les dangers sont nombreux entre ennemis, pièges et ténèbres. En effet, l’une des particularités du titre tient au fait que chaque nouvelle zone à découvrir baigne dans le noir. Équipée d’un simple briquet, la jeune femme doit trouver un moyen de faire jaillir la lumière avant de pouvoir parcourir cette zone plus sereinement. Sans cela, impossible d’utiliser le pistolet à clou qu’elle obtient dès le début du jeu, puisqu’il faudrait alors ranger sa flamme et laisser les ténèbres la submerger. Cette mécanique de jeu entraîne son lot de stress, en particulier lorsque des ennemis rôdent et qu’il faut rapidement trouver une seconde source lumineuse avant de pouvoir les combattre. Quel plaisir de réaliser que les développeurs chiliens n’ont pas cédé à la facilité en recourant trop souvent aux jump scares, symptomatiques des survival-horror les plus récents !

La modernité n’est définitivement pas ce qui définit le mieux Tormented Souls. En effet, le gameplay ne risque pas de surprendre les fans des premiers Alone in the Dark (1992 et 2001), Resident Evil (1996) et Silent Hill (1999). On retrouve donc un nombre assez important d’allers retours nécessaires pour résoudre les énigmes, des sauvegardes limitées qui ne peuvent être effectuées que dans des salles précises et une carte assez sommaire. En plus du stick gauche, la croix multidirectionnelle est également paramétrée pour déplacer notre personnage, comme avec la première manette PlayStation. Si l’on peut saluer le clin d’œil aux plus anciens d’entre nous, nous préférerions que ces boutons permettent d’accéder à la carte ou de changer rapidement d’arme. Le passage par l’inventaire, bien qu’habituel il y a 25 ans, a aujourd’hui tendance à briser la dynamique du jeu et l’immersion. Par ailleurs, la navigation dans cet inventaire et lors des résolutions d’énigmes se fait au curseur. Choix surprenant tant cela est contre-intuitif et s’avère assez peu ergonomique. Bonne nouvelle cependant, celui-ci nous permet de stocker un nombre d’objets illimité. Dieu merci, Tormented Souls n’a pas été jusqu’à reprendre le système de coffres de la licence de Capcom !

L’inventaire ne nous rajeunit pas. Son utilisation non plus.

Qui dit inventaire dit nombreux objets à trouver dans les décors afin de déjouer des énigmes plus retorses les unes que les autres. Avouons-le, Tormented Souls nous a également donné quelques sueurs froides de ce côté-là ! Si les énigmes du genre ne sont pas connues pour être les plus ardues, le jeu rehausse sévèrement la barre tant certains casse-têtes nous ont donné du fil à retordre. En effet, il faut parfois effectuer plusieurs manipulations d’un même item avant de pouvoir surmonter ces défis (ah la disquette …). Bon courage aux nouveaux venus !

L’autre challenge du jeu réside dans l’affrontement des créatures dérangeantes qui peuplent l’environnement. Leur apparition est synonyme d’angoisse tant elles ont la fâcheuse tendance à se faire entendre avant de nous sauter à la gorge au détour d’un couloir. Et comme dans tout vieux survival, la difficulté des combats réside principalement dans la rigidité de Caroline. Notre héroïne doit se figer pour viser automatiquement l’ennemi, si tant est qu’il soit à portée de tir, avant d’appuyer sur la gâchette. Bien que nous disposons d’une esquive pour éviter d’être touchés par un ennemi trop tactile, cette mécanique de combat aurait mérité d’être modernisée tant les monstres font parfois preuve d’une surprenante rapidité.

Un couloir bien trop long pour ne dissimuler aucun danger.

Autre point, encore une fois classique pour le genre, mais qu’il faut rapidement réintégrer sous peine de se rendre la tâche plus difficile encore : les munitions se font rares. Le dernier tiers du jeu nous rappelle un certain Resident Evil : Code Veronica (2000) puisque nous n’avons d’autre choix que de fuir face à certains ennemis, malgré la rigidité de notre personnage, afin d’économiser nos précieuses cartouches. Le tout en ayant pourtant pris soin auparavant d’achever les créatures au sol à grands coups de pied de biche (Gordon Freeman ?). Bien entendu, un survival ne saurait être réussi sans la présence d’un ennemi invincible. Si ce dernier n’arrive pas à la cheville du célèbre Nemesis de Resident Evil 3 (1999), il parvient malgré tout à installer une pression certaine. De quoi nous délester de quelques munitions avant de prendre nos jambes à notre cou, témoins de la résurrection sans fin de la bête. Pour ne rien arranger, cet ennemi prend un malin plaisir à apparaître de façon aléatoire dans certaines zones du jeu.

Pour couronner le tout, rappelons que les sauvegardes sont limitées. Elles nécessitent des cassettes d’enregistrement et un enregistreur qui se situe uniquement dans des pièces précises. Le faible nombre de cassettes dissimulées ici et là nous pousse à bien réfléchir avant d’en faire usage et à utiliser soigneusement les trois emplacements de sauvegarde dont nous disposons. Sous peine de se retrouver en mauvaise posture lorsque munitions et vie viennent à manquer.

L’ambiance oppressante est au rendez-vous.

Tormented Souls n’est pas insurmontable. Cependant, tous les éléments cités précédemment alliés à une angoisse bien présente nous poussent parfois à faire de mauvais choix. Et autant dire que le jeu prend un malin plaisir à nous le faire payer. En particulier lorsque nous pensons pouvoir faire ce dernier détour avant d’aller sauvegarder pour la première fois depuis une heure. En découle un stress bien présent, avec quelques jolis pics d’adrénaline lorsque la situation nous échappe. Exactement ce qu’on attend d’un bon survival horror !

Sombre et lumière

Pour parfaire ce sentiment de malaise qui traverse le titre de part en part, les équipes de Dual Effect Games et Abstract Digital jouent avec notre peur de l’inconnu. Les angles de caméra, bien qu’elle suive en partie notre personnage, sont imposés. Rien de nouveau donc, mais la capacité du jeu à créer de l’anxiété en mettant en valeur les différents décors, détails et effets de lumière est assez extraordinaire. En reprenant ce qui se faisait de mieux à l’époque, on pense notamment aux couloirs et escaliers sans fin ou aux angles de caméra de travers chers à la licence de Konami, Tormented Souls réussit à faire monter la pression en jouant sur notre appréhension.

Un plan représentatif de la parfaite gestion des angles de caméra et des effets de lumière.

À cela s’ajoute une très jolie direction artistique qui, si elle manque parfois d’originalité de par son aspect ultra-référencé, permet à chaque pièce de posséder une identité propre. De quoi nous aider à mémoriser l’agencement des nombreux lieux à explorer, bien que l’intégralité du jeu soit recouvert d’un voile sombre. Notre personnage principal bénéficie d’un character design qui nous laisse un peu plus perplexe avec son côté kawaii surprenant. Idem pour le design des armes qui ne nous a pas convaincu. Mention spéciale cependant à l’aspect de certains ennemis qui ne laisse pas indifférent !

Durant la dizaine d’heures nécessaires pour lever le mystère qui plane sur l’hôpital Wildberger, la fluidité de l’action n’est mise à mal qu’à de rares occasions, principalement lorsque notre personnage court à travers les décors les plus lumineux. Les temps de chargement entre les pièces, bien que nombreux, sont eux à peine perceptibles et n’entravent en rien l’immersion et la tension.

Seule la poignée de scènes cinématiques assez fades, mais qui ont le mérite d’exister, et les dialogues sans animations faciales nous rappellent que nous sommes face à un jeu indépendant. Le tout bénéficie d’une VOSTFR passable et de jolies musiques adaptées à ce qui se passe à l’écran. Le sound design n’est pas en reste. Ainsi le grognement des créatures risque de résonner longtemps dans l’esprit de celles et ceux qui ont le courage de jouer seuls avec un casque, dans le noir le plus complet.

Test réalisé sur Xbox Series X (optimisé)

Bilan

On a aimé :
  • Une véritable lettre d’amour aux origines du survival horror
  • Une belle maîtrise des rouages de la peur
  • Une direction artistique ténébreuse à souhait
  • Une dizaine d’heures d’angoisse à petit prix (19,99€)
On n’a pas aimé :
  • Le gameplay de l’époque : pour le meilleur… et pour le pire
  • Les énigmes peuvent aussi donner la chair de poule
  • La difficulté augmente brusquement dans le dernier tiers
La peur est immortelle

Avec Tormented Souls, projet ultra-référencé, les développeurs chiliens évitent le piège du patchwork sans âme. Mieux que ça, ils redonnent vie à des sensations que l’on croyait mortes et enterrées depuis trop d’années, notamment grâce à une excellente direction artistique. Certes, ce jeu indépendant manque parfois d’originalité et hérite de quelques défauts de ces aînés. Mais à moins d’être allergique au survival horror, il serait dommage de bouder ces retrouvailles tant attendues avec l’angoisse du passé. Après une dizaine d’heures en sa compagnie, on peut objectivement affirmer qu’elle n’a pas pris une ride.

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Tormented Souls

Genre : Survival Action

Editeur : PQube

Développeur : Abstract Digital

Date de sortie : 27/08/2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, Nintendo Switch