Disponible depuis le 17 mars, ADIOS est un walking simulator en vue à la première personne que nous avons pu entrevoir lors du dernier showcase ID@Xbox. Développé et édité par le studio Mischief, le titre nous conte les dernières heures sur Terre d’un fermier, truand à la petite semaine, en s’inspirant librement d’un terrible fait divers survenu en Russie. Suite à une crise d’épilepsie, une fermière avait été dévorée par les animaux dont elle avait tant pris soin : ses propres porcs.
- Le début de la fin.
Copains comme cochons
En ce matin d’octobre 1993, le soleil éclaire à peine les vastes plaines du Kansas. Sur le perron de sa maison, notre fermier profite du calme qui règne sur son installation agricole, confortablement installé dans son rocking-chair. Pleins phares, une camionnette blanche s’avance sur son terrain et se gare à quelques mètres de lui. Pour se donner du courage, il ouvre alors son calepin dans lequel est écrit “Tell him I’m done” (« lui dire que je raccroche »). Lui, c’est un ami de longue date, tueur à gages pour la pègre locale à ses heures perdues, qui n’a pas uniquement fait le détour pour se faire payer un café.
Car comme toujours depuis 15 ans, il n’est pas venu les mains vides. Plusieurs paquets ensanglantés, comme autant de pièces d’un puzzle autrefois bien vivant, sont disposés à l’arrière du véhicule. Les restes d’une sale besogne dont nos cochons se sont toujours délectés. Des animaux repus et des hommes soulagés. Tout le monde y trouve son compte. En tout cas jusqu’à aujourd’hui.
Dès les premières minutes de jeu, alors que nous faisons part de notre décision à notre “ami”, ce dernier nous prévient : “you do understand what that means right ?” (« tu comprends ce que cela implique n’est-ce pas ? »). Il décide finalement de passer la journée à nos côtés, pour nous prêter main forte dans nos tâches quotidiennes, mais aussi et surtout pour nous faire changer d’avis.
Conscient que mettre fin au deal avec notre employeur implique irrémédiablement un destin funeste, la poignée d’heures que dure le titre nous invite à entrevoir les motivations du fermier... et à se préparer à l’inéluctable dénouement.
Twin Pigs
Derrière le studio Mischief se cache un homme du nom de Doc Burford. Les plus curieux d’entre nous se seront peut être déjà essayés à son précédent jeu sorti en 2018, Paratopic, primé à l’Independent Games Festival (GDC). Ce premier walking simulator, aux graphismes tout droit sortis d’une Playstation (première du nom), nous entraînait dans une enquête paranormale aux confluents de X-Files et Silent Hill. Le tout était saupoudré de références au cinéma de David Lynch, ayant pour but de nous faire perdre nos repères pour mieux nous envoûter.
Les deux créations partagent de nombreux points communs. On pense notamment à un certain minimalisme qui nous invite à nous concentrer sur l’essentiel et un sens certain de l’esthétisme. Car bien que les graphismes en cell-shading du titre puissent paraître pauvres en détails, peu de choses semblent pour autant avoir été laissées au hasard. En plus de leur beauté formelle, intérieurs et paysages participent au récit qui nous est conté.
- Techniquement limité, Adios n’en demeure pas moins séduisant à bien des égards.
L’autre ressemblance se situe bien évidemment au niveau du gameplay qui, comme tout walking simulator, propose des interactions extrêmement limitées. Les quelques activités ici proposées laissent rapidement place aux dialogues. Outre le fait que le titre ne soit pas traduit, ce qui implique impérativement d’avoir des bases solides dans la langue de Shakespeare, la qualité des dialogues et des doublages est remarquable. Le travail des interprètes sublime les échanges entre le fermier et son ami, toujours sur le fil du rasoir, qui constituent le cœur du jeu. S’en dégagent un panel de sentiments ambivalents qui vont de la mélancolie à la sourde menace.
Le septième lard
Cette violence latente entretenue par les échanges avec notre ami, associée à des moments de pure contemplation, nous rappellent les scènes les plus cultes du cinéma de Tarantino (Reservoir Dogs, 1992) ou Cronenberg (A History of Violence, 2005). Adios propose, entre autres, une séquence de ball-trap qui ne laisse pas indifférent.
Les plus cinéphiles pourront également assimiler le chapitrage des différentes activités comme un clin d’œil supplémentaire à Quentin. Au-delà de ses nombreuses références au 7e art, la forme même d’Adios tend vers le cinéma, qu’il s’agisse de sa durée ou du fait qu’il soit majoritairement constitué d’un plan séquence.
Tranches de vie
Tout comme Firewatch (2016) ou What Remains of Edith Finch (2017) avant lui, le titre nous propose une expérience narrative dont l’appréciation dépend fortement de la curiosité, voire de la maturité du joueur. Il faut pour cela accepter de se laisser porter par un jeu très court, centré sur les dialogues et au sein duquel la notion même de gameplay peut être débattue : sujet inhérent au genre.
- À de nombreuses reprises, l’expérience se révèle assez touchante.
Comme ses prédécesseurs, Adios se vit plus qu’il ne se joue et saura séduire celles et ceux qui aiment s’essayer à de nouvelles expériences centrées sur la narration et les personnages, plus que sur leurs actions. C’est ainsi que toute la saveur du jeu se dévoile : avec les choix qui ont mené un homme fatigué jusqu’à l’orée de sa vie.
Test réalisé sur Xbox Series X