Disponible sur le Microsoft Store depuis la fin d’année, EVERGATE est un jeu de plateforme-réflexion en 2D développé par les quatre membres de Stone Lantern Games. Le jeune studio basé à Boston nous propose d’incarner Ki, petite âme fraîchement débarquée dans l’Au-delà, qui cherche à revenir sur Terre. Quoi de plus logique dans un titre où la Faucheuse frappe si souvent, à travers des dizaines de niveaux. En filigrane, un message simple : la mort n’est pas une fin en soi mais une chance d’essayer à nouveau ...
Le cycle éternel
Au premier abord, le voyage retour de Ki paraît sans encombre puisqu’elle doit traverser l’Evergate, imposant portail qui trône au centre du monde astral, afin d’être réincarnée sur la planète bleue. Cependant, et alors qu’un dangereux cyclone approche du portail, Ki apprend qu’elle a accès aux souvenirs d’une autre âme…
Au nombre de dix, ces réminiscences nous transportent à différentes époques : la Chine du 18ème siècle, l’Alaska du siècle suivant, une Angleterre en pleine Seconde Guerre mondiale ainsi qu’un New York futuriste en 2071. Chaque souvenir est composé de 7 portails (ou niveaux) que nous devons traverser afin de découvrir ce qui lie notre héroïne à cette âme inconnue...
Les 85 niveaux que compte le titre (avec les niveaux bonus) ont été dessinés à la main. Un travail qu’il convient bien évidemment de saluer et qui offre à Evergate un charme certain, non sans rappeler Ori and the Blind Forest (2015). En effet, qu’il s’agisse du protagoniste d’un blanc éclatant, du corbeau violet qui fait office de principal ennemi, ou encore de notre pouvoir principal, l’inspiration semble assumée.
- Une foudre menaçante s’abat sur l’Au-delà alors que Ki (au milieu) n’a pas encore atteint l’Evergate.
Même s’il prend pour exemple l’un des meilleurs “metroidvania” de ces dernières années, Evergate ne rencontre pas la même réussite d’un point de vue visuel. Certes, le budget et l’équipe à disposition ne sont pas comparables. Mais il est tout de même décevant de constater que beaucoup de niveaux se ressemblent et que le tout paraît très statique, manquant trop souvent de vie et de personnalité.
Côté musique, le jeu propose des compositions d’une très grande qualité pour souligner l’aspect féerique de notre périple. Même s’ils rappellent de nouveau le petit héros lumineux de Moon Studios, il y a fort à parier que ces morceaux pourraient faire rougir bien des compositeurs.
L’histoire quant à elle aurait mérité d’être plus développée, tout comme l’univers du jeu qui emprunte des sentiers pourtant rarement explorés dans l’industrie vidéoludique. Impossible d’en dire plus sans dévoiler ce qui fait le charme d’Evergate et nous pousse à accompagner Ki au bout de son aventure.
Ki aime bien châtie bien
Tout au long du titre, Ki peut compter sur la “flamme spirituelle” pour se frayer un chemin via les différents souvenirs de cette mystérieuse âme. Ce pouvoir, qui prend la forme d’une visée, lui permet de tirer sur des items disséminés à travers les niveaux pour profiter d’aptitudes (saut, téléportation, etc...). Le gameplay s’articule autour de l’utilisation de cette flamme qui, comme expliqué précédemment, est calquée sur la capacité d’Ori à ralentir le temps pour viser précisément.
- Une fois touchés, les items jaunes permettent à Ki de s’élever dans les airs pour rejoindre le portail de droite.
En plus de ce pouvoir, notre âme peut sauter et… revenir au début du niveau, soit à l’endroit même où nous réapparaissons en cas d’échec. Trois actions donc qui, derrière une sobriété apparente, n’empêchent pas le jeu de proposer un réel challenge, et ce très rapidement.
En effet, chaque niveau propose 3 défis : se battre contre la montre, utiliser tous les items présents ainsi que récupérer des essences (le collectible du titre). Ces dernières nous permettent de débloquer des niveaux bonus ainsi que des artefacts, fonctionnant comme les fragments spirituels d’Ori ou les charmes d’Hollow Knight (2017). Facultatifs, ils peuvent être changés à tout moment et offrent une aide non négligeable lors de certains passages corsés (saut plus haut, chute au ralenti, etc…). Inutile de préciser que les défis se complexifient terriblement à mesure que la fin du jeu approche.
Soyons clairs, Evergate joue avec les apparences. Sous ses airs de petit ange de la plateforme-réflexion se cache un “die and retry” démoniaque et exigeant qui nécessite observation, précision et sens du timing. Comme les références Super Meat Boy ! (2010) et plus récemment Celeste (2018), l’échec est inévitable et doit nous servir de leçon. En témoigne la présence d’une touche “Recommencer” qui s’avère particulièrement utile. En effet, chaque portail demande d’être étudié avant d’effectuer la moindre action, sous peine d’échec immédiat.
La possibilité de terminer un niveau de plusieurs manières apparaît rapidement, mais jamais par chance. La plupart du temps, plusieurs items sont mis à notre disposition mais doivent être utilisés dans un ordre précis. On se retrouve alors à observer les niveaux les plus complexes et à visualiser un parcours avant de se jeter à l’eau. Cette réflexion en amont de l’action rappelle certains titres majeurs comme la saga Portal (2007/2011) ou les sanctuaires d’un certain Zelda : Breath Of The Wild (2017).
- Ces cercles, que nous avons déclenchés grâce à notre “flamme spirituelle”, sont autant de zones “zéro gravité” qui permettent de flotter.
Il est difficile de décrire le plaisir de parcourir un niveau avec fluidité, après s’être creusé les méninges devant son apparente complexité. C’est là que réside la principale force du jeu, mais également une de ses faiblesses. Nous sommes constamment sur une corde raide à osciller entre le plaisir du défi relevé et un agacement réel, alimenté par de nombreux essais infructueux et pourtant inévitables (sans parler du 100%). De plus, Evergate contient des pics de difficulté assez surprenants. Enfin, ces moments de tension sont parfois renforcés par quelques imprécisions inhérentes au fait de jouer à la manette.
Une autre critique réside dans les mécaniques de jeu. Bien que renouvelées à chaque souvenir, grâce à l’apparition de nouveaux items, elles ne permettent au titre de trouver son rythme de croisière que dans son dernier tiers. C’est en effet à ce moment que nous entrevoyons le plein potentiel d’Evergate.
L’intégralité des items déjà utilisés dans les précédents niveaux est alors mise à notre disposition. Dès lors, le tout paraît plus dynamique et les niveaux semblent moins figés.
Le dernier défaut notable réside dans le déroulement du jeu. L’enchaînement souvenir, portails et retour à l’Evergate devient beaucoup trop redondant et peut malheureusement laisser place à une certaine lassitude.
Test réalisé sur Xbox Series X