Après avoir sorti Curse of the Dead Gods, son premier rogue-like , le studio français Passtech Games réitère l’expérience en proposant Ravenswatch, variante originale de ce style de jeu. Ce nouveau titre permet d’incarner des héros mythiques, tels que la reine des neiges, le viking Beowulf ou Sun Wukong, le tout dans un style dark fantasy reprenant une direction artistique très proche de leur précédent jeu. Avec Ravenswatch, le développeur chamboule les codes du genre et livre une proposition très intéressante dans sa mécanique de gameplay.
Un conte sans histoire
Ravenswatch transporte les joueurs au cœur d’un univers inspiré des contes et légendes, dans lequel il est possible d’incarner neuf héros emblématiques de cet imaginaire. Cette dimension fantastique est menacée par un mystérieux cauchemar, forçant ces figures héroïques à unir leurs forces, que ce soit en coopération multijoueur (jusqu’à quatre joueurs) ou en affrontant seuls ce mal grandissant.
Le déroulement d’une partie s’articule autour de trois chapitres distincts, chacun correspondant à une région envahie par les ténèbres. Il s’agit d’affronter un boss majeur dans chaque zone et ainsi de repousser la menace. Chaque chapitre est limité à dix huit minutes, imposant donc une certaine pression temporelle. Cette contrainte narrative est justifiée par le fait que le boss de chaque région met trois jours (soit l’équivalent de dix huit minutes de jeu) à atteindre sa pleine puissance. Si ce délai est dépassé, l’affrontement se déclenche alors instantanément, ce qui oblige à agir avec stratégie et efficacité pour triompher avant qu’il ne soit trop tard.
Et c’est tout, ou presque, en ce qui concerne le scénario. Ravenswatch se limite à une mise en contexte succincte, sans véritable intrigue approfondie. Certes, chaque personnage dispose d’un journal relatant son histoire, enrichi au fil des parties, mais cela se résume à quelques paragraphes à lire. Si ce format narratif ne vous séduit pas, il y a fort à parier que l’univers imaginé par les développeurs vous semblera en grande partie mystérieux et opaque.
Ce serait dommage de ne pas s’intéresser au lore, surtout lorsqu’on sait qu’il est tout à fait possible d’allier scénario et gameplay dans un rogue-like, Hades le fait très bien par exemple. Outre ce bémol, l’expérience Ravenswatch se trouve ailleurs et concentre visiblement toutes les ressources du studio pour livrer une copie du genre revisité.
Un rogue-like qui bouscule les codes du genre
Les premières impressions manette en main peuvent toutefois déconcerter, tant le jeu bouscule les habitudes des amateurs du genre. Ici, il faut oublier les mécanismes traditionnels et s’armer de patience. L’absence d’assistance saute aux yeux car, hormis quelques pages d’astuces, rien n’est fait pour guider le joueur. À l’image de Dark Souls, l’apprentissage passe par l’échec : on meurt, on analyse et on tente à nouveau. Quelques explications succinctes sont disponibles avant de commencer une partie, mais elles ne remplacent pas l’expérimentation directe, indispensable pour assimiler les bases.
Les débuts peuvent être laborieux. Les premiers runs ne sont pas des plus agréables : il faut appréhender les mécaniques, s’habituer aux commandes et multiplier les essais pour comprendre pleinement les subtilités du jeu. Chaque héros (pour rappel, au nombre de neuf pour l’instant) possède son propre style de jeu, son histoire et offre un ressenti unique manette en main. Cette diversité apporte une excellente rejouabilité et encourage l’expérimentation avec des approches variées.
Mais Ravenswatch innove également sur le système de progression. Contrairement aux standards du genre, perdre une partie ne permet pas d’acheter des compétences ou d’améliorer directement le personnage. Ici, seule l’expérience cumulée contribue à faire monter le niveau global du héros (jusqu’à dix, qui est le maximum). Ce gain débloque de nouveaux traits et objets, disponibles lors des prochaines parties.
Ainsi, là où un rogue-like classique offre une montée en puissance progressive entre chaque run, Ravenswatch privilégie un équilibre basé sur la chance : de meilleures compétences ou équipements peuvent être obtenus aléatoirement au fil des tentatives, grâce à la montée du niveau de personnage en dehors des parties. Cette approche change radicalement la perception de progression. Si les nouveautés débloquées au fil du jeu renforcent indéniablement la sensation d’évolution, le début de chaque partie reste identique, imposant de repartir de zéro jusqu’à ce que les premières améliorations soient trouvées. Qu’il s’agisse du premier run ou du trois cent soixante-dixième, les débuts de parties sont les mêmes mais, dès lors que l’on commence à maîtriser un héros dont on a monté le niveau principal, les sensations d’accomplissement et de puissance sont vraiment au rendez-vous.
Un gameplay aux petits oignons
Le gameplay, n’est-ce pas là l’essentiel dans un jeu (coucou Nintendo) ? Ravenswatch s’appuie justement sur une mécanique de jeu peaufinée, preuve d’un travail minutieux et d’une vision unique qui parvient à se démarquer avec brio.
Chacun des neuf héros disponibles offre un style de jeu unique, mêlant corps à corps, agilité, résistance, magie ou encore invocation de compagnons. Chaque personnage se révèle pleinement une fois ses compétences maîtrisées, apportant une richesse indéniable aux différentes parties. Le titre impose cependant un challenge important, même en mode facile (le mode par défaut). La précision dans les placements est cruciale : il faut esquiver au bon moment et exploiter les compétences adaptées à chaque situation. Si la vue isométrique évoque les codes du hack’n slash, le jeu exige vigilance et anticipation, car se retrouver encerclé par les ennemis mène presque toujours à une issue fatale.
Le gameplay encourage une utilisation complète des compétences pour survivre, offrant une dynamique intense et engageante où chaque affrontement demande une attention constante. Avant d’affronter le boss principal de chaque chapitre, divers objectifs sont proposés : ouvrir des coffres gardés par des ennemis, récupérer des cristaux (la monnaie du jeu), activer des fontaines de soin ou des tours de guet, vaincre des mini-boss secondaires ou remplir des quêtes annexes. Ces éléments, dispersés aléatoirement sur la carte, obligent à planifier efficacement chaque run pour maximiser les gains en expérience et en équipement.
Mais le temps presse, les dix huit minutes par chapitre défilent à toute vitesse, obligeant à délaisser les monstres qui errent afin d’optimiser au mieux le run en cours. C’est une course contre la montre où la sensation de puissance se fait ressentir à chaque montée de niveau en cours de partie et à chaque nouvelle pièce d’équipement obtenue. L’impression de se sentir beaucoup plus à l’aise et de prendre en main notre héros est réellement grisante et gratifiante.
En revanche, malgré un excellent gameplay, varié et plaisant à jouer, l’univers de Ravenswatch peine à maintenir cet enthousiasme sur la durée. La direction artistique rongée par les cauchemars se renouvelle très peu d’un chapitre à l’autre. Le bestiaire lui aussi, même s’il change d’une région à l’autre et si les niveaux de difficulté apportent des variantes, n’évolue pas énormément pour autant et devient rapidement familier, tout comme les trois uniques boss.
Cette répétitivité soulève une question : Ravenswatch peut-il véritablement captiver sur la durée ? Un gameplay prenant, l’envie de tester tous les héros, de les faire monter en niveau, d’explorer leurs synergies en coopération, tout cela apporte un attrait indéniable au titre, mais le peu de renouvellement dans les environnements, les ennemis et l’histoire pourraient en limiter l’intérêt. Le mode coopératif à quatre joueurs apporte quelques nouveautés et aide grandement à replonger dans l’expérience, avec des synergies entre héros particulièrement plaisantes et des niveaux de difficulté supérieure offrant un défi stimulant. Mais cette rejouabilité suffira-t-elle à compenser les limites d’un contenu globalement restreint ? Pour l’instant, après plus de dix huit heures de jeu, nous dirions que oui.
Testé sur Xbox Series X, code fourni par le studio