Test - R-Type Final 2 - La famille Bydochon

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C’est toujours un événement quand une licence culte sort d’une longue léthargie, avec un sentiment partagé entre l’excitation de découvrir une nouvelle itération et l’angoisse d’y trouver un projet raté ou opportuniste qui pourrait “salir” une licence chère à notre cœur. Un exercice d’autant plus délicat quand ce dernier passe par une campagne de financement participatif, dont on connaît les réussites et les déboires.

Après avoir récolté les 350 000€ demandés en moins de 24h, la campagne s’est clôturée autour de 750 000€, une coquette somme pour un titre arcade. Impossible cependant de ne pas tiquer un peu devant les stretch goals qui s’étendaient jusqu’à 2 millions de dollars, une première preuve que le titre avait visé loin, trop loin peut-être.

Je vous parle d’un temps

Si la licence R-Type est connue de tous ou presque, c’est principalement pour son premier épisode arcade de 1987, son imagerie phallique et monstrueuse largement empruntée à H.R. Giger, et son module de force caractéristique, sorte de bouclier mobile orange qui sera votre compagnon de jeu.

Si pour beaucoup de joueurs, l’ADN de la série est resté bloqué à la fin des années 80, très peu ont finalement suivi la lente mutation de cette série, dont R-Type Final 2 n’est finalement que l’aboutissement. Après l’épisode Leo qui avait déjà divisé les joueurs à l’époque, la série a continué sa mue : l’excellent R-Type Delta amena la série vers la 3D, en continuant d’affiner son esthétique sombre mélangeant organique et robots.

Après des dizaines de portages sur autant de supports, c’est en 2003 que devait s’achever la série avec un dernier épisode sur Playstation 2, sobrement intitulé R-Type : Final. Un jeu généreux, surprenant parfois, qui saura marquer les esprits pour de bonnes raisons. Si on omet les épisodes “Tactics” sortis entre-temps et les nombreuses rééditions, c’est finalement un écart de 18 ans qui nous séparent du titre actuel, un coup de vieux qu’on aurait bien volontiers évité.

Non, R-Type Final 2 n’est donc pas “la suite du classique de l’arcade de 87”, mais bel et bien la suite directe d’un jeu PS2, une sorte de nouvelle fin pour la série.

Si la tendance actuelle est plus aux “reboot”, la volonté ici de vouloir à nouveau clôturer la série pose question. La page kickstarter annonce “l’envie d’utiliser la technologie moderne pour créer ni plus ni moins que le meilleur shmup de tous les temps”, une sacrée ambition. Qu’est-ce qui peut bien mal tourner ?

En voiture Simone

Il est bô mon sticker arc-en-ciel

Notre nouveau périple est introduit par une sorte de cinématique interactive dans le hangar de décollage. On fait coucou à ses collègues, on se demande un peu ce qui se passe, avant de mettre les gaz. Dès les premières secondes de jeu, tout semble familier, seul le ton semble avoir changé. Exit l’ambiance glauque et la musique pesante, ici c’est l’explosion colorée sur fond d’EDM, comme pour accompagner la joie du retour de la série. L’ambiance s’affine au fur et à mesure de notre progression, avec le retour des couloirs oppressants, de la biodiversité agressive aux mechas bien plus discrets dans cet opus. La bande-son est globalement réussie, même si la psy-trance risque de surprendre un peu, elle colle étonnamment bien à l’univers.

Du point de vue du gameplay, on est en terrain connu : le système d’armement à 3 couleurs est toujours présent. On alterne régulièrement entre les différentes armes pour s’adapter au positionnement des ennemis, on peut charger son attaque et on essaye de détruire un maximum d’ennemis et de bullets avec son module de force détachable pour remplir sa jauge, et déclencher un dose break dévastateur. La mort guette la moindre de nos erreurs, mais nous aurons le loisir de trouver la “route” idéale grâce aux très nombreux “continue”.

C’est un des aspects fondamentaux de la licence, où l’apprentissage est bien plus important que le skill ou l’improvisation. La grande force de Final 2, tout comme son prédécesseur, est de réussir à garder ce système de jeu hérité de l’arcade pour en faire un jeu purement console. Ce n’est plus un seul vaisseau et une seule route parfaite à trouver, mais 5 niveaux de difficultés qui changent radicalement l’expérience, ainsi qu’une centaine de vaisseaux à débloquer. Un aspect « collectionnite » fort bienvenu, même si on se pose la question de la pertinence des options de customisation disponibles à outrance. Vous pourrez ainsi vous adonner au tuning de vaisseaux à base de stickers dauphins, avoir la possibilité de choisir la tenue de son pilote (invisible en jeu) et personnaliser l’écran titre, voire même renommer le jeu (ouais, rien que ça !).

Mon écran titre > ton écran titre

Évidemment, R-Type Final 2 est un jeu très difficile, mais sa difficulté est intéressante à appréhender. Un passage peut vous rebuter en boucle, jusqu’à découvrir “la” méthode qui fonctionne, que vous pourrez ensuite reproduire facilement les fois suivantes. Un jeu qui restera pour beaucoup frustrant, et qui ne manquera pas de rappeler aux nostalgiques qu’un shmup n’est pas un coup d’un soir, qu’il s’appréhende et se mérite pour être apprécié à sa juste valeur. Un paradoxe d’autant plus marqué aujourd’hui, puisque vous ne pouvez pas découvrir le jeu avec une pièce de 5 francs, il faut directement lâcher entre 40 et 50€ pour en faire l’acquisition. Bref, si vous attendiez un simple shoot de nostalgie, vous n’êtes peut-être pas au bon endroit.

Cinq niveaux de difficulté donc, et aucun n’est vraiment une partie de plaisir. Vos premières runs, même en mode bambin, se solderont par des échecs répétés, d’autant plus que la mort fait perdre tout l’équipement et rend donc le retour encore plus difficile.

Ajoutez à cela des embranchements pour atteindre des variantes de niveaux, et des affrontements qui changent les patterns d’une difficulté à une autre, et la durée de vie devient tout à fait conséquente.

Bitter Chocolate

Sur le fond, R-Type Final 2 semble proposer beaucoup de contenus, et transpire globalement l’amour de la série. Sur la forme en revanche, la liste des doléances fait mal.

D’abord, il y a cette technique calamiteuse. “Optimisé” pour les nouvelles consoles, le jeu souffre de très régulières chutes de framerate sur notre Series X, et tout cela n’est pas sans impact sur le gameplay. Sans possibilité de mesurer précisément l’input lag pour cette critique, les contrôles semblent souffrir d’une légère impression de flottement quand le titre tourne à 60 FPS. Quand ce n’est pas le cas (et pour ainsi dire, très souvent), la latence des contrôles devient variable, ce qui rend l’expérience particulièrement désagréable, surtout pour un jeu qui punit fermement la moindre erreur de quelques millimètres dans les déplacements. On ne parle pas ici de ralentissements “volontaires” pour aider à la lecture, mais bel et bien d’un hardware sur les genoux dès que certains effets visuels trop gourmands se mettent en place. À noter que les autres supports (PC, Switch, PS4) ont aussi leur lot de problèmes remontés par de nombreux joueurs.

Pendant la rédaction de ce test, deux patchs ont été poussés, mais le contenu de ces derniers n’a pas été communiqué. À ce jour, la version 1.0.2 du jeu souffre toujours de ces problèmes.

L’autre souci majeur se situe au niveau de l’aspect visuel. S’il est plaisant d’avoir un shmup avec ce niveau de rendu et que certains effets sont très réussis (ex : les reflets des pales du module qui tournent sur les murs), d’autres points de design comme certains ennemis ou environnements sont clairement laids. Des aplats de texture qui donnent une impression de jouet en plastique, des lasers flashy au possible, quand ce n’est pas carrément la direction artistique qui devient plus que discutable.

Et pourtant, même dans ce qu’il y a de plus raté, on sent qu’il y avait de l’idée. Par exemple, le boss du stage 5 ressemble à un prototype sans âme dans un décor assez “surprenant” visuellement (pour rester poli), mais si on regarde avec attention, on remarque que le sol est jonché de carcasses de vaisseaux. Un point de détail qui pourrait passer inaperçu, si ce boss ne se situait pas tout en bas d’un couloir vertical extrêmement corsé par rapport au reste du jeu, ce qui témoigne d’une certaine cohérence entre les idées de game design et l’aspect visuel, alors même que le niveau entier ressemble à un gloubiboulga d’assets fluo.

Pawa ... rumi ?

On notera aussi qu’au niveau de la mise en scène, le jeu demeure moins ambitieux que son prédécesseur sur PS2, avec un décor plus plat, souvent proche de la piste qui déroule, pour un résultat parfois fade.

Enfin, et c’est peut-être le point le plus impactant : les effets visuels viennent régulièrement perturber la lisibilité à des moments-clés. Quand des effets visuels trop intenses masquent une bullet ou un ennemi que nous n’arrivons pas à esquiver correctement parce que les dits effets font ramer le jeu, il y a de quoi se fâcher.

Pour un dollar de plus

On notera également la présence d’une surprise assez désagréable : 3 DLC sont prévus pour le titre jusqu’en juin 2021, pour un total de 7 (!) niveaux supplémentaires, ce qui n’était pas du tout annoncé initialement sur la page Kickstarter. C’est honteux dans la mesure où ces éléments sont certainement déjà prêts, compte tenu de leur proximité avec la date de sortie (le premier est déjà disponible), alors que le reste du jeu, lui, attend toujours sa finition. Nous passons également sur le fait que certains joueurs ont reçu leurs précommandes avant que les backers ne reçoivent leur code de téléchargement, et on commence à remplir le bingo du lancement chaotique.

Si le titre a vu sa date de sortie repoussée (la covid-19 est passé par là), la question se pose aujourd’hui des conditions de développement du jeu. Le projet était-il trop grand pour les petites épaules du studio Granzella ? Le “succès” du financement était-il suffisant ? (reçu 2x la somme demandée, mais avec des stretch goals 4x plus hauts ?)

Aussi, est-ce que cette distribution mondiale en boîte sur tous les supports (fait très rare pour un shmup) n’a pas joué sur le calendrier, poussant le jeu à sortir dans cet état ?

En attendant, aucune information n’a été communiquée sur ces problèmes, et la seule chose qu’on trouve sur la page des stores, c’est une invitation à raquer 20€ supplémentaires pour des DLC d’un jeu déjà vendu 40€ en téléchargement et 50€ en boîte.

On pourrait aussi mentionner la localisation loin d’être parfaite ou son système de tracking de score et de médailles très détaillé mais sans aucune fonctionnalité en ligne, mais on va arrêter de tirer sur l’ambulance et conclure sur le fait que R-Type 2 est un jeu qui manque vraiment de finitions. Un comble, quand on sait que la licence avait pris sa retraite en signant son dernier épisode du titre “Final”, sortir un “Final 2” mal fagoté risque de tordre les boyaux des fans.

Test réalisé sur Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • L’émotion de retrouver une licence culte
  • Un jeu qui transpire le fan service
  • Étonnamment complet pour un shmup
On n’a pas aimé :
  • Une technique calamiteuse
  • 7 stages en DLC payant, sérieusement ?
  • Un manque de finition évident
Shmoups

R-Type Final 2 est un jeu au goût amer. Après 18 ans d’attente, nous avons enfin droit à un épisode “canon”, qui ne se présente pas comme un reboot, mais comme une nouvelle conclusion. Si retrouver cette saga est un bonheur évident pour tout amateur de shmup, on ne peut s’empêcher d’y voir rapidement les nombreuses lacunes. R-Type Final 2 reste un jeu honnête fait avec passion, mais qui manque de plusieurs mois de développement, et qui n’avait certainement pas besoin de se plier aux codes et aux normes des grands studios avec son Season Pass, alors même que sa technique est totalement aux fraises. C’est dommage, mais on peut espérer un jeu parfaitement acceptable d’ici quelques patchs. Ce n’est en tout cas pas aujourd’hui que la licence donnera un point final.

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R-Type Final 2

Genre : Aviation

Éditeur : NIS America

Développeur : Granzella

Date de sortie : 30/04/2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch

1 reactions

ch4rlSF

15 mai 2021 @ 07:37

Un shoot’ hem up ( ou shoo’ them up ou encore shoot them up) ça faisait longtemps que ce terme n’avait pas été utilisé...