Dying Light 2 - Interview de Thomas Gerbaud, World Director chez Techland

«The Show must go on» le 16 septembre 2022 @ 09:002022-09-16T14:19:22+02:00" - 1 réaction(s)

Quand l’opportunité de rencontrer Thomas Gerbaud, World Director chez Techland, s’est présentée à la Gamescom, nous n’avons pas hésité une seule seconde pour la saisir. Mille questions nous traversaient l’esprit au moment de la préparation de l’entretien, et ce qui devait durer une vingtaine minutes dans le cadre strict d’un tel événement se termina au bout de 45 minutes intenses et passionnantes. Nous avons même pris rendez-vous à une période ultérieure afin d’évoquer plus en profondeur son parcours, ses passions et son expérience de la conception des mondes ouverts dans le jeu vidéo.

Après avoir travaillé pendant douze ans chez Ubisoft à la conception des mondes ouverts, Thomas Gerbaud intègre Techland au mois de novembre 2020, soit à un peu plus d’un an de la sortie de Dying Light 2, le 4 février 2022.

Thomas Gerbaud

Son expérience chez Ubisoft

Xboxygen : Thomas, pourquoi venir chez Techland après toutes ces années chez Ubisoft ?

Thomas Gerbaud : C’est plutôt une opportunité qui s’est ouverte. Chez Ubisoft, j’y étais pendant douze ans, je travaillais à l’Éditorial. L’Édito comme on l’appelle est une structure assez particulière, basée au siège de l’entreprise. C’est une structure qui est transverse à tous les projets. Mon dernier rôle était de faire le support sur la construction d’I.P. et de mondes pour toutes les productions Ubisoft. j’avais une équipe d’une dizaine de personnes avec des profils variés. En début de production, on était intégré dans les équipes pour aider les Directeurs artistiques, narratifs et créatifs à construire leur monde et l’identité de leur I.P.

Le job était super intéressant car ça m’a permis de voir l’une des forces d’Ubi qui est la présence d’un terreau méthodologique avec l’idée de « World First », impulsée par Serge Hascoët (ancien Directeur créatif). Cette conception des mondes est reconnue et respectée dans l’industrie. Cette approche d’Ubi se définissait par une « pyramide » : d’abord 1 monde, puis 10 gameplay, 100 personnages et des histoires à l’infini. C’était la logique de Serge, matérialisée par une pyramide directement sur son bureau.

Cette force et qualité sur la méthodologie d’approche chez Ubi est assez unique et enviée. Quand je suis arrivé chez Techland, j’ai été surpris par beaucoup de collègues qui m’ont avoué leur admiration de cette marque de fabrique d’Ubi. Il y a beaucoup de respect parmi les designers et même en parlant avec d’autres petits studios à l’extérieur de Techland, on retrouve ce respect-là. Pour d’autres gros éditeurs du marché, on ne retrouve pas forcément ce respect chez les designers car il n’y a pas cette volonté de construire une vision créative, une espèce de signature unique sur les jeux.

Donc voilà, je viens de cet univers, et ça faisait un petit moment que ça me démangeait de passer côté équipe à temps plein sur un projet plutôt qu’une approche transverse multi projets. Mes discussions avec Paweł (Marchewka, fondateur de Techland) ont commencé en janvier 2020, et c’était l’opportunité de passer côté « dév », chose que je n’avais pas la possibilité de faire chez Ubi en interne ; venant de l’Édito, les ponts n’étaient pas faciles. Les choses ont avancé avec Pawel et dans mes discussions, je me suis aperçu qu’il ne connaissait pas le job de World Director et qu’il me voulait plutôt pour intégrer le pôle narratif. Je lui ai expliqué la fonction au sein d’Ubi. Du coup, ils ont embauché un Directeur narratif puis ont créé ce poste de World Director avec cette idée de dire « il nous reste un an avant la sortie de Dying Light 2, mais il nous faut quelqu’un pour nous aider à faire le sprint final ».

Pawel Marchewka - Fondateur et CEO de Techland (photo : Pośpieszni Fotografia / Redakcja Forbes)

Son rôle dans Dying Light 2

Xboxygen : Justement, quel fut votre rôle pour Dying Light 2 en arrivant si tard dans le développement du jeu ?

Thomas Gerbaud : Quand je suis arrivé, il y avait donc une base déjà très solide de ce qu’était le monde de Dying Light 2. Après 6 ans de développement, le monde 3D était construit avec cette idée de playground pour le parkour. Le parkour est l’image de marque de Dying Light, parcourir le monde dans un flow. Le jeu était donc très bien construit sur le côté gameplay et les chemins de parkour. Par contre, la ville manquait de vie à mes yeux. Il fallait rendre tout cela plus vivant. La ville ne pouvait pas n’être qu’un playground, il fallait qu’elle existe. C’est un endroit qui a une histoire.

À mon arrivée, il y avait 150000 documents sur 27000 serveurs, un peu partout, sur ce qu’était l’histoire de ce monde avec plein d’idées intéressantes, mais il n’y avait pas un document canon. Par exemple, pour certaines histoires, il y avait plusieurs versions. Donc l’un de mes premiers jobs pendant trois, quatre mois fut de créer cette « World Bible » pour fixer définitivement l’histoire du monde, des personnages, des factions de DL2. Ensuite mon deuxième job a été de rendre plus vivant le monde ouvert et les PNJ. Pour l’histoire principale, il y avait une trame très claire, mais tout ce qui était à côté n’avait pas encore été très travaillé. On n’avait pas l’impression qu’au-delà du scénario principal, il y avait un monde qui évoluait.

Xboxygen : Comme il y avait déjà pour Dying Light 2 un substrat conséquent, considérez-vous n’avoir apporté votre touche personnelle qu’en superficialité ?

Thomas Gerbaud : La très grosse partie artistique a été faite par des collègues talentueux qui ont su créer ce feeling. Mais j’ai quand-même eu l’opportunité de rationnaliser le tout et d’apporter de la vie à ce monde, par exemple les moments de vie et de civilisation renaissants quand on a libéré les moulins. Quand je suis arrivé, Marc Albinet (ancien Game Director de Dying Light 2 d’avril 2019 à janvier 2022) me disait que ça allait être compliqué, que j’apporterai mes compétences pour le prochain jeu. Finalement, j’ai pu faire pas mal de choses sur DL 2. Techland est un studio principalement orienté vers le gameplay, ce qui fait la force de la franchise Dying Light, donc ils avaient aussi besoin d’améliorer le côté narratif du monde.

Xboxygen : Le monde ouvert de Dying Light 2 est marqué par sa verticalité, comment fut-elle pensée ?

Thomas Gerbaud : L’idée est venue avec l’ajout du parapente. Avec cette obstination du studio pour le gameplay, l’idée était de trouver ce qu’on pouvait apporter de nouveau au-delà du contexte et de l’histoire, en moyen de locomotion. Dans The Following, le DLC du premier Dying Light, l’apport du buggy avait plu aux joueurs mais il marquait une rupture avec le parkour. Ici l’idée était d’apporter un nouvel outil qui puisse s’enchaîner avec le parkour, pour conserver le flow. Avec le choix du parapente, il était logique de s’orienter vers un urbanisme vertical. C’était aussi intéressant pour le level design afin d’apporter plein d’endroits à explorer dans une carte plus restreinte.

Xboxygen : Certaines zones de la carte nous ont déçus, comme le quartier de la Cathédrale à l’est. Ce dernier paraît incohérent dans sa construction et ne respecte pas du tout l’héritage historique des villes européennes dont s’inspire Villedor. Ici à Cologne, la cathédrale se trouve bien au cœur de la ville, et non pas excentrée dans un faubourg isolé. Vous n’avez rien pu faire pour éviter cela ?

Thomas Gerbaud : Non, mais disons que... heu, la prochaine fois ce ne sera pas la même ! (rires) Comme je disais, le monde a d’abord été construit comme un playground, un côté aire de jeu où l’équipe a pris l’inspiration de plusieurs villes européennes comme Paris, Amsterdam, Londres. L’idée était d’apporter de la diversité dans l’expérience du parkour, mais sans forcément penser à la cohérence et logique du monde. J’ai pu apporter des changements sur le design urbain, donner des noms aux routes, aux rues, mais il était impossible de modifier les grosses briques du monde construit. Les changements auraient été trop impactants et trop de choses étaient déjà élaborées autour des quartiers.

Sur le suivi de Dying Light 2

Xboxygen : À quoi s’attendre dans le prochain DLC de Dying Light 2, intitulé Bloody Ties ?

Thomas Gerbaud : Pour Bloody Ties, le focus reste le gameplay. L’idée principale était de réunir les Designers vétérans dans une pièce et de leur dire “Voilà ce que les joueurs kiffent et maintenant c’est open bar, amusez-vous !" Le choix de l’arène dans un environnement à part (Théâtre de Villedor) permettait d’apporter ces idées folles sans casser l’open world. On avait envie de faire plaisir à nos joueurs, de leur donner cet environnement qui nous permet d’aller à fond dans nos idées.

L’arène a une place très importante dans le DLC, mais elle reste quand-même encadrée par l’histoire principale. Celle-ci tourne autour de la famille et de la recherche de la célébrité. Par rapport à un Far Cry 4, où on avait de simples combats, là les combats sont des spectacles scénarisés. Ça reprend des histoires classiques, par exemple une s’appellera "Price of Thieves” (le prix des voleurs), qui sera une relecture symbolique de l’histoire de Robin des Bois, et donc ce n’est pas juste un combat. Il y aura un début, un milieu et une fin où on scénarise le combat.

Les arènes seront centrées autour des combats mais ce sont de grands environnements qui sont construits comme des puzzles de level design. Le joueur pourra se balader. Pendant les combats il faudra aller chercher des objets, activer certaines choses à des endroits spécifiques. En fait, l’arène bouge, devient dynamique en fonction du scénario raconté. On retrouvera des plateformes pour le parkour, des hordes, des endroits toxiques, une foule qui scande notre nom, etc. Les spectacles seront assez durs. On a poussé la logique des challenges présents dans le jeu principal. Par-dessus, on a ajouté plus d’infectés, une arène dynamique, des contraintes de temps, etc. Toujours en pensant à « qu’est-ce qu’on peut faire pour créer de la tension, de l’intensité ? »

Xboxygen : Il y a une zone qui nous intrigue au nord-est de la carte de Villedor. On voit au loin un château. C’est un décor carte postale ou on pourrait envisager un DLC à cet endroit ?

Thomas Gerbaud : Je ne peux pas en parler.

Xboxygen : J’avoue qu’il nous attire cet endroit ?

Thomas Gerbaud : Ce n’est pas une carte postale. Vous avez envie d’y aller hein ? (rires)

Xboxygen : Dernière question, qu’attendre du suivi de 5 ans annoncé pour Dying Light 2 ?

Thomas Gerbaud : Plein de choses sont prévues dans les tuyaux : des améliorations techniques (support FSR), les chapitres tous les trois mois où on change un peu les règles du jeu pour amener de la rejouabilité, les extensions, etc. Mais là-dessus, Pawel et les autres gens de la boîte savent qu’un tel suivi a fait le succès de Dying Light. Ils sont vraiment attachés à ça et il y aura donc un très gros suivi afin d’agrandir la communauté.

Dying Light 2 Stay Human

Accueil > News

Dying Light 2 Stay Human

PEGI 0

Genre : Survival Action

Éditeur : Warner

Développeur : Techland

Date de sortie : 04/02/2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, PC Windows

1 reactions

avatar

Banania

17 sep 2022 @ 11:25

Je comprends mieux maintenant pourquoi je n’ai pas vraiment accroché à ce DL2. Le coté « openworld » à la sauce ubisoft, ils auraient du éviter.

Le premier DL n’était pas parfait en terme de story/naration mais il avait qq chose que n’a pas cette suite.

Je me demande du coup à quoi ressemblera Dead Island 2... que j’espère bien plus fun que DL2.

Merci à vous pour cette interview, c’est très intéressant à lire, bien plus que les « news » journalières Sony vs Microsoft. 👍🏻