Il y a des séries qui font parler d’elles à chaque épisode : les Call of, les GTA, les Halo, etc… Et puis il y a les séries plus discrètes, mais qui ont tout de même leur public, certes plus restreint. Ainsi, environ tous les deux ans, Sherlock Holmes pointe (and click le plus souvent) le bout de son nez sous la houlette de Frogwares. A chaque nouvel épisode, quelques nouveautés, mais toujours le même principe : de l’enquête pure et dure en compagnie du plus grand détective du monde (avec Batman). Cette fois-ci, ce n’est pas une grande enquête qui est proposée, contrairement aux deux précédents sympathiques opus, mais plutôt 6 petites, un peu comme si c’était un recueil de nouvelles qui était adapté.
Le quotidien de Sherlock
Examinons déjà le contenu du jeu, car le format choisi, avec plusieurs enquêtes, présente autant d’avantages que d’inconvénients. Contrairement à une grande fresque, ce sont de plus petites énigmes qu’on résoudra chacune en peu de temps (une grosse paire d’heures de moyenne pour chaque), et qui donnent l’impression d’être le fond de commerce de Sherlock. Ce qu’on va jouer ici, c’est ce qui l’occupe entre deux grosses affaires. Si vous êtes un lecteur de Conan Doyle, vous ne serez pas dépaysé car on retrouve exactement ce qu’il y a dans ses histoires courtes, pour le meilleur et pour le pire. En effet, l’exposition des situations est souvent passionnante, la méthode déployée par le détective aussi… Mais la résolution est trop souvent expédiée.
Cela donne des enquêtes très inégales. En effet, sur les 6, deux d’entre elles, dont la première, ne sont pas vraiment passionnantes, avec un coupable sorti de nulle part de façon très opportune quand le récit s’enlise. A l’inverse, d’autres partent de postulats immédiatement intrigants (un train qui disparait, un crime dans une pièce fermée) et savent entretenir le suspense jusqu’au bout, à tel point qu’on aurait bien joué les prolongations. C’est d’autant plus vrai que plusieurs enquêtes sont plutôt simples, et que pour une fois le joueur a une longueur d’avance sur Sherlock, attendant la découverte officielle de nouveaux éléments pour consolider ses soupçons.
Au global, cela donne un contenu conséquent, et c’est avec un véritable plaisir que l’enquêteur en herbe ira se frotter à toutes ces énigmes. S’il y a un peu de frustration de ne pas avoir le droit à une grande aventure aux enjeux colossaux, c’est d’un autre côté agréable de papillonner d’une affaire à une autre, ce qui implique de nombreux environnements et personnages. Qui plus est, voilà qui apporte un peu de changement dans la série.
Quoi de neuf, Docteur Watson ?
Cet épisode est plutôt bien pourvu au rayon nouveautés, et nous allons passer en revue les plus importantes. La première et la plus visible est le moteur du jeu qui donne enfin un rendu graphique haut de gamme. Si les décors restent inégaux, on appréciera la modélisation des visages très précise, ce qui est un véritable plus tant les phases de dialogues sont nombreuses.
On notera également l’arrivée de la vision d’enquêteur de Holmes, qu’on peut activer à tout moment, et qui permet de relever des détails qui échappent au commun des mortels. Une excellente idée, malheureusement de portée réduite du fait que le jeu indique les moments où il faut s’en servir. Le tableau des déductions a été revu pour le meilleur, avec une représentation visuelle proche de ce que pourrait être le palet mental du détective. Ainsi, les renseignements collectés virevoltent, et il faut les associer correctement pour mettre à jour une déduction. Très joli, mais pas toujours pratique, et avec des associations étrangement impossibles alors qu’elles semblent parfois élémentaires. La déduction prend alors forme dans ce qui ressemble à un cerveau dont les cellules se relient au gré des découvertes, pour aboutir, une fois suffisamment d’indices accumulés, à l’accusation du coupable présumé. Enfin, à chaque enquête, Sherlock aura la possibilité de laisser filer le coupable s’il estime que celui-ci a agi pour de bonnes raisons, ou bien de l’envoyer à la potence. C’est à cela que fait référence le titre du jeu, mais à part modifier légèrement la fin de chaque épisode, cela n’a pas vraiment d’incidence… Dommage, le concept est véritablement sous-exploité.
Réalisation presque solide
Comme on l’a vu, les graphismes du jeu ont fait un bond en avant, et sont franchement réussis. Esthétiquement, la majeure partie du jeu est soignée, on notera à peine quelques lieux d’un intérêt visuel peu flagrant. Les doublages sont excellents, en VO sous-titrée, avec des acteurs concernés et des textes bien écrits. C’est pour ainsi dire le cœur du jeu, donc cela joue énormément sur l’immersion et donne envie de continuer. Les animations sont convenables pour un jeu de ce type, et la jouabilité impeccable, en particulier quand on joue en vue à la première personne. Il est juste dommage que les sélections ne se fassent pas toujours du premier coup. Devoir appuyer sur « A » deux fois n’est pas bien grave, mais ce serait tellement mieux si cela n’était pas nécessaire… On regrettera aussi les quelques QTE pas vraiment utiles, mais qui sont suffisamment peu nombreux pour ne pas polluer l’ensemble.
Au niveau de la conception même du jeu, les histoires sont globalement bien équilibrées, avec de nombreux mini-jeux (qu’on peut passer) pour analyser les échantillons ou pour crocheter les serrures. Il y a juste un passage, vers la fin du jeu, où plusieurs crochetages à la suite sont nécessaires pour une répétition malvenue. On regrettera toutefois que les multiples possibilités semblent sous-exploitées. Ainsi, les recherches documentaires sont très limitées, et le fait que Sherlock puisse se déguiser ne servira presque jamais.
Et puis arrive LE point faible du jeu. Les temps de chargement. My God qu’ils sont longs ! Entre chaque changement de zone, ils sont vaguement dissimulés par un voyage en calèche pendant lequel on peut consulter son tableau des déductions et les indices collectés. Comme le jeu implique de nombreux changements de lieux et d’allers-retours, on en mange du temps de chargement. Tant et si bien que cela influe sur la façon de jouer. Même si la logique voudrait souvent qu’on suive une piste jusqu’au bout, on finit par jouer en logique de zone en ratissant tout ce qu’on peut pour éviter au maximum les déplacements. Quand une faiblesse technique influe sur la façon de jouer, on ne peut que fortement le regretter. Pas au point de ne pas prendre un véritable plaisir à mener ces enquêtes, mais cela est loin d’être négligeable.