Plus belle que jamais
Techniquement ce Tomb Raider place la barre très, très haut, les environnements sont superbement détaillés, la jungle foisonne de détails et l’architecture des lieux, à défaut d’être cohérente, est surtout tentaculaire. Le level design a été entièrement pensé pour dynamiser les scènes d’action et permettre à Lara de mettre en évidence ses talents de varappe. Elle saute, bondit et se raccroche in extremis à une petite excroissance rocheuse tandis tout s’écroule ou explose autour d’elle. Les effets sont saisissants et tout a été pensé pour en mettre plein la vue au joueur, jusqu’à aller dans le ridicule le plus total dans la mise en situation. Apprêtez-vous à voir et à vivre des séquences que même Michael Bay n’aurait pas osé mettre dans ses films. L’enchaînement de ces séquences hallucinantes et le rythme particulièrement bien ficelé du jeu procurent un plaisir coupable certain qui fait tout oublier, toute les imperfections les maladresses disparaissent alors pour laisser place à l’envie d’aller plus loin de voir la suite.
Lara gagne vraiment en épaisseur durant les séquences de jeu pur. Cinématiques maladroites, QTE à foison, gameplay assisté, tout cela s’efface devant le spectacle irréel, grisant que nous offre cette épopée. Une sorte de film de série Z doté d’un budget colossal et qui régale son spectateur si celui-ci parvient à se laisser glisser sur une vague de naïveté et de plaisir. Tomb Raider n’a aucune autre prétention que de fournir un jeu estampillé adolescent, avec le trop plein de gore (gratuit et grand guignol lors des morts de Lara, gentillet par ailleurs...) et de spectaculaire qui sied à son public.
Alors évidemment ce parti pris a des faiblesses qui laisse à côté de lui de nombreux cadavres, comme l’exploration des tombeaux. Ceux-ci se résument maintenant à un couloir suivit d’une toute petite salle dans laquelle nous attend une énigme de niveau CE2 et un coffre contenant expérience et “Composants”. C’est tout. Aucun trésor à trouver dans ces tombeaux alors que c’est ici qu’ils auraient leur place la plus légitime. A ce niveau de vacuité on se demande même à quoi ils servent vu que même leur emplacement est bien indiqué sur la carte. On regrettera aussi la disparition totale des pièges mortels que l’on devait déjouer dans les précédents Tomb Raider...
L’autre grand perdant sera à chercher au niveau du sentiment d’exploration et de découverte. Fini l’impression de poser le pied dans un endroit oublié, de découvrir une merveille cachée depuis des siècles aux yeux des hommes. Yamatai est un endroit grouillant d’hommes, de marins échoués, captifs à jamais de l’île maudite. Ces hommes ont déjà pris possession de l’île et en connaissent les moindres recoins. Seul un tombeau semble être resté inviolé de leur culte. Au final on n’arrive à retenir de l’aventure pas un lieu précis porté par sa majesté et sa magnificence, aucun lieu découvert de façon solennelle par du silence ou une douce musique (le thème de Nathan McCree fait cruellement défaut) mais plutôt une séquence de bruit et de fureur, un saut au cordeau ou une séquence de destruction. Les lieux que Lara traverse ne sont plus le sujet mais plutôt le théâtre de séquences hallucinantes, de prouesses physiques de la belle.
Pour finir, deux mots sur le multi, qui n’inventera rien et n’apportera rien au genre non plus, il est sympathique, fait le job, avec ses modes capture le drapeau (où l’on devra juste récupérer des médicaments, chassés par les Solarii), mêlée en équipe et mêlée générale. Outre de l’originalité, il lui manque aussi une certaine nervosité pour tenir la route contre les cadors du genre. Le level design des cinq cartes proposées est toutefois suffisamment riche et intelligent pour jouer son rôle de casse-croûte aux plus en manque d’entre nous. Mais après une aventure solo de ce calibre, aussi ébouriffante que celle proposée par Tomb Raider, je pense que beaucoup de joueurs préféreront repartir pour un tour de grand huit plutôt que de s’enfermer dans une petite arène pour se tirer dessus. Un multi dans un Tomb Raider, cela peut paraître curieux, mais on peut voir cela comme une pierre de plus à poser sur la tombe.