Test - A Plague Tale : un conte sombre mais éblouissant

«Hugo délire» , - 7 réaction(s)

Porté par Focus Home et développé par le studio Asobo, A Plague Tale nous faisait de l’œil. De par le contexte historique ou par la présence de meutes de rats encerclant des enfants livrés à eux-mêmes, les premières images du jeu intriguaient autant que l’ambition paraissait grande pour un projet aux moyens modérés, loin des budgets des triples A. Pour autant, soyons clair dès maintenant, jamais le jeu n’est trahi par son budget ou une aspiration inadaptée à celui-ci. Le tour de force est grand et ces quelques lignes sont là pour vous en convaincre.

Des rats et des hommes

Une histoire de frère et soeur

Au XIVe siècle, alors que la guerre entre les Valois et les Plantagenêts fait rage, la famille De Rune vit encore paisiblement dans son domaine situé en Guyenne. Amicia, la cadette rebelle de la famille, profite d’un moment champêtre avec son père. Leur petite partie de chasse tourne au drame lorsque leur chien se fait attaquer par quelque chose grouillant sous terre. Cette journée d’horreur n’en est alors qu’à ses débuts, puisque l’Inquisition s’invite dans le domaine familial. Ils en ont après Hugo, le jeune fils malade élevé par sa mère à l’écart du monde et de sa soeur. Décimant tous les employés et les parents, les hommes de l’Église sont sans pitiés, forçant Amicia à fuir avec son frère qu’elle ne connait pas vraiment.

Don Quichotte n’a qu’à bien se tenir

La base d’un voyage initiatique est alors posée pour nous embarquer dans un conte sombre à l’orée du fantastique. Entre l’horreur de la guerre et la folie des hommes co-existe un autre fléau, celui de la peste. La menace d’une maladie est difficilement représentable à l’écran et c’est là que les rats interviennent. Les meutes grouillantes aux dents acérées sont une astucieuse menace porteuse de maladie et de mort particulièrement inquiétante, qui ne laissera pas les joueurs indemnes. Le comportement des rongeurs impressionne à l’écran et leur nombre n’est pas la seule chose qui marquera le joueur en quête de malsain, le jeu n’hésitant par à lorgner vers le fantastique afin d’appuyer l’horreur de cette période de l’histoire. Au milieu des corps démembrés, des charniers de cadavres de villageois emportés par la maladie, des cheptels d’animaux sacrifiés pour éviter la diffusion du virus, Amicia et son frère doivent apprendre à se connaître, se faire confiance et surtout s’épauler pour tenter de survivre.

Un bon produit du terroir

Si la comparaison avec The Last of Us vient rapidement en tête, A Plague Tale se démarque bien assez de cette référence en regorgeant d’astuces pour rendre le voyage marquant. Certes, il emprunte la recette déclinée par Naughty Dog du jeu d’action moderne entrecoupé de phases d’exploration et de dialogues mais les transitions sont ici plus fluides, moins mécaniques, rendant le jeu plus vivant, crédible et, parfois, surprenant.

Il faut toujours rester près d’un feu pour survivre

La qualité d’écriture est remarquable, que ce soit pour dépeindre les réactions des personnages face aux actions parfois dramatiques qu’ils doivent entreprendre ou pour donner le rythme à l’histoire d’un point de vue plus global. Chaque nouveau chapitre nous rapproche un peu plus de ces deux enfants et nous submerge d’empathie vis-à-vis du drame qu’ils vivent. Ce ne sont pourtant pas les seuls personnages au destin brisé que l’on croise dans l’aventure. Amicia a beau être une forte tête courageuse, elle n’a pas la capacité de porter sur ses épaules le fardeau de la famille De Rune. Son jeune âge, ses capacités physiques et la présence d’Hugo sur lequel elle doit veiller font d’elle une héroïne humaine loin d’être capable de prouesses hors normes. La progression du personnage ne l’amène donc pas à devenir une personne dangereuse capable de tuer pour survivre sans trace de pitié, loin de là. Ce qui lui donne de la force pour continuer son périple tout en variant le gameplay, ce sont les rencontres qu’elle fait sur son chemin. D’autres personnes l’accompagnent de temps à autres pour permettre au joueur de profiter de nouvelles capacités au lieu de rester furtif. Le jeu met alors en scène une violence très frontale qui marque tout autant les esprits que ses personnages qui se questionnent alors sur la moralité de leurs actes. On est loin de la construction maladroite d’une Lara Croft des reboots passant de jeune cruche à une version féminine de John Rambo.

L’interface est très discrète

Le gameplay n’est pas des plus originaux quand on y regarde de plus près, mais il fonctionne très bien. On reste sur du jeu à la troisième personne dans lequel le joueur se cache derrière des éléments du décor pour éviter le danger la plupart du temps. Au début, Amicia peut tenter de faire diversion en lançant des cailloux ou d’autres objets afin de faire du bruit. Au fur et à mesure, de nouvelles mécaniques se mettent en place pour varier l’expérience. Les rats au milieu desquels on doit évoluer n’ont qu’une seule crainte : le feu. Il faut donc jouer avec des choses à enflammer, et d’autres à éteindre pour amener la meute à tuer des soldats ou pour tenter de la contourner. Sans divulgâcher l’histoire, les différentes interactions sont bien plus intéressantes par la suite. Au joueur de composer avec les moyens mis à sa disposition pour gérer des situations comme il l’entend. On souligne le fait que l’intelligence artificielle est sans pitié, comblant peut-être un peu trop le manque de cohésion dans l’organisation des soldats une fois que l’on est repéré. Ils ont en effet tendance à foncer sur le joueur qui ne peut pas vraiment se défendre au corps à corps, menant vers un game over assuré. En dehors des parties actions/infiltrations, il y a quelques passages comportant des énigmes environnementales qui ne sont pas des plus passionnantes mais qui, là encore, permettent de varier l’expérience sans ressembler à du remplissage forcé.

La qualité d’un triple A

Alone in the dark

Narrativement, le jeu tient clairement tête à bon nombre de jeux bavards à tendance cinématographique, même s’il n’atteint pas un climax comme on l’aurait souhaité. Là où l’on pouvait craindre que le budget se fasse sentir, c’était sur la partie technique. C’est pourtant avec une sérénité et un talent indéniable que le défi a été relevé. Le jeu est non seulement beau de par sa direction artistique - au travers du choix de couleurs notamment -, il l’est aussi par ses textures très propres, la qualité de sa modélisation, ses environnements hautement crédibles et la qualité de ses éclairages qui subliment parfois le tout. Jamais les développeurs ne semblent s’être limités dans leur ambition afin de proposer des environnements fouillés et variés aux arrières plans bien fignolés. Le comportement des rats est techniquement bluffant à bien des moments et impressionne vraiment. Il y a bien des animations faciales et une raideur dans certaines interactions lors des discussions qui viennent rappeler que tout ne peut pas être parfait quand l’argent ne coule pas à flot, mais la finition globale pour un jeu de ce calibre est aux petits oignons. Le rendu sur Xbox One X est même très propre tout en étant parfaitement stable, quelque soit le nombre de choses affichées à l’écran dans les villes ou dans les forêts.

Certains personnages prêteront main forte

Impossible de parler de la qualité artistique du jeu sans aborder le sujet de l’OST. Des ambiances angoissantes et des montées de cordes qui rappellent du Godspeed You ! Black Emperor, ce ne sont pas des choses que l’on entend couramment dans des compositions de jeux vidéo. Si la force émotionnelle de ces envolées composées par Olivier Deriviere impressionne, les parties calmes font tout autant mouche, conférant au jeu une ambiance toute particulière entre mélancolie et angoisse. La bande originale apporte beaucoup au jeu, c’est indéniable, et il y a fort à parier qu’elle vous restera en tête une fois le jeu fini, lové dans votre canapé empli de nostalgie. Pour couronner le tout, les doublages français comme anglais sont de bonne facture, ce qui fait honneur aux lignes de dialogue si bien écrites.

Bilan

On a aimé :
  • Un contexte historique original
  • Les touches de fantastique bien dosées
  • Des personnages attachants
  • Une aventure bien rythmée
  • Une OST divinement bonne
On n’a pas aimé :
  • Quelques animations encore trop raides
  • Des énigmes environnementales peu passionnantes
Achat obligatoire

Après une bonne dizaine d’heures de jeu, on regarde le générique de fin, satisfait. Le bilan est même sans équivoque possible : A Plague Tale est un très bon jeu. Il pourra aussi bien émouvoir et toucher son public que satisfaire les plus insensibles de par l’aventure qu’il propose et son gameplay. Certes, on peut toujours reprocher des détails mais il faut se rappeler avant tout que les bons choix techniques ont été faits pour permettre de livrer un jeu d’une excellente finition, assez long et bien rythmé et avec des personnages intéressants, ce qui est tout de même relativement rare. Vous pouvez sortir votre porte monnaie sans rechigner un instant, le tampon du coup de coeur est sorti et vient donc clôturer cette critique comme il se doit.

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A Plague Tale : Innocence

PEGI 18

Genre : Action/Infiltration

Editeur : Focus Home Interactive

Développeur : Asobo Studio

Date de sortie : 14/05/2019

Prévu sur :

Xbox One, PlayStation 4, PC Windows

7 reactions

tomzati

14 mai 2019 @ 08:07

Super ! Franchement il tient donc ses promesses. Je note deux choses dans ce test : la référence à Godspeed You ! Black Emperor quant à la BO ce qui ne peut être que de bon augure pour l’ambiance du titre. La seconde c’est l’emploi du terme divulgacher qui vient de rentrer dans le dictionnaire ! ;)

Un test qui donne clairement envie ou plutôt qui conforte cette envie ! Merci

CrazyBananax

Rédaction

14 mai 2019 @ 10:26

Merci pour ton test, le jeu entre tout de suite dans ma To Do List :-))

lowfab

14 mai 2019 @ 12:03

Jeu à découvrir sans hésiter Une petite perle

zayd75

14 mai 2019 @ 18:43

J’avais vu une longue vidéo de gameplay avec un dev et un mec de chez Focus sur un autre site et ça m’avait donné vachement envie...je viens de me le prendre et j’avoue que je ne suis pas du tout déçu ! L’ambiance visuelle et musicale, l’époque ainsi que la narration sont autant de points forts qui font de ce voyage un dépaysement total ! Hâte de connaitre le fin mot de l’histoire...

« Le comportement des rats est techniquement bluffant à bien des moments et impressionne vraiment »

> 5000 rats affichés simultanément selon un développeur comme quoi la technique n’a rien à envier aux jeux AAA ! :-)

brontoz

15 mai 2019 @ 00:18

très bon jeu c est beau et en même temps bien sombre et oppressant par son ambiance ce qui fait que je ne peux pas enchainer dessus comme j ai enchainé sur days gone mais toujours content de revenir dessus pour essayer d avancer et découvrir ce qui ce passe avec le jeune Hugo

Koinkoin

19 mai 2019 @ 01:15

Je viens de le finir et le jeu est vraiment très bon mais les derniers chapitres sont très décevant et la tournure que prends l’histoire m’a un peu sorti du jeu et rentre dans des clichés mal venu. Le jeux se perd dans les dernières heures. Cela permet de renouveler les mécaniques mais perso j’aurais préféré que le studio reste sur des mécaniques « simples » en gardant l’ambiance des 12-13 premiers chapitres. Et c’est dommage le jeux se serait terminé plus tôt j’aurais été conquis, là je reste assez déçu par ces dernières heures. Le titre m’a fait penser à hellblade qui m’a scotché de bout en bout, ce dernier à su raconter son histoire en gardant certes les mèmes mécaniques mais à aucun moment je ne suis « sorti » du jeu.

EliotVador

14 jui 2019 @ 09:22

De mon côté une énorme surprise de début d’année 2019, bravo au studio bordelais d’avoir réalisé ce jeu magnifique. Son approche « conte » et poétique j’ai adoré. Graphiquement très beau, historiquement nous apprenons même des choses du XIV siècle, le doublage des voix rien à dire comme la narration... Le game play est correct. Dommage au final le re-jouer n’a pas d’intérêt car cela reste une histoire unique. Faire un spinoff en extension sur un autre personnage serait sympa. Bref un jeu à ne pas manquer. @Koinkoin je sais pas si nous pouvons comparer à HellBlade qui est aussi une superbe réalisation (je suis dessus en ce moment) mais il est prenant aussi ! ;-)