Test - Winter Ember - L’imparfaite infiltration

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Parmi les quelques titres centrés sur l’infiltration, certains ont su marquer les esprits. Les licences Splinter Cell d’Ubisoft, Hitman de IO Interactive et Thief (Ion Storm, puis Eidos) ont convaincu par leurs environnements crédibles, des mécaniques de furtivité au top et des possibilités multiples de réalisation des objectifs, laissant ainsi la liberté aux joueurs de vivre chaque aventure comme ils le souhaitent. Si Winter Ember s’inspire grandement de Thief par son univers victorien, nous allons rapidement découvrir que cela ne suffit pas pour faire un grand jeu, loin de là.

L’histoire classique d’une vengeance

Nous commençons le titre par une cinématique plutôt classe réalisée en dessin animé. Nous notons d’emblée le charisme des personnages et une ambiance intrigante lors de ces sublimes cutscenes, mais aussi un premier couac de réalisation. En effet, si le graphisme de cette introduction est grandement appréciable, des soucis de synchronisation labiale et un léger décalage son/image nous sautent immédiatement aux yeux et aux oreilles. Mais bon, passons.

Les quelques cutscenes sont plutôt classes.

Arthur Artorias, fils d’une famille bourgeoise, rentre au Domaine après une soirée mondaine passée à l’extérieur. Accompagné de deux charmantes demoiselles, il est averti par Maynard, le majordome, que son père souhaite lui parler de quelque chose d’important. Suite à une discussion quelque peu nébuleuse avec le patriarche, nous retrouvons Arthur et ses conquêtes dans la chambre à coucher, lorsque l’une d’elle, Vesna, annonce qu’elle ne passera pas la nuit ici. S’apprêtant à quitter les lieux, elle est alors témoin du meurtre de Maynard par une bande de malfrats encapuchonnés. Paniquée, elle s’empresse de se cacher dans une armoire.

Arthur, le héros.

Pendant ce temps, Arthur, pris d’insomnie, cogite sur les propos tenus par son géniteur, le regard pensif face à la fenêtre. C’est alors que surgissent les vilains, qui exécutent d’une balle en pleine tête la jolie rousse encore allongée sur le matelas, avant de s’en prendre manu militari à notre héros, le laissant gésir dans son sang. Celui qui semble être le chef de la bande craque alors une allumette, décidé à en finir une bonne fois pour toutes. Abandonné à son triste sort, Arthur est alors sauvé de justesse par Vesna, et ils s’échappent tous les deux de la ville.

La carte est austère et n’apporte au final qu’assez peu d’indications.

Des semaines, des mois, et des années passèrent, notre protagoniste portant désormais de lourdes cicatrices. Le visage désormais méconnaissable dû aux brûlures, Arthur est un homme changé. Au cours de cette longue période de rééducation, il s’est non seulement remis physiquement, mais a surtout développé des compétences et trouvé le courage d’affronter son passé. Lors d’une nuit froide d’hiver, il effectue son retour, bien décidé à retrouver ses agresseurs et asséner sa vengeance, tout en démêlant les secrets familiaux bien gardés.

L’envie de bien faire ne suffit pas

Quelques lettres et journaux distillent des informations.

Nous débarquons alors à Anargal, ville victorienne glaciale en proie à la pègre et loin d’être la destination rêvée pour les vacances. Après quelques tutoriels sur les rudiments de l’exploration et des combats, nous sommes rapidement happés par l’ambiance générale du titre. Malgré une caméra rotative en vue de dessus qui saccade parfois, nous ressentons une tension palpable à chaque instant, portée par une bande-son pesante, par la colorimétrie des lieux aux teintes froides et ses jeux d’éclairage plutôt réussis. Nous apprenons alors à jouer avec les sources de lumière, à éteindre des lanternes ou des bougies afin de se fondre dans l’obscurité. Nous apprenons à apprécier les couleurs bien vives lorsque nous sommes éclairés par les lampadaires et les nuances plus grisâtres que prend l’image lorsque nous sommes tapis dans l’ombre. Mais nous allons alors déchanter assez rapidement, car si nous nous attendions à pouvoir agir tel un fantôme, de trop nombreux écueils vont nous sauter aux yeux instantanément concernant la jouabilité.

Le titre comporte des effets de lumière plutôt réussis techniquement, un peu moins dans leur utilisation.

Tout d’abord, le champ d’observation d’Arthur reste limité. C’est simple, il ne voit aucun ennemi à plus de dix mètres ! Sa vision semble même se réduire de moitié lorsque nous sommes dans la pénombre, et ce n’est pas la mini carte d’une sobriété affolante qui peut nous y aider. Les ennemis y sont pointés d’un marqueur vert foncé (nuancé vert anglais) sur un relief oscillant entre le gris clair et le noir, autant vous prévenir qu’il y sera peu évident de s’y fier. Et si nous voulons bien admettre qu’Arthur ait de lourdes séquelles suite à son agression, il nous paraît tout de même inconcevable de ne pouvoir détecter un ennemi faisant le pied de grue derrière une caisse en bois, alors que nous y sommes nous-mêmes adossés. Dans cet exemple, il nous faut alors pencher la tête sur le côté de l’obstacle concerné, nous laissant alors ce bonheur ironique d’être repéré par l’ennemi, s’il n’a pas le dos tourné. Chose impossible à déterminer à l’avance, étant donné que nous devons impérativement observer l’ennemi, à découvert donc. Autant nous aurions apprécié l’idée dans un titre utilisant une caméra à l’épaule, pouvant alors renforcer le réalisme, autant cela paraît une aberration avec une caméra en 3D isométrique, censée nous apporter quelques facilités de repérage avec sa vision plus large.

Les assassinats furtifs sont la clé du succès. Dommage qu’il n’existe que peu de « finish » différents.

L’infiltration étant relativement défectueuse, nous nous retrouvons malgré nous en combat bien trop souvent, au point de délaisser la furtivité pour des affrontements directs la plupart du temps. De plus, une fois que des soldats nous ont détectés, il n’est vraiment pas simple de s’en défaire. Ils nous collent aux basques et même si nous tentons de nous abriter dans de hautes herbes, ils nous retrouvent sans trop de difficulté. Ils ouvrent les portes, nous repèrent bien avant d’entrer dans notre champ de vision, rendant les affrontements quasi obligatoires. Et ici aussi, malheureusement, le bât blesse. Notre palette de mouvements est limitée. Elle comprend les classiques : un coup faible, un coup chargé à enchaîner pour briser une garde ennemie, une parade (difficile à placer), un blocage et une esquive. En revanche, les hitbox sont complètement défaillantes, beaucoup de nos attaques partent dans le vide, là où les ennemis font mouche plus régulièrement, de quoi nous faire pester plus que de raison. Nous ne ressentons pas du tout l’impact des coups, tout juste savons-nous que nous avons porté atteinte à l’ennemi par une petite effusion de sang giclant de son torse.

Une corde, une flèche bien placée, et nous voilà prêts à surmonter n’importe quel obstacle.

Nous aurions pu alors espérer miser sur des combats à distance via le tir à l’arc. À regret, nous découvrons que non, encore une fois à cause de soucis incompréhensibles. En l’occurrence, nous allons éprouver des difficultés à la visée, principalement en combat. Dans n’importe quel titre proposant une vue en 3D isométrique, nous avons pour habitude de viser uniquement à 360°, sur un axe horizontal. Dans Winter Ember, nous devons également composer avec une visée sur un axe vertical, requérant des réflexes difficilement accessibles lors d’une course-poursuite ou d’une échauffourée. Autant nous pouvons prendre le temps nécessaire de viser correctement lors des différentes énigmes, autant décocher une flèche précise en combat relève plus souvent de la chance que d’un réel talent. Pour simplifier, nous nous retrouvons avec une visée plutôt dédiée aux FPS ou aux TPS, mais avec une vue typée Hack & Slash : ce choix devient totalement illogique et inadapté.

Des mécaniques vues et revues

Trois arbres de compétences basés sur des compétences distinctes.

Le titre reprend également des fonctionnalités présentes dans une pléthore d’Action-RPG. Citons en premier lieu la présence d’arbres de talents. L’un d’eux est centré sur le combat, et permet d’augmenter les dégâts des dagues de lancer ou du coup final d’un combo. Le second arbre, focalisé sur la furtivité, donne la possibilité d’augmenter le champ de vision lorsque l’on observe à travers un trou de serrure, ou de faciliter le crochetage des coffres et des portes. C’est en débloquant des points dans l’arbre de talents axé sur les utilitaires que nous pouvons augmenter la taille de notre besace ou encore obtenir un pourcentage de gains en bonus, lors de la revente des bibelots dérobés au fil des missions. Nous aurions pu croire que chaque arbre allait légèrement orienter le gameplay vers une façon de jouer particulière, mais il n’en est rien.

Tout bon voleur doit savoir crocheter sans bruit.

La fouille demeure essentielle, l’argenterie et les bijoux volés dans les commodes seront échangeables au marché noir contre menues piécettes. Nous pouvons alors y faire nos emplettes, acquérir divers composants de craft, potions, bandages et crochets. Il nous faut penser à renouveler le stock régulièrement et ne pas hésiter à acheter l’intégralité des objets de soin, car en plus des soucis de gameplay, les ennemis tapent fort. Les bandages sont un élément clé de la survie. En effet, en dessous d’un certain seuil de points de vie, Arthur saigne abondamment. Les conséquences sont nombreuses. Nous laissons des traces au sol, offrant ainsi librement des indices aux soldats pour nous retrouver. Le sang attire également les chiens errants qui viendront nous chiquer les mollets, une flaque d’hémoglobine fait paniquer les civils, et les dégâts infligés par notre héros encapuchonné diminuent grandement.

Le craft de flèches est essentiel, pour certaines énigmes.

Malgré la non-praticité de la visée à l’arc, il sera impératif de passer par la section craft du menu pour gérer notre arsenal. En fouillant dans le décor ou les cadavres de certains antagonistes, nous récupérons des pointes de flèche à la forme variée, des tiges composées de divers matériaux, et d’un effet supplémentaire au choix. Plus de trente types de projectiles peuvent ainsi être confectionnés, allant de la flèche-grappin permettant d’escalader un étage à la flèche fumigène perturbant les clans ennemis. D’autres serviront plutôt à résoudre des énigmes, comme la flèche électrique, qui, plantée sur un disjoncteur, remettra le courant dans un mécanisme, ou encore celle à la pointe contondante qui fracassera une porte. C’est alors à nous d’imaginer les possibilités et les combinaisons d’ingrédients pour des résultats parfois dévastateurs.

Les missions principales se clôturent souvent par une chasse à l’homme.

Évoquons les missions principales et secondaires. L’histoire principale est plutôt agréable à suivre, malgré une absence de surprises. Les missions secondaires nous en apprennent un peu plus sur le lore et certains personnages, sans être non plus transcendantes. Nous avons parfois un choix à faire pour les compléter, influant sur la récompense obtenue et ayant des conséquences sur la suite des évènements. Certaines rancœurs ou amitiés naîtront de ces choix et nous dirigeront à terme vers l’une des trois fins disponibles. Le titre se déroule en semi open-world divisé en plusieurs zones plus ou moins importantes, parmi lesquelles un voyage rapide est possible via les égouts (gratuits), ou un voyage en diligence (payant).

Techniquement, le titre est propre, même si nous avons noté un peu de clipping lors d’un passage sur les toits.

Pour conclure, le level design souffle le chaud et le froid, variant d’un classicisme lassant à certains rares passages plus inspirés. Le titre donne une fausse impression de liberté sur beaucoup d’aspects, autant sur les approches possibles tant les mécaniques de jeu manquent de finition, qu’en rapport à certains grands bâtiments dont une seule entrée n’est finalement exploitable pour une intrusion. Certains lieux paraissent immenses au point d’avoir le sentiment de s’y perdre, et pourtant, une certaine linéarité se fait ressentir au bout d’une dizaine d’heures de jeu. Enfin, quelques points de sauvegarde fixes sont disséminés sur chaque zone. Ils restaurent l’intégralité de nos points de vie uniquement lors de leur première découverte, et sont le lieu de rendez-vous pour dépenser les jetons de compétences obtenus en mission ou lors des fouilles. Heureusement, l’ambiance du titre, son univers prenant et son OST pesante ne lui permettent pas totalement de sombrer dans les abîmes, mais c’est bien trop peu.

Testé sur Xbox Series X (optimisé Xbox Series X/S)

Bilan

On a aimé :
  • L’univers sombre et mature
  • La tension constamment palpable
  • Les cutscenes animées
On n’a pas aimé :
  • Les combats imprécis
  • L’infiltration mal exécutée
  • La visée à l’arc, inexploitable en combat
Ça partait pourtant pas mal, et puis…

“Déception et désillusion”. Ce sont les premiers sentiments qui émergent lorsque l’on avance dans Winter Ember. L’univers sombre et le monde victorien du titre sont immersifs à souhait, d’autant que l’ambiance lourde fonctionne à merveille, portée par des effets de lumière crédibles et une OST dégageant une tension palpable à chaque instant. Quelle déception que le gameplay ne soit pas à la hauteur ! Les combats font preuve d’une mollesse inouïe et l’infiltration a tellement d’errances dans son exécution qu’ils ne rattrapent malheureusement pas ce scénario d’un classicisme convenu. Arthur Artorias aurait pu rejoindre Sam Fisher, l’Agent 47 ou Garett au panthéon de nos héros maîtres en furtivité, il en avait les capacités ! Le titre est véritablement pavé de bonnes intentions. Elles sont malheureusement vite oubliées, tellement les imprécisions de gameplay empiètent sur le plaisir de jeu. L’appréciation dépend donc du joueur et de sa tolérance envers les problèmes cités. Winter Ember avait un sacré potentiel. Même si tout n’est pas à jeter, nous sommes tout de même un peu déçus.

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Winter Ember

PEGI 18 Langage grossier Violence

Genre : Action/Infiltration

Éditeur : Blowfish Studios / Gamera Game

Développeur : Sky Machine Studios

Date de sortie : 19/04/2022

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows, Nintendo Switch