Les cas de harcèlement au sein d’Ubisoft ont commencé à émerger dans la presse pendant l’été 2020, des histoires qui sont devenues ensuite une « affaire Ubisoft » pour laquelle plusieurs ex-cadres de la société sont mis en cause.
Rappel des faits
Tout commence au printemps 2020 alors que plusieurs voix s’élèvent contre des cas de harcèlement au sein d’Ubisoft.
Maxime Beland, Vice President Editorial chez Ubisoft est accusé de harcèlement moral. Chris Hendry, Team Lead Level Art chez Ubisoft Montréal est cité également, Alexandre Amancio (ex Ubisoft ayant travaillé sur Assassin’s Creed, par exemple) est accusé de comportement abusif lors d’une soirée Ubisoft. Le thread Twitter est très long mais on peut également y lire des accusations envers Tommy Francois, ancien présentateur chez Game One et alors Vice President éditorial chez Ubisoft depuis 5 ans. Il est notamment accusé d’avoir fait pression sur des jeunes femmes pour qu’elles aient des relations sexuelles devant ses employés, un cas qui aurait été signalé au département des ressources humaines d’Ubisoft sans qu’une suite n’ait été donnée.
À l’époque, et suite à de graves accusations survenues surtout sur Twitter, la section Ubisoft Paris du syndicat Solidaires Informatique publie une lettre qui fustige les violences sexuelles et sexistes dénoncées par de nombreux employés chez Ubisoft. Il est notamment dénoncé une « question systémique, qui semble tolérée de manière massive et de longue date. »
Fin mai, 2020 Bloomberg précisait qu’Ubisoft avait mis à pied deux cadres de la société cités dans ces histoires, Tommy François et Maxime Béland.
Plus d’un an après les dénonciations, le groupe d’employé A Better Ubisoft estimait que la direction d’Ubisoft continuait à faire la sourde oreille et demandait à la société d’arrêter de « promouvoir et de déplacer les délinquants connus d’un studio à l’autre, d’une équipe à l’autre, sans aucune répercussion. » Depuis, le groupe se bat pour faire cesser ces agissements, et n’hésite pas à soutenir d’autres mouvements tels que ceux des syndicats récemment formés chez certains studios Activision.
D’anciens hauts cadres d’Ubisoft entendus par la police
C’est finalement lors de cette rentrée 2023 que les choses semblent bouger du point de vue judiciaire. Comme le rapporte Libération, c’est après une enquête d’une année que cinq anciens employés d’Ubisoft ont été placés en garde à vue.
Deux noms sont déjà sortis, celui de Serge Hascoët, « gourou créatif » d’Ubisoft pendant 20 ans et contraint à la démission à l’été 2020, et Tommy François, vice-président du service éditorial, lui aussi poussé vers la sortie à la même période.
L’enquête ouverte des chefs de harcèlement (moral et sexuel) a été confiée à la police judiciaire de Paris aurait recueilli durant plus d’un an les témoignages d’une cinquantaine d’employés et ex-employés.
Ll’avocate des plaignants, Maude Beckers, évoque un dossier « très particulier » qui révèle des « violences sexuelles systémiques ». Elle précise que c’est la première fois en vingt-deux ans qu’elle découvre des dénonciations de cette nature.
Ça fait vingt-deux ans que je fais ce métier, c’est la première fois que je vois un travail aussi conséquent [de la police judiciaire] sur des dénonciations de cette nature. Dans la plupart des affaires d’agression et de harcèlement, c’est une personne parfois couverte par son supérieur, ce n’est pas aussi institué que ça l’était chez Ubisoft. Au point qu’on a l’impression que c’était devenu quelque chose de nécessaire à la créativité. L’entreprise semble s’être transformée en grand terrain de jeu pour les créatifs, où était toléré ce qu’ils appellent une « ambiance potache », où l’on joue à chat-bite, où l’on se permet des gestes sexuels sur le lieu de travail, où en soirée des femmes se trouvent plaquées par terre ou contre les murs. Les RH connaissaient tout ça et étouffaient les affaires systématiquement. Ce qui est exceptionnel dans ce dossier, c’est la complicité des cols blancs de l’entreprise.
Selon Libération, Yves Guillemot, le patron d’Ubisoft, n’aurait à ce jour pas encore été entendu par la justice. L’ancienne Directrice des Ressources Humaines, Cécile Cornet, démissionnait de ses fonctions en juillet 2020, mais Libération avait obtenu le témoignage d’une sources du journal qui lui prêtait les propos suivants : « Yves est OK avec un management toxique, tant que les résultats de ces managers excèdent leur niveau de toxicité ».