Chers lecteurs,
Mon dernier édito date d’il y a bien longtemps, et encore, il ne traitait pas d’actualité. Est-ce parce que je n’ai plus rien à dire sur le monde vidéoludique ? Au contraire, et c’est bien là tout le problème. Des choses à dire j’en ai. Plein. Sur des tas de sujets. Sur la façon dont les considérations techniques ont pris le pas sur les jeux en eux-mêmes. Sur la tournure prise par ce qui est “offert” aux joueurs suite au succès inattendu de la PS4 et des jeux au format « Playstation ». Sur le creux créatif terrible qui frappe les grands éditeurs qui se nourrissent de suites, de remakes ou de décalques. Sur le faible apport des consoles actuelles par rapport aux précédentes. Sur le formatage de l’actualité qui génère l’attente et qui fait sombrer les jeux dans l’oubli au moment même de leur sortie.
Autant de sujets qui pourraient donner autant d’éditos. Autant d’articles que j’ai ébauchés, et que je n’ai pas terminés, n’arrivant pas à trouver le ton juste pour aborder ces sujets sans passer aux yeux d’une partie des lecteurs pour un fanboy, un frustré, un blasé, et surtout pour un vieux con.
Il faut dire que j’en ai certains symptômes. J’ai commencé à jouer aux jeux vidéo en 1982, sur une borne d’arcade (Galaxian), alors que j’avais 9 ans et que je devais me mettre sur la pointe des pieds pour bien voir l’écran. Ma première machine a été un Amstrad CPC 464. J’ai vécu le retour en grâce des consoles après leur disparition post Atari 2600. J’ai constaté l’évolution, puis l’explosion de ce marché avec la Playstation. J’ai vu mourir Sega et remourir Atari. Le calcul est effrayant, ça fait maintenant 33 ans que je suis un joueur. D’un certain côté, ça veut dire que j’ai une certaine expérience de ce domaine. En d’autres termes, on ne me la fait pas. On ne peut pas me présenter des choses comme nouvelles quand elles ne sont qu’une redite de ce qui a déjà été fait par le passé. On ne peut pas m’embarquer dans les comparaisons futiles entre consoles ou bien entre consoles et PC, c’est un sujet qui tourne à vide depuis la nuit des temps. On ne peut pas me vendre des promesses de potentiel et de perspectives, j’ai déjà vu ça trop de fois. C’est cette distance que j’utilise quand je rédige mes éditos.
Mais d’un autre côté, ne suis-je pas en décalage avec une partie des lecteurs qui découvre cet univers, ou tout du moins qui n’a connu qu’un changement de génération de consoles ? Quand je parle avec des « jeunes » joueurs (cela n’a pas grand-chose à voir avec l’âge, mais plutôt avec l’expérience de joueur), je me rends compte que ce qui me laisse froid les intéresse beaucoup. Si la PS4 marche si bien en proposant si peu, c’est sans doute finalement car les jeux proposés, d’une banalité à hurler pour le vieux joueur, sont de vraies nouveautés pour le relatif novice. Comme si le passé n’existait pas pour les jeux vidéo. La Xbox One n’est pas en reste, car même si elle est distancée par la PS4, elle obtient des résultats tout à fait convenables. Son tort est sans doute, en ce qui concerne les jeux, de ne pas proposer des produits aussi simples et calibrés que ceux de sa copine. N’allez pas croire que je lui dresse des lauriers pour autant : j’ai globalement tendance à mettre les deux dans le même panier. Là où je vois de la redondance avec ce que nous connaissons déjà, bien des joueurs s’excitent sur les jeux proposés. Les update techniques qui semblent être la seule chose apportée par ces machines, et qui pour moi sont d’un intérêt entre le limité et le nul semblent être d’une importance capitale pour une partie des joueurs. Si je ne peux m’empêcher d’expliquer cela par l’inculture vidéoludique, ce raccourci est insuffisant : si le produit trouve preneur, c’est qu’il est correctement calibré pour les joueurs d’aujourd’hui, ce qui fait de moi par ricochet un joueur marginal, du passé, un vieil ours grincheux trop difficile et exigeant.
Quand on écrit pour un public, il convient de s’interroger de temps à autre sur sa propre légitimité, c’est-à-dire, pour faire simple : est-ce que ce que je raconte a un intérêt pour quelqu’un ici ? Est-ce que coucher sur le papier (bon, ok, sur un fichier Word) mes réflexions sur un sujet donné trouve un écho ? Les lecteurs, qu’ils soient d’accord ou pas avec moi important peu (je n’ai jamais cherché à convaincre, seulement à analyser), en retirent-ils quelque chose ? Ou bien est-ce que la majorité des lecteurs se fout de ce type de démarche, veut juste jouer à ce qu’il y a, et va rejeter toute analyse qui n’irait pas dans le sens de ses convictions ? Aujourd’hui je n’ai pas la réponse à ces questions, car je constate des réactions diverses qui parfois me confortent, parfois me découragent !
Pourtant, même en étant un vieux grognon, tout n’est pas noir, loin de là. Cela fait même longtemps que je n’ai pas autant joué. Sur ma console, mais aussi sur ma tablette, ainsi que sur mes vieux systèmes qui ne prennent pas la poussière. Il y a beaucoup de choses qui me plaisent actuellement. Le retour du point’n click, le retour de jeux basés sur des concepts simples et bien exploités (merci les indés), sans compter que les vieux jeux continuent d’exister. Cela fait beaucoup de matière. Ce qui m’ennuie, c’est que ces jeux n’avaient tout simplement pas besoin de nouvelles consoles. C’est plus le fait que je trouve le fun sur ces machines sur des jeux qui auraient très bien pu tourner sur ma 360 qui me pose problème : l’utilité de la PSOne continue d’être très floue en ce qui me concerne.
En préparant cet édito, je me suis rendu compte que je ne suis pas un vieux con. Bon, je sais, personne ne va admettre être un con, vous avez le droit de penser que j’en suis un, pas de souci avec ça ! C’est juste que j’ai une vision romantique des jeux vidéo. Pas spécialement nostalgique, non, romantique. D’avoir connu une époque où les joueurs étaient une minorité, où chaque jeu s’accompagnait du plaisir de la découverte et d’une notice en couleurs abondamment illustrée, où la nouveauté était une norme, fait que je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine tendresse pour les jeux vidéo. Pour les créateurs conduits par la passion, par les idées, qui cherchent à inventer quelque chose avec un objectif unique : permettre au joueur de s’amuser, de s’évader, de vivre quelque chose de différent. La froideur de la logique de produits plus que de jeux a fait disparaitre cela, et la première chose que je vois en lançant la majorité des jeux, c’est les ficelles grosses comme des câbles qui sont utilisées. Je ne sens plus assez de passion chez les créateurs (encore une fois, sauf chez les indés), comment la ressentir en jouant ? Quand je fais découvrir à mon fils des jeux qui tournent sur Megadrive et que je vois que ça fonctionne toujours aussi bien (32 couleurs, résolution de 320x224, je ne connais pas les fps…), je me dis que je n’ai pas tort sur toute la ligne. Mais ne suis-je pas un dinosaure voué à disparaître ? C’est là toute la question que je me pose, et c’est à vous de me livrer la réponse en me disant quelle est votre conception des jeux vidéo aujourd’hui.
Après tout, je ne suis peut-être qu’un vieux con !