Test - Mass Effect Édition Légendaire - L’Espace pour le meilleur et pour le pire

«Le space opera fait jeu» , - 4 réaction(s)

Je me souviens encore de la force avec laquelle Mass Effect m’avait embarqué dans son univers. C’était en 2007, sur Xbox 360, j’avais alors été littéralement soufflé par la beauté presque organique de cet action-RPG, un space opera extraordinaire par la cohérence de son univers, son rythme et sa narration. J’en garde encore le souvenir ému, marqué à jamais par son ambiance, sa direction artistique et sa bande-son phénoménale signée par Jack Wall et Sam Hulick. J’étais alors loin de me douter qu’il serait le premier opus d’une trilogie qui allait marquer à jamais l’industrie du jeu vidéo et qu’elle allait autant me décevoir que me combler. La sortie de l’édition légendaire de Mass Effect comprenant l’intégralité de la trilogie remasterisée et tous ses DLC, à l’exception du mode multijoueur en ligne de Mass Effect 3, est l’occasion de revenir sur l’histoire de cette trilogie hors norme.

Bioware grandeur et décadence...

Vous allez découvrir la galaxie à bord du Normandy

Mass Effect a été développé par Bioware, un studio canadien basé à Edmonton, fondé en 1995 par Ray Muzyka et Greg Zeschuk. Ils gagnent leur lettres de noblesse et leur entrée directe au panthéon de l’histoire du jeu vidéo presque dès leur premier jeu, un jeu de rôle nommé Baldur’s Gate. Pour les béotiens, Baldur’s Gate est l’une des pierres angulaires du jeu de rôle vidéoludique dont la suite Baldur’s Gate II Shadow of Amn s’avère être l’un des plus grands jeux jamais créés. J’en profite pour vous inviter à le découvrir ou le redécouvrir et à lire notre test de l’enhanced edition sorti sur Xbox One l’année dernière.

Après cette entrée en matière incroyable, Bioware s’est imposé comme le studio de référence dans le domaine du jeu vidéo sur ordinateur. Ils développent en 2002, Neverwinter Nights, un jeu de rôle tiré des règles de Dungeons & Dragons comme pour les deux Baldur’s Gate, mais qui a l’ambition de proposer un système ouvert pouvant servir de base de création à tous les maîtres du jeu en herbe. L’année suivante, ils sortent ce qui reste encore comme l’un des meilleurs jeux vidéo Star Wars, l’excellent RPG Knight of the Old Republic. On peut le considérer comme étant le grand-père de Mass Effect tant les similitudes sont nombreuses, la grand-mère étant Jade Empire, un action-RPG dont l’univers s’inspire de la mythologie orientale, reprenant en grande partie les mécaniques de jeu de Knight of the Old Republic. C’est grâce à l’expérience de ces deux jeux de rôle, excellents par ailleurs, que Bioware tire ce qui allait être son chant du cygne : Mass Effect.

Le commandant Shepard version homme ressemble à Dominic Purcell (Prison Break)

Mass Effect sort en 2007 et obtient un immense succès public et critique. Il est l’une des exclusivités fortes de la Xbox 360, il ne sortira jamais sur PS3. Un an plus tard, Bioware est racheté par Electronics Arts, ce qui va largement impacter la qualité et la direction prise par les deux suites de Mass Effect, et ce pour le pire comme pour le meilleur. En 2009, Bioware sort Dragon Age : Origins, un jeu de rôle dans un univers d’heroic fantasy original qui reste peut-être à ce jour la dernière grande réussite du studio, un projet étrangement amorcé bien avant le rachat par Electronics Arts. Mass Effect 2 sort en 2010, toujours aussi bien accueilli et qui augure du meilleur pour le dernier volet de la trilogie. Bioware promet alors que les choix du joueur auront un impact direct et important sur les évènements scénaristiques à venir. Cela ouvre la porte à des fantasmes, des envies, des spéculations qui auront un retentissement mondial à la sortie du troisième opus en 2012. En effet, la fin est largement en deçà des attentes des joueurs, elle est expédiée, résumée à un choix entre trois phrases. Après plus de 120 heures de jeu, la conclusion de cette aventure épique est loin d’être à la hauteur, et devant le tollé, Bioware et EA se trouvent contraints de revoir leur copie et de sortir une nouvelle conclusion à leur saga. C’est une première dans l’histoire culturelle mondiale.

Pensez à toujours rester à couvert !

L’après Mass Effect marque le déclin du studio d’Edmonton. Après un Dragon Age 2 passé inaperçu ou presque, le troisième opus Dragon Age : Inquisition, sorti en 2014, souffre de la comparaison avec l’ogre The Witcher 3. Trop sage, trop consensuel, plombé par une narration et une mise en scène éculée, il peine à convaincre. La suite spirituelle de Mass Effet, Mass Effect Andromeda, subit les mêmes écueils accentués par des bugs ridicules à sa sortie. Le dernier jeu de Bioware, Anthem, est un gigantesque échec commercial, sorti peut-être trop tôt tant son contenu s’est avéré rachitique pour un jeu multijoueur en ligne et comportant des erreurs dans son game design indignes d’un jeu triple A. Le studio canadien semble aujourd’hui bien loin de l’excellence à laquelle il nous avait habitués, de là à associer sa chute au rachat par EA, il n’y a qu’un pas. Ou plutôt trois, car on peut voir dans la trilogie Mass Effect les prémices de ce délitement...

Mass Effect : le meilleur et le pire sont deux potes inséparables.

Cette partie va revenir sur l’ensemble de la trilogie et comporte quelques éléments de l’intrigue. Si jamais vous découvrez la série, que vous n’avez jamais rien lu dessus et désirez tout découvrir par vous même, nous vous conseillons d’aller directement au dernier chapitre.

Première rencontre avec un vaisseau emblématique de la trilogie

De par l’ampleur de ses ambitions, mais pas seulement, Mass Effect est le pendant vidéoludique de Star Wars. Non seulement sa naissance a trouvé ses racines dans l’épopée mythique de Georges Lucas, mais aussi dans Knights of the Old Republic, le RPG Star Wars développé par Bioware. Le premier Mass Effect assume clairement cet héritage et offre un space opera remarquable dans la conception de son univers et son intrigue. En 2148, l’Humanité découvre sur Mars les vestiges d’une technologie extraterrestre. L’étude de cette technologie permet de faire un bond considérable au niveau des connaissances scientifiques et de partir à la découverte de l’espace. En 2183, Shepard, un soldat humain, se voit confier la mission de récupérer une balise inconnue, découverte sur une colonie terrienne en compagnie de Nilhus, un SPECTRE, soldat d’élite du conseil extraterrestre. À peine arrivé, la colonie se fait attaquer et durant la mission, Nilhus est abattu par un autre SPECTRE renégat, Saren, venu voler la balise. Shepard va se trouver plongé en plein cœur d’une menace gigantesque portant sur toutes les races vivantes de la galaxie.

Le premier Mass Effect pose l’univers et l’intrigue, élément par élément. La somme colossale des informations distillées, races, conflits, intrigues passées, intrigue principale, politique globale, etc. est hallucinante et on plonge directement dans cet univers avec l’envie de le connaître un peu plus, la sensation d’exploration étant immense. Le jeu monte crescendo dans ses révélations jusqu’au final épique. Les principaux reproches avancés à l’époque, noyés dans un océan de louanges, portent sur la maniabilité du véhicule d’exploration et ses phases de gameplay redondantes et pas forcément amusantes, et sur la rigidité de ses combats.

On ne dirait pas comme ça mais cette ville est sur le point d’être détruite...

Si l’on reprend l’analogie faite au début sur Star Wars, on peut dire que Mass Effect 2 ressemble au deuxième épisode de la dernière trilogie. Entre temps Bioware a été racheté par EA et des changements ont été apportés au sein de l’équipe dont un changement de scénariste, Drew Karpyshyn laissant sa place à Mac Walters, qui sera aux commandes aussi de Mass Effect 3. Ce changement de scénariste est loin d’être anodin car il va soulever de gros problèmes au niveau de la continuité et des décisions prises par le joueur dans le premier opus. Le passage de Karpyshyn à Walters, c’est presque exactement la même chose que de passer de J.J. Abrams à Rian Johnson dans la dernière trilogie Star Wars. On balaye d’un revers de la main presque tout ce qui a été fait avant et on refait tout. Dans Mass Effect 2, cela prend la forme de la mort de Shepard dès les premières minutes de jeu, et de sa renaissance tout aussi rapide. Il va alors repartir monter une nouvelle équipe, de nouveaux compagnons qui vont remplacer la quasi-totalité des anciens. Certains choix du joueur à la fin du premier Mass Effect sont évacués tout aussi rapidement comme celui concernant le Conseil extraterrestre. Les romances amorcées et consommées du premier opus sont tout aussi rapidement évacuées. Ces écueils semblent annoncer la suite, un délitement scénaristique progressif qui comporte toutefois des fulgurances s’appuyant toujours sur l’univers incroyable du premier opus. Le passage sous la coupe d’EA a apporté toutefois un savoir-faire en matière d’action. Les combats sont nettement plus dynamiques et plaisants, si bien qu’ils s’avèrent aussi bien plus nombreux, prenant le pas sur l’ensemble des DLC proposés très courts et totalement dispensables pour la plupart.

En plein coeur de la Citadelle, haut lieu du Conseil galactique

Mass Effect 3 est l’épisode qui a la lourde de tâche de clôturer la saga. Porté par un système de combat arrivé à maturité et dont la place se trouve maintenant être au cœur du jeu avec un multijoueur coopératif à part, impactant directement la partie jeu de rôle. Au niveau scénaristique, les écueils de mise en scène sont toujours là et les raccourcis omniprésents. Mass Effect 3 a beaucoup de mal à gérer les enjeux de la série, il alterne comme ses prédécesseurs, des moments de grâce et de tension scénaristiques bien amenés avec d’autres frisant le ridicule, à peine digne d’un mauvais film hollywoodien. Mac Walters a toutes les peines du monde à intégrer les différents choix du joueur pris dans les épisodes précédents.

Le final ne vient que mettre le doigt devant ces difficultés, il se trouve loin d’être à la hauteur de l’attente des joueurs. Il semble aux yeux de beaucoup, comme incohérent, particulièrement abrupt pour mettre un terme à une saga de plus 120 heures et surtout balayant d’un revers de main tous les choix pris par le joueur. La suite, on la connaît tous : un véritable tollé qui a gonflé au niveau médiatique, des créateurs de tous bords qui ont pris position, Bioware qui a soutenu comme ils pouvaient l’épilogue de leur série, jusqu’à se fendre d’un DLC gratuit pour proposer une fin “étendue”. Cette dernière ne change rien aux dénouements mais les agrémente de quelques scènes supplémentaires sur l’impact de la décision finale du joueur et de quelques lignes de dialogues, changées ou ajoutées. Il est bien difficile de conclure une saga, Mass Effect porte cette conclusion comme un lourd fardeau, mais n ‘est-elle pas la résultante d’un délitement scénaristique qui a commencé bien avant ?

Et Mass Effect Édition Légendaire dans tout ça ?

Le remaster redonne des couleurs à la trilogie même au premier opus !

Mass Effect Édition Légendaire regroupe l’intégralité des trois épisodes de la série avec tous ses DLC, missions annexes et personnages bonus. Sachant que certains d’entre eux sont essentiels à la bonne compréhension de l’intrigue, même si du point de vue de leur contenu, on peut clairement remettre en question tout autre intérêt, on a là la meilleure façon de découvrir ou revivre la saga. Il s’agit d’un remaster très propre, les graphismes ont été améliorés et nos yeux sont encore subjugués par la beauté de certains paysages, même dans le premier opus. Le mode photo disponible par défaut permet en plus de les admirer et de faire des fonds d’écran en toute occasion.

Les Relais cosmodésiques permettent de relier très rapidement divers points éloignés de la galaxie

Les problèmes d’exportation de la sauvegarde de notre Shepard entre le premier et second Mass Effect ne sont plus qu’un mauvais souvenir. On aurait presque aimé avoir la possibilité de réutiliser notre ancien Shepard made in 360, histoire de surfer un peu plus sur notre nostalgie.

Un gros travail a été fourni au niveau de l’équilibrage et notamment celui des combats de Mass Effect premier du nom. Ils ne perdent pas complètement leur rigidité initiale mais l’amélioration est notable sur la précision des tirs, les couvertures, le corps à corps. La montée des niveaux a été modifiée pour assurer plus de fluidité entre les trois opus de la trilogie.

EA a rectifié tous les cadrages caméra tendancieux de Miranda

Au niveau des regrets, on souligne l’absence du mode multijoueur de Mass Effect 3 sur lequel beaucoup de joueurs avaient passé de nombreuses heures. Personnellement, j’avais passé plus de temps sur ce dernier que sur le jeu lui-même. À la place, il faudra terminer le plus de quêtes possibles sur toute la trilogie, et pas seulement le dernier épisode. La fin “étendue” de Mass Effect 3, celle réalisée après le tollé des joueurs, est désormais la fin par défaut du jeu. On regrette aussi l’absence de version originale sous-titrée, les doublages français sont loin d’être mauvais, mais cela devient une mauvaise habitude des éditeurs de jeu vidéo de penser qu’il n’y a pas un public à ce genre d’options comme pour les films et les séries.

Les chasseurs de succès seront aux anges, vu que pas moins de 127 succès seront à récupérer pour un équivalent de 2915G. Ce nombre peut paraître étrange pour trois jeux avec tous leurs DLC, mais cela s’explique par la fusion de certains succès redondants comme tuer X adversaires avec telle ou telle arme. Mass Effect Édition Légendaire a été testé sur Xbox One et Xbox One X.

Bilan

On a aimé :
  • L’ensemble d’une trilogie mythique en une seule compilation
  • Un univers toujours aussi exceptionnel pour les amateurs de SF
  • Une OST exceptionnelle
On n’a pas aimé :
  • L’absence du multijoueur de Mass Effect 3
  • Pas de possibilité de jouer en VOSTF
Dans une galaxie pas si lointaine que ça...

Comment pourrait-on refuser de vivre ou revivre l’intégralité de ce qui reste encore aujourd’hui comme la plus grande saga de science-fiction de l’histoire du jeu vidéo ? Malgré ses écueils, la trilogie Mass Effect a d’énormes qualités, suffisamment pour avoir marqué toute une génération de joueurs. Mass Effect Édition Légendaire ne s’adresse pas seulement aux nostalgiques de la première heure, mais aussi à tous ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de découvrir cette formidable saga. Plus qu’une trilogie hors norme, elle porte en elle l’histoire de son studio Bioware, et les stigmates d’un projet ambitieux qui a été dépassé par les attentes des joueurs. Jouer à Mass Effect Édition Légendaire, ce n’est pas seulement vivre une histoire de science-fiction hors norme, c’est aussi toucher du doigt une partie de l’histoire d’une industrie du loisir que l’on aime tant : les jeux vidéo.

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Mass Effect Legendary Edition

PEGI 18 Langage grossier Sexe Violence

Genre : Action RPG

Éditeur : Electronic Arts

Développeur : Bioware

Sortie : 14/05/2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, PC Windows

4 reactions

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Datan666

26 mai 2021 @ 19:16

Ca ne vaux pas le coup de l’acheter plein tarif. Moi je suis très déçu et à 30E la pilule serait passé facilement.

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Messire Loup

27 mai 2021 @ 10:21

Scénaristiquement, c’est plutôt comme de passer d’un Lucas, créateur de tout un univers et qui en maitrise les extensions (avec des archives de fou furieux !!), à un JJ Abrahams, minable faiseur de péloches grossièrement calquées sur Spielberg et notamment ses pires niaiseries...

Sinon bonne analyse bien qu’évitant les sujets qui fâchent (je rappele que le sex-appeal de Miranda est dû à sa conception eugénique et qu’elle l’utilise, comme les espionnes IRL d’ailleurs, dans son métier... On adhère ou pas mais l’explication était juste, logique, certes fan-service, mais ça n’en faisait pas non plus le perso féminin le plus aimé de la trilogie, loin de là...), surtout le tarif...

leGoupil

27 mai 2021 @ 14:39

Refaire les memes jeux encore et encore, ca devient aliénant.

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Banania

27 mai 2021 @ 17:04

Et ce n’est pas prêt de s’arrêter…