J’aurais peut-être dû être ravi de la proposition faite par ma femme de faire un petit tour en canoë kayak en amoureux. J’aurais peut-être dû. Mais je ne savais que trop bien qu’une telle expédition ne pouvait pas être entreprise sans un minimum de préparation. J’ai pris le plus gros sac dos dont on disposait et j’ai commencé à le remplir méthodiquement : boulons, chiffons, bâtons, pièges à collet, lance, arc avec plusieurs flèches, planches, anti-venins, matériel de couture, couteau de survie, marteau et j’en passe. J’ai aussi pris deux des parkas les plus chaudes que l’on avait car même si l’on pouvait confectionner des vêtements avec les peaux des sangliers, des lapins et des loups que nous allions rencontrer, mieux valait garder ces dernières pour d’autres utilisations. A la vue de tout ce foutoir, ma femme m’a alors demandé ce qui n’allait pas et si, moi, j’allais bien. C’est à ce moment que j’ai fondu en larmes. L’inconsciente, elle, elle n’avait pas joué à The Flame in the Flood et elle ne savait pas que même avec tout ça, nous allions mourir de diphtérie ou finir bouffés par un ours !
Oh, mon radeauhohoho !
The Flame in the Flood charme le jouer dès les premières minutes de jeu par une direction artistique à tomber, le jeu dégage une chaleur bienveillante qui contraste avec la dureté des épreuves que croise notre personnage durant son périple. La nature est aussi agréable à regarder et à découvrir que dangereuse à affronter. Les traits colorés et anguleux de sa faune et le visage déstructuré de notre héroïne, Scout, qui donnent l’impression d’être issus de tableaux expressionnistes rendent un cachet âpre et mélancolique à notre odyssée. Une mélancolie accompagnée ou même parfois contrebalancée par les partitions et les chansons alt-country de Chuck Ragan. Cette bande son magnifique et cette direction artistique tout aussi réussie offrent à The Flame in the Flood un véritable écrin à son gameplay et rend l’entrée du joueur dans son univers particulièrement plaisant, ce qui est loin d’être le cas pour la suite.
The Flame in the Flood est un jeu de survie avec tout ce que cela comporte à commencer par la solitude de notre héroïne. Enfin pas vraiment vu qu’un chien, dénommé Aesop, vient la rejoindre autour de son campement pour lui apporter un sac à dos. A l’intérieur de celui-ci se trouve une radio qui émet un étrange message malheureusement inaudible. Dans ce monde où tout le monde semble avoir disparu, Scout demeure sans réponse sur ce qui s’est réellement passé. Ce faible message fait figure d’un nouvel espoir et c’est porté par ce dernier que notre personnage et son compagnon vont descendre le fleuve sur un radeau de fortune, afin de découvrir la vérité. L’histoire n’est qu’un maigre fil rouge qui accompagne la survie de l’héroïne. Tout l’environnement du jeu est, comme pour un rogue like, généré de façon aléatoire, aucune partie ne se ressemble et cela vaut aussi pour les ressources que l’on sera amené à récolter et sur les dangers que nous allons devoir surmonter.
Le radeau de la méduse
Le côté survie de The Flame in the Flood est tout particulièrement poussé. Scout ne va pas seulement se préoccuper de sa faim, mais aussi de trouver de quoi boire sans tomber malade, du froid mordant et de sa fatigue. Le jeu se découpe en deux phases distinctes : la descente du fleuve et la visite des divers lieux qui parsèment les côtes et les îles. Le radeau de fortune de Scout est très sommaire et fragile, il est essentiel de bien le manœuvrer afin d’éviter les collisions avec les débris que charrie le fleuve et les îles ou les vestiges qui parsèment son cours. Sachant que notre embarcation de fortune ne peut jamais remonter le fil de l’eau, il est nécessaire d’anticiper bien en amont notre trajet pour pouvoir accoster sur les quais rencontrés. Certains lieux permettent d’améliorer notre embarcation. Si l’on a récolté suffisamment de ressources en amont on pourra renforcer la résistance du radeau, le rendre plus maniable ou même lui ajouter une tente et un épurateur d’eau. Le radeau sert aussi de stockage, ce qui s’avère tout aussi essentiel que contraignant pour la seconde phase du jeu.
L’exploration reste toutefois le cœur de The Flame and the Flood. A chaque arrêt, Scout laisse derrière son rafiot pour accumuler ce qui lui permettra peut être de tenir un jour de plus. Le facteur chance demeure important : en mettant un pied à terre on ne saura jamais ce qui nous attend, ou presque, vu que les endroits à visiter se divisent eux aussi en catégories que l’on pourrait facilement qualifier de « biomes ». Lorsqu’on s’y arrête on sait à peu près quels types de ressources on va y trouver mais jamais réellement la quantité et si jamais l’arrêt en vaut vraiment la peine. Après quelques échecs, et morts, on sait à peu près quelles sont les recherches à privilégier et quels sont les objets à fabriquer en premier. Les débuts sont assez chaotiques, vu que peu d’indications sont données et que le jeu privilégie l’apprentissage par l’échec et l’expérimentation du joueur.
La faune est assez agressive, notre rencontre avec le premier loup nous laisse exsangue et lorsqu’on comprend comment s’en débarrasser voilà que l’on tombe sur une véritable meute de cinq de ses semblables ! Les serpents, les ours et les sangliers sont tout aussi dangereux sachant qu’une simple blessure allant de la petite entaille à la grosse balafre jusqu’à la fracture doit être rapidement traitée et soignée sous peine d’y laisser sa peau ! Mais leur chasse demeure essentielle à notre survie, outre la viande gagnée, leur peau permet à Scout de se confectionner des vêtements plus chauds capable de lutter contre le froid et la pluie dues aux changements climatiques fréquents. Scout peut compter sur l’aide de Aesop, son chien. Dans le fond, cette idée de duo avec un animal familier pouvait être intéressante. Malheureusement, il n’en est rien, le chien reste une sorte de gimmick inutile intégré à minima au gameplay en lui faisant endosser le rôle de sac sur pattes. Un sac de quelques emplacements mais primordial par la suite vu que les objets entreposés dans celui-ci sont directement transférés à notre prochaine partie si notre personnage meurt et la mort induit la perte totale de son unique sauvegarde. Ne soyez toutefois pas effrayé vu qu’un mode de jeu plus accessible est disponible pour se faire la main, où l’on trouvera check point et sauvegarde automatique à chaque île pour nous faciliter la tâche et arriver à la fin de l’histoire. Les mécanismes du jeu et leur relative simplicité offrent une entrée en matière idéale pour les débutants même si cela peut à la longue rendre le jeu monotone pour les baroudeurs de Don’t Starve ou autres jeux de survie plus exigeants et même en mode sans fin ou en difficile.
Piège en eaux troubles
The Flame in the Flood avait toutes les cartes en main pour nous séduire totalement mais quelques artefacts et erreurs grossières de design viennent ternir le tableau. A commencer par la gestion de l’inventaire, tout sauf pratique. Scout dispose d’un petit sac à dos qu’elle pourra agrandir au cours de son expédition, Aesop lui d’une petite réserve supplémentaire. Le gros de nos affaires restera entreposé dans le radeau, à chaque arrêt on va devoir vider nos poches le plus possible et remplir le radeau sans réellement savoir ce que l’on va trouver au cours de notre nouvelle exploration. Or, on ne peut faire cette gestion d’inventaire qu’à côté du radeau, ce qui implique souvent de laborieux allers-retours afin de déposer une ressource ou d’aller en chercher une autre nécessaire à l’élaboration d’un piège ou d’un soin non prévu. Cela est d’autant plus préjudiciable que chaque minute écoulée aggrave notre soif, notre fatigue et notre faim et surtout casse le rythme du jeu.
- Les rares personnages que vous croiserez vous donneront de précieux renseignements et quelques fois des objets...
Toujours au niveau de l’inventaire, les objets fabriqués y sont très mal décrits, ce qui nous permet de faire un petit aparté et une minute de silence pour la version française du jeu à ce jour supprimée et pourtant initialement prévue et actée par le kickstarter. Cette dernière était une véritable catastrophe remplie de bugs et de phrases tronquées sans parler de l’orthographe mais la supprimer comme cela sans plus d’informations est assez… trivial et surtout malencontreux pour ceux qui avaient acheté le jeu ou même contribué à ce dernier en sachant qu’il devait/était traduit. Le descriptif des objets du jeu, tout en anglais donc, s’avère être insuffisant et notamment en ce qui concerne les vêtements de Scout. Il est impossible de savoir le degré de protection d’un vêtement avant de l’avoir fabriqué et donc perdu de précieuses ressources ce qui est assez désolant. De plus, on peut regretter de ne pas vraiment pouvoir jouer à la poupée avec notre survivante. Quels que soient les vêtements que l’on aura fabriqués et dont on se sera vêtu, elle arborera la même apparence durant tout le jeu.