Game of Thrones, c’est d’abord une formidable saga littéraire, mêlant les codes de l’heroïc fantasy à ceux des complots historiques entre les royaumes. C’est un peu, pour prendre un résumé abrupt, comme si Donjons et Dragons croisait Les Rois Maudits ! Pour le grand public, c’est aussi, et surtout, une série télé qui a fait grand bruit, à la fois grâce à la qualité évidente de sa réalisation et au respect de l’œuvre originale, avec la même liberté de ton définitivement mature. C’est un univers complexe, une histoire riche, et une telle absence de manichéisme qu’on peut légitimement avoir des doutes sur une adaptation en jeu vidéo. Un défi auquel Cyanide Studio s’est attaqué avec ambition.
En marge du livre
L’histoire prend place en suivant le premier livre, tout en étant totalement originale. On y incarne alternativement Mors Westford, patrouilleur de la Garde de nuit au doux surnom de « boucher », et Alester Sarwick, héritier d’une seigneurie ayant déserté ses obligations pour devenir un prêtre rouge, serviteur du culte de R’hllor, le feu sacré. Mors est un guerrier de légende, sans pitié, dont le but ultime est d’être dévoué au mur protégeant les 7 Royaumes des périls venus du Nord. C’est sans qu’il ne le souhaite vraiment qu’il se trouvera mêlé à une histoire d’une ampleur qui va bien au-delà de combats virils et féroces. Alester, de son côté, est revenu auprès des siens après 15 ans d’absence pour assister aux funérailles de son père, et par la force des choses va reprendre en main la destinée de son domaine en reprenant le jeu des trônes. Ces deux personnages vont finir par se croiser pour accomplir une destinée qu’ils n’auraient jamais envisagée, et dont le joueur profitera pleinement après une petite trentaine d’heures de jeu répartie sur 15 chapitres.
Oui, je sais, je n’en dis pas beaucoup sur ce qui se passe pendant cette histoire, et c’est absolument volontaire, car celle-ci est définitivement un point fort du jeu. Ceux qui connaissent Game of Thrones, que ce soient les livres ou la série, savent que le scénario est alambiqué, implique de nombreux personnages, et pour tout dire, demande une certaine concentration pour bien suivre tout ce qui se passe dans ce jeu de pouvoir. La version vidéoludique parvient à restituer cette richesse, en impliquant indirectement nos héros (on croisera même quelques figures connues) dans la trame du livre, et les fera baigner dans cette ambiance malsaine où tout le monde cherche son intérêt propre, souvent au mépris des autres. Le résumé de la situation des 7 royaumes et de notre personnage pendant le chargement de la partie sera d’ailleurs bien utile pour bien repérer qui est qui et qui fait quoi ! De fait, voilà un jeu très bavard, avec de très nombreux dialogues pendant lesquels il faudra prendre des décisions qui affecteront vraiment la suite de l’aventure. L’importance des interactions est telle qu’on gagne pratiquement autant de points d’expérience en résolvant des situations par le dialogue qu’en se battant contre des ennemis. Bien écrites, ces discussions poussent le joueur à faire des choix importants et à décider quel type d’homme il sera. Comme dans la série, il n’y a que rarement de bonnes ou de mauvaises réponses, seul le résultat et les conséquences comptent.
A nouveau on ne peut que souligner le très bon travail d’adaptation fait à ce niveau. Dans ce monde, le bien et le mal n’ont pas forcément de sens, c’est souvent le gris qui domine. Définitivement mature, le jeu n’occultera rien dans des dialogues et des situations très crus et très directs. La violence, tout comme le sexe avec bien peu de tabous, prédomine. L’ensemble est tellement touffu que celui qui ne connaît rien à la licence risque d’être un peu perdu, mais à l’heure où trop de scénarios s’apparentent à des lignes droites et claires simplistes, on ne va tout de même pas se plaindre d’un peu plus d’ambition ! Les amateurs de Game of Thrones, eux, prendront forcément beaucoup de plaisir à trouver ici un authentique prolongement à ce qu’ils connaissent.
Un vrai jeu de rôle à l’ancienne
On aurait pu craindre une adaptation facile à base de beat’em all, et c’est un vrai jeu de rôle qui nous est proposé. Même si les personnages sont imposés, on pourra à loisir les personnaliser à travers un système très complet permettant de choisir une classe, ses caractéristiques, des compétences (pour le combat), et même des pouvoirs ! Petite originalité, on pourra même sélectionner des avantages non négligeables, mais seulement à la condition de sélectionner des inconvénients d’égale importance. On se déplace en toute liberté en contrôlant le personnage principal, et on peut à tout moment prendre le contrôle de ceux qui nous accompagnent…Y compris le contrôle du chien de combat de Mors, dont les capacités sont intéressantes et donnent des phases de jeu originales (notamment quand il suit une piste). En passant de niveau, de façon très classique on gagne des points de compétence à répartir comme on le souhaite afin de devenir de plus en plus fort et d’acquérir de nouveaux pouvoirs ou coups spéciaux.