Le feuilleton entre Sony et Microsoft à propos du rachat d’Activision Blizzard continue. Après les déclarations de Sony il y a dix jours, Microsoft évoque de nouveaux éléments dans un document récent publié par la commission du Brésil.
Microsoft répond à Sony à propos de Call of Duty
Le document en question est une nouvelle petite mine d’or qui montre les lignes de défense de Microsoft pour faire valider le rachat d’Activision Blizzard. Le premier août dernier, Sony disait craindre Call of Duty et le Xbox Game Pass et déclarait que Call of Duty était une licence capable de faire vendre une console plutôt qu’une autre.
Dans un document publié ces dernières heures, Microsoft répond à certaines déclarations de son rival. L’éditeur américain stipule par exemple que « Sans surprise, Sony a été le seul tiers à transmettre une opinion publique sensiblement différente de MS/ABK et des tiers concernant l’analyse concurrentielle de la transaction ».
En ce qui concerne particulièrement Call of Duty, Microsoft estime que les arguments de Sony ne sont pas vraiment étayés par des preuves tangibles, notamment en ce qui concerne l’aspect unique de la licence.
Sony se limite à commenter la force, la loyauté et l’engagement de la marque Call of Duty. Cependant, affirmer que Call of Duty a un public fidèle est une prémisse à partir de laquelle la conclusion selon laquelle le jeu est une« catégorie de jeux en soi »ne découle pas. La PlayStation elle-même dispose d’une base établie de joueurs fidèles à la marque. Ce constat ne permet cependant pas de conclure que la PlayStation - ou tout produit de marque avec des consommateurs fidèles - est un marché distinct de toutes les autres consoles. En extrapolant sur cette constatation, la conclusion extrême selon laquelle Call of Duty représente « une catégorie de jeux en tant que telle » est tout simplement injustifiable dans le cadre d’une analyse quantitative ou qualitative.
Microsoft a également rappelé que Call of Duty n’est qu’un des jeux populaires, aux côtés d’autres jeux tels que Fifa, GTA, Assassin’s Creed, Resident Evil et autres Far Cry, en plus d’autres jeux qui ne sont pas disponibles sur Xbox en raison d’exclusivités du côté de Sony ou Nintendo.
Le Xbox Game Pass fonctionnait déjà bien sans Activision
D’une façon assez drôle, Microsoft place aussi Sony face à ses contradictions. La firme japonaise évoquait à quel point Call of Duty était un « game changer » dans l’équation, mais Microsoft rappelle aussi que Sony a vanté le succès du Xbox Game Pass, alors même qu’aucun jeu Activision / Blizzard n’est encore présent dans l’abonnement. Preuve en est que Call of Duty n’est donc pas un facteur essentiel de succès pour une plateforme.
Quant à l’avantage énorme et non rattrapable que Microsoft gagnerait en intégrant Activison Blizzard dans le Xbox Game Pass, Microsoft indique que cela n’arrivera pas pour 5 raisons :
- 1. Microsoft a rappelé que ce n’était pas dans sa stratégie de retirer du contenu d’autres plateformes. Nous l’avons déjà évoqué plusieurs fois, Call of Duty continuera à être disponible sur PlayStation. « Ce fait réduit les incitations des joueurs à migrer vers le Game Pass, car ils pourront continuer à s’abonner à leur service préféré (par exemple, le PlayStation Plus de Sony) et, en plus, acheter facilement une copie de Call of Duty". »
- 2. Les données montrent que les joueurs considèrent les services d’abonnement comme l’un des nombreux moyens de payer pour les jeux, ce que Sony a lui-même affirmé. « Si les services d’abonnement sont en concurrence avec le modèle buy-to-play, tel que reconnu par Sony lui-même, et que le contenu d’Activision continuera à être distribué via le canal buy-to-play, alors les joueurs peuvent simplement continuer à choisir quel modèle de paiement ils préfèrent pour accéder au contenu d’Activision." »
- 3. Microsoft rappelle la nature dynamique des services à abonnement et « la présence pertinente de Sony lui-même dans cet espace. » « En fait, les services d’abonnement représentent une stratégie de monétisation récente. Autant le Game Pass a été un pionnier, autant c’est un espace dynamique avec de nouveaux services et contenus émergents, et il existe déjà un certain nombre d’opérateurs historiques et de services. Sony propose déjà un service d’abonnement, PlayStation Plus, que la société a pu faire évoluer à partir de sa base d’utilisateurs existante, de la taille de la plate-forme PlayStation et de son contenu exclusif. En fait, Sony a dépassé Microsoft en termes de ventes de consoles et de base installée, ayant vendu plus de deux fois plus de consoles que Xbox dans la dernière génération. »
- 4. Cette raison est masquée en raison d’informations confidentielles.
- 5. Microsoft affirme qu’il existe une forte concurrence en amont et différents canaux de distribution de jeux rivaux, y compris les Stores et services d’abonnement, qui ont accès à un large éventail de titres en plus des jeux Activision Blizzard, y compris du contenu exclusif non disponible pour les consommateurs Microsoft.
Enfin, Microsoft souligne aussi que l’utilisation d’arrangements exclusifs a été au cœur de la stratégie de Sony pour renforcer sa présence dans l’industrie du jeu. Microsoft affirme également qu’en plus de posséder du contenu exclusif first party, Sony a également conclu des accords avec des éditeurs tiers pour garantir d’autres formes d’exclusivité concernant certains jeux, telles que des exclusivités marketing ou les droits d’exclusivité concernant le contenu téléchargeable.
Plus important, Microsoft accuse Sony et affirme que sa capacité à développer le Xbox Game Pass a été entravée par le désir de Sony d’inhiber une telle croissance. Sony paierait ainsi des « droits de blocage » pour empêcher les développeurs d’ajouter du contenu au Xbox Game Pass et à d’autres services d’abonnement concurrents. Le document brésilien masque de nombreux éléments confidentiels sur cette partie.
Enfin, Microsoft affirme que peu importe les critiques formulées par Sony, la stratégie consistant à conserver les jeux Activision Blizzard, sans les sortir sur les consoles concurrentes, ne serait tout simplement pas rentable pour Microsoft, car une telle stratégie ne serait que rentable si les jeux d’Activision Blizzard étaient capables d’attirer un nombre suffisamment important de joueurs dans l’écosystème des consoles Xbox, et si Microsoft pouvait tirer suffisamment de revenus de la vente de jeux pour compenser les pertes résultant de la non-distribution de ces jeux sur les consoles concurrentes. Difficile en effet de se priver des dizaines de millions de clients PlayStation intéressés par les licences Activision Blizzard.
