Le studio Elseware Experience est un peu un OVNI dans le paysage vidéoludique. Né de la rencontre improbable entre un ancien level architect de Dishonored et un docteur en physique venant d’Arianespace, il s’est fait connaître dans le secteur des Serious Games et de la VR. Avec Broken Pieces, il signe son premier projet vidéoludique grand public avec une mystérieuse aventure prenant place dans le village fictif de Saint-Exil, charmante bourgade côtière. Cette vision très “carte postale” de notre chère Bretagne s’accompagne bien entendu du cri des mouettes pour un dépaysement garanti dès l’écran-titre.
Devenir quelquefois un rêve insaisissable
Nous prenons le contrôle d’Elise, plongée dans un environnement onirique particulièrement inquiétant, sombre tunnel pavé au bout duquel pulse une lumière d’un autre monde. Notre avancée à travers plusieurs distorsions dans la trame du rêve, des silhouettes de corps transparents comme figés dans un instant d’éternité inspirent à notre personnage un certain effroi.
- Ne jamais sortir sans préparation
Des cris et des pleurs désincarnés ponctuent notre lente avancée vers la sortie, accompagnés de bribes de voix d’une femme à la radio. Une fois arrivés presque au bout du tunnel, notre héroïne s’arrête devant une table de fortune sur laquelle reposent des appareils scientifiques ainsi qu’un radio-réveil. Ce dernier se met à sonner, arrachant Elise à son sommeil.
Nous prenons conscience qu’un événement inquiétant a mis fin à notre repos, une secousse sismique. Cependant, Elise n’a pas l’air de s’en inquiéter outre mesure et se lève immédiatement. Nous effectuons avec elle le tour du propriétaire, la maison est raisonnablement vaste avec de nombreuses pièces parfois fort encombrées. Certains objets judicieusement mis en surbrillance nous permettent d’en apprendre un peu plus sur les évènements récents.
- Ce n’est jamais rassurant de croiser ce genre de messages
Un certain Pierre semble avoir partagé la vie de notre personnage avant les évènements étranges qui nous ont conduit ici. Cette exploration amène bien entendu bien plus de questions que de réponses et instille une certaine angoisse sur la situation de notre héroïne. Avant de partir explorer les environs, nous récupérons un carnet de notes, notre fidèle walkman à cassettes ainsi qu’un pistolet dans la remise. Notre bref entraînement au combat fait office de tutoriel, ce qui en dit long sur la cordialité des rapports entretenus avec le voisinage.
En un fort, une presqu’île, oublier nos duels, nos escarmouches
Mais de voisinage, il n’y en a point. Elise est apparemment seule à Saint-Exil. Pour le moment, notre premier objectif consiste à rétablir le courant en nous rendant au phare. Sur le chemin, d’inquiétantes apparitions éthérées surgissent et s’en prennent à nous, permettant de mettre en pratique les techniques révisées un peu plus tôt. Autant l’annoncer tout de suite, les combats dans Broken Pieces sont complètement anecdotiques et ne sont là que pour ajouter une couche de difficulté optionnelle. Il est d’ailleurs possible de les brider en ne conservant que ceux imposés par le scénario de manière extrêmement simplifiée.
Le ciblage des ennemis est automatique mais Elise n’étant pas un soldat surentraîné, il faut rester un court instant en visée sans pouvoir se déplacer avant de tirer sous peine de voir notre balle partir à côté.
- Apparemment les fantômes n’aiment pas les balles
L’esquive manque de précision et l’utilisation de notre pouvoir, particulièrement efficace, demande un temps de recharge “au jugé” entre deux utilisations. Heureusement, nos cartouches standard sont illimitées, contrairement aux munitions premium, que l’on peut récolter un peu partout ou fabriquer à partir de matériaux spécifiques. Pour les plus anciens, on pourrait dire qu’on est sur du Parasite Eve “light”. Ce n’est pas catastrophique, mais heureusement, l’intérêt du titre repose sur d’autres aspects.
J’irai voir tôt ou tard si les sirènes existent
Après avoir traversé la cour d’une charmante propriété particulièrement bien fleurie, nous nous engageons sur un sentier côtier tortueux à flanc de falaise. Très rapidement, nous utilisons notre pouvoir pour changer brièvement la météo afin de débloquer le chemin, sans trop comprendre le pourquoi et le comment de cette capacité étonnante. La suite de notre mission est relativement linéaire, ponctuée par la rencontre avec plusieurs clôtures grillagées et portes pour l’instant verrouillées. Nous arrivons rapidement en vue de “L’Écrin” et sommes confrontés à notre premier mini-jeu : une armoire électrique, des fils à brancher dans le bon ordre après avoir observé les environs, rien d’insurmontable.
- Carte postale de l’Écrin
Les énigmes suivantes sont dans la même veine et à défaut d’être réellement novatrices, elles ne guident jamais le joueur vers la solution. Il faut parfois se torturer un peu les méninges, faire quelques aller-retours, mais la solution finit toujours par apparaître. L’exploration du phare clôt la première partie (et sans doute la première journée, en fonction du temps passé) de l’aventure.
- Maître corbeau sur un arbre perché…
Elise récupère des informations importantes et doit les étudier pendant la soirée. D’ailleurs sa montre-crabe absolument kitschissime, consultable à tout moment, lui rappelle en fin de journée qu’il est inopportun de rester à l’extérieur pour sa propre sécurité. Comme les déplacements entre chaque zone du jeu prennent un certain temps, il faut bien planifier son parcours afin de ne pas se retrouver loin de la maison le crépuscule venu, sous peine de se retrouver agressé de manière beaucoup plus régulière.
Même quand le tonnerre gronde, j’entends le son de ta voix
Nous saisissons rapidement l’importance de notre carnet, qui regroupe les informations importantes de notre périple ainsi que de notre lecteur de cassettes, qui nous permet d’écouter les différentes bandes glanées au cours de notre aventure. À ce propos, chaque matin, de nouvelles cassettes enregistrées sont à récupérer dans la chambre d’Elise en fonction des évènements de la veille.
- Nos meilleures amies pour lutter contre la solitude
La majorité d’entre elles sont des enregistrements vocaux qui apportent un complément d’information parfois indispensable à l’avancée de l’histoire, d’autres contiennent simplement de la musique et permettent de briser le silence assourdissant qui s’est abattu sur Saint-Exil. Il est possible de les écouter à volonté, ce qui représente une manière assez élégante de laisser une partie de la narration, même annexe, entre les mains des joueurs. Le jeu est bien entendu intégralement en français et il est conseillé de désactiver les sous-titres pour une meilleure immersion. Elise peut paraître un peu blasée lors de certaines de ses répliques, mais globalement, le doublage est de qualité.
La bande originale très intimiste nous rappelle des souvenirs de la scène d’ouverture de Life is Strange premier du nom et l’on regrette presque qu’elle ne se compose que d’une poignée de titres. Les enregistrements principaux sont plutôt sérieux avec souvent une pointe de déprime et de découragement dans la voix d’Elise, mais peut-on vraiment la blâmer, au vu de sa situation ?
- Le plus troublant, ce sont les prix
En parallèle certaines cassettes parfois fort bien cachées, lancent des quêtes annexes ou participent plus généralement à l’ambiance du titre. Côté dépaysement, nous sommes particulièrement bien servis, car au cas où celà aurait pu échapper à certaines personnes, Broken Pieces se déroule en 1993 et l’équipe de Elseware Experience joue à fond la carte de la nostalgie et du retour dans le temps, jusque dans les détails les plus insignifiants du titre.
Tu as besoin d’azur, de grand large et d’air pur
Si le joueur contrôle Elise, le personnage principal est sans nul doute le village de Saint-Exil. Nous sentons bien une certaine maîtrise visuelle malgré la présence de quelques textures peu esthétiques sous certains angles de caméra. Les moindres recoins du village sont modélisés avec soin, jusqu’aux bosquets d’hortensias qui agrémentent chaque jardin. Le linge qui sèche à l’extérieur, les bouées si spécifiques à la région, les maquettes détaillées qui décorent une maison, tout nous rappelle la Bretagne. Il ne manque à cette représentation traditionnelle qu’un léger souffle iodé lors de nos explorations en extérieur pour nous faire partir en voyage. Les différents objets présents ne sont pas en reste et les cassettes audio côtoient les pièces en francs, ainsi qu’une liste de collectibles qui nous font revenir trente ans en arrière.
- La plage sous la neige
Cerise sur le gâteau, les “tables de George” proposent de transformer notre cerveau en caramel au beurre salé. Ce mystérieux inventeur possède une boutique non loin de l’imposante église locale et nous propose de prendre part à une chasse au trésor dans tout Saint-Exil. Ses casse-têtes en bois sont disséminés un peu partout et permettent de récupérer des pièces frappées d’un triskell à échanger contre divers lots. À moins d’être familier de ce genre de jeu, il est un peu compliqué d’appréhender pleinement le système et ses subtilités lors de ses premières parties, ce qui rend chacune de nos résolutions d’autant plus gratifiante.
Testé sur Xbox One et Xbox Series X
