Test - Remothered : Tormented Fathers

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Tout le monde sait que les manoirs, ça fait flipper. Alors si en plus vous foutez des papillons de nuit dedans, imaginez un peu ! Conçu au départ comme un hommage au grand classique horrifique qu’est Clock Tower, Remothered a connu un long temps de gestation avant de parvenir entre nos mimines de gamers. Annoncé comme un grand retour aux bases du survival-horror, le résultat vaut-il autant d’attente ?

LA PLUME EST PLUS FORTE QUE LE GAMEPLAY

Avant de parler du jeu plus en détail, rappelons brièvement sa conception qui a le mérite d’être intéressante. En 2007, Chris Darril, jeune Italien de 18 ans crée à l’aide de RPG Maker XP un jeu hommage à Clock Tower. Sentant que l’écriture gagnerait à être poussée plus loin, il la remanie pendant quelques années jusqu’en 2012, pour finalement atteindre l’envergure d’une trilogie. Quelques studios s’intéressent fortement à sa licence, mais l’auteur désire garder son indépendance créatrice et préfère fonder son propre studio, Darril Arts. Grâce au partenariat avec les Italiens de chez Stormind Games, ils accouchent enfin du premier volet de la trilogie annoncée, plus de 10 ans après sa première mouture. L’écriture du scénario et la psychologie des personnages étant des aspects vivement mis en avant par les créateurs, nous avons donc été particulièrement attentifs au développement de ces points lors du test.

Ça change de mon 15m² à Clichy !

L’histoire débute par une discussion entre un journaliste et une énigmatique vieille dame qui se fait appeler Madame Svenska. Après quelques échanges autour de sujets scientifiques, la femme semble tourmentée par des souvenirs refoulés, qui nous amènent finalement en 1973. Le personnage que nous incarnons est Rosemary Reed, qui enquête sur une fillette du nom de Celeste, disparue 2 ans plus tôt. Celeste est la fille de Richard Felton, propriétaire d’un immense manoir et retiré de la vie publique depuis quelque temps en raison d’une maladie étrange. Rosemary sonne à l’interphone et se présente en tant que psychiatre envoyée par l’institut San Margherita, où était suivi Felton. Sa visite est visiblement peu appréciée par la gouvernante Gloria, mais l’héroïne finit par rencontrer Richard Felton. L’homme apparaît affaibli, devant constamment se protéger du soleil et semblant peu à peu perdre la raison. Après avoir découvert que l’institut n’a jamais entendu parler d’un Dr. Reed, Rosemary se fait prestement mettre à la porte. Malgré le peu de temps passé à l’intérieur du bâtiment, elle a le sentiment que quelque chose cloche et décide donc de s’y introduire à la nuit tombée.

L’ARMÉE DU SILENCE DES 12 PAPILLONS

Les petites bêtes, oui ça m’embête !

De prime abord, le scénario apparaît comme un mélange assez impressionnant de références, tant vidéoludiques que cinématographiques. Le détail qui frappe d’emblée est la ressemblance troublante entre notre avatar et une certaine Clarice Sterling, jeune recrue du FBI dans le chef d’oeuvre de Jonathan Demme, le Silence des Agneaux. Au delà de leur aspect physique similaire, leur personnalité de femme forte voulant à tout prix connaître la vérité est également à souligner. Ajouté à cela la présence de papillons de nuit, il ne fait nul doute qu’il s’agit là d’un autre hommage de la part de Chris Darril. Outre la similitude annoncée d’entrée de jeu avec Clock Tower, celle qui vient titiller nos vieux souvenirs de gamer dès nos premiers pas dans le manoir Felton est le premier épisode de Resident Evil. Ambiance gothique, couloirs sombres et labyrinthiques, une arrière-cuisine qui débouche sur une salle à manger lugubre… les points communs sont indéniables.

Les opticiens de nos jours...

Au début de l’aventure, l’élaboration du scénario est un peu confuse. Beaucoup d’informations, de détails et de clins d’œil font qu’on ne sait pas trop sur quel pied danser. À l’inverse, ne sachant pratiquement rien du personnage que l’on incarne, on manque donc souvent d’empathie envers lui et on se retrouve étonné face à ses réactions. Pourtant, au fur et à mesure que l’on progresse dans l’histoire, des éléments s’ajoutent au puzzle et l’on ressent la qualité d’écriture et de mise en scène du titre. Même si certains passages paraissent déjà vus, il est vraiment plaisant de ressentir la passion de Chris Darril pour le thriller horrifique, qui confère à Remothered un cachet particulier. Mention spéciale au travail de Luca Balboni pour le sound design, épaulé par Nobuko Toda (assistante de Harry Gregson-Williams sur la saga Metal Gear) qui livrent des compositions magnifiquement orchestrées, tantôt romantiques, tantôt dissonantes, qui participent grandement à l’ambiance torturée du soft. Car si l’aventure débute classiquement, l’escalade dans l’horreur va crescendo pour nous faire vivre des passages à glacer le sang, à la limite du slasher. Je pense tout particulièrement à une course-poursuite dans une cave à vin, qui prend la forme d’un dédale tortueux avec de nombreux angles morts, habité par un psychopathe armé d’un pistolet à clous. Lors de ma première tentative, les cris de mon assaillant m’ont littéralement hérissé les poils !

Nan mais j’avais perdu ma montre !

Remothered est donc un jeu mature à l’ambiance malsaine, qui mérite que l’on s’y attarde si on passe au delà de certains aspects de gameplay frustrants.

RAIDE IS DEAD

À l’instar d’un Silent Hill ou d’un Resident Evil première génération, le jeu se joue à la troisième personne, ce qui déjà fait du bien à l’heure où le marché est inondé de clones d’Amnesia ou d’Outlast. Tout comme dans les productions actuelles, le but est plutôt d’éviter la confrontation que de se jeter tête baissée face à ses assaillants. Pour cela, il est conseillé d’éviter de courir et d’utiliser la lampe torche de manière modérée. Sur le papier, cela paraît simple ; dans la pratique ça l’est beaucoup moins, la faute à un gameplay extrêmement rigide. Vous pouvez soit courir, soit marcher, soit vous accroupir. En courant, les ennemis présents dans le manoir semblent être dotés d’une ouïe surhumaine car même deux étages plus bas, vous pouvez les attirer vers vous. Soit dit en passant, Rosemary est un peu cruche de laisser ses talons dans un manoir au parquet qui craque… bref. Le problème est que la vitesse de déplacement est la même selon que vous marchez ou que vous êtes en position accroupie, à savoir d’une lenteur abominable. Comme au début du jeu vous êtes paumé sans carte dans un manoir où de nombreuses pièces se ressemblent, l’envie de courir après être passé 4 fois dans le même couloir est terriblement tentante. En plus des déplacements très rigides, signalons l’absence de demi-tour rapide ou de coup d’œil en arrière, qui auraient pu éviter quelques morts frustrantes.

2 left = 2 gauche... mais bien-sûr !

Mis à part la fuite, on peut utiliser la diversion à l’aide d’objets trouvés un peu partout dans le décor : bouteilles, briques, réveil-matin… vous pouvez soit les lancer à la tronche de l’adversaire pour l’étourdir (ce qui n’est pas chose facile à cause du système de visée approximatif), soit les poser au sol pour l’attirer à l’endroit voulu. Il m’aura fallu du temps pour bien comprendre ces mécaniques de jeu, notamment à cause de la traduction parfois catastrophique des textes en français. Certaines portes du manoir sont fermées à l’aide de cordes que vous pouvez récupérer en maintenant le bouton X. Seulement, cette action n’est réalisable que si vous êtes debout, ce qui n’est expliqué nulle part. En parlant des portes, vous avez la possibilité de les entrouvrir pour jeter un coup d’œil de l’autre côté. L’idée serait plus utile si vous pouviez déplacer la caméra pour scruter les alentours. Souvent, les angles ne sont pas hyper bien choisis et vous vous ferez repérer même si vous n’avez pas entendu le stalker de l’autre côté du mur.

Autant la qualité du sound design et de la bande sonore est indéniable, autant le mixage audio laisse à désirer dans la localisation des personnages. Pourtant, il s’agit là d’un élément crucial des phases d’infiltration qui nous permet d’évaluer la position des ennemis pour pouvoir se déplacer sans risque. Très souvent, vous entendrez la voix de votre assaillant comme s’il était à un mètre de vous alors qu’en réalité, il se situe à l’étage du dessous. Dommage, alors que le doublage est un des aspects très réussis du jeu, en particulier celui de la Nonne Rouge qui possède une horrible voix rauque qui détrône haut la main celle de Jeanne Moreau

Le repaire du violoneux.

Lorsque vous êtes repéré, un cadre rouge apparaît à l’écran, signifiant que vous êtes dans le champ de vision de votre poursuivant. Si vous avez un objet de défense sur vous (limité au nombre de deux), vous pourrez vous défendre s’il vous attrape, moyennant la destruction de l’objet. Sinon, s’engage alors une course-poursuite assez stressante dans laquelle vous devrez vous éloigner suffisamment du psychopathe en lui fermant les portes au nez ou en vous cachant dans une armoire, par exemple. Une fois assimilée la technique d’esquive, ces phases finissent par être assez répétitives et surtout, moins flippantes. Heureusement, quelques scènes plus scriptées viendront ajouter un peu de challenge vers la seconde moitié du jeu. Il est juste dommage que le soft ait recours à quelques phases de QTE trop longues et peu lisibles, conférant un sentiment de die & retry un peu gavant. Les énigmes sont quant à elles très simples, basées sur un système de recherche d’objets qui rappelle énormément celui des anciens RE : je trouve la batterie qui alimente le machin qui ouvre le bidule dans lequel était cachée la clé de la pendule qui… Bref, du grand classique qui a le mérite de rappeler les grandes heures du survival sauce nineties. Techniquement, l’ensemble est plutôt de bonne facture, même si on sent que l’on est loin d’une super production. L’Unreal Engine 4 affiche des textures correctes et de beaux jeux de lumière, tout en délivrant une modélisation des visages et une synchro labiale vieillissantes. Heureusement, le tout est équilibré par une direction artistique inspirée. Certains environnements lugubres comme le grenier ou la cave font leur petit effet ! La grande réussite du chara design est encore une fois celle de la Nonne Rouge, qui semble tout droit sortie d’un tableau de Francis Bacon.

Malgré la technique et le gameplay dépassés, l’envie d’en savoir plus sur l’histoire est bien là, pour peu que l’on prenne le temps de jouer dans de bonnes conditions visuelles et auditives… comprenez par là au casque et dans le noir ! Vous en viendrez à bout en moins de dix heures, ce qui est est une durée correcte si l’on tient compte de son statut de premier épisode de la trilogie annoncée.

Bilan

On a aimé :
  • Écriture de qualité
  • Ambiance sonore somptueuse
  • Le côté survival old-school
  • Bourré de références...
On n’a pas aimé :
  • ... peut-être un peu trop
  • Mécaniques de jeu très rigides
  • Traduction française plus que limite
Pour les nostalgiques du survival à l’ancienne

Remothered : Tormented Fathers est le fruit d’un passionné de cinéma et de survival horror à l’ancienne, et ça se sent. Malgré son gameplay archaïque, sa technique vieillissante et un certain côté répétitif, l’ambiance et la qualité d’écriture qui s’en dégagent peuvent suffire à nous accrocher, si l’on fait l’effort de s’y plonger dans de bonnes conditions. De beaux encouragements qui se transformeront peut-être en félicitations du jury pour le prochain épisode ?

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Remothered : Tormented Fathers

PEGI 18 Violence

Genre : Survival Action

Éditeur : Darril Arts

Développeur : Stormind Games

Date de sortie : 25/07/2018

Prévu sur :

Xbox One, PlayStation 4