Les portes s’étaient refermées derrière moi. Il fut difficile de me dire que mon horizon s’arrêterait désormais à ces murs défraîchis. Mais cette idée ne gangrena pas mon esprit bien longtemps. Je notais déjà instinctivement le nombre de gardes, la disposition des portes, la fréquence des rondes, l’emplacement des caméras. Je jaugeais mes compagnons de cellule pour fonder des amitiés utiles, j’évitais les matons difficiles, j’échangeais des infos, montais mon petit trafic. Aujourd’hui je suis prêt à lever les voiles. Tout est chronométré, huilé à la perfection, j’ai pris mon temps, de toute façon la précipitation ne mène qu’à l’échec. Demain je serai un évadé. Un évadé qu’ils n’auront jamais vivant.
Prison Break sans tatouages
The Escapists nous plonge dans un univers carcéral en pixel art plutôt réussi. Techniquement, il propose le minimum mais arrive à le faire avec soin et proprement. Les musiques, elles, sont amenées à être très redondantes vu le temps que l’on passe son temps à faire les cents pas dans l’enceinte carcérale en cherchant un moyen de s’enfuir. Car le but du jeu est celui-là : fuir coûte que coûte des six prisons qu’il vous propose. Soit six niveaux de difficulté et autant le dire tout de suite, cela vous prendra énormément de temps ! Les développeurs de Team 17 n’ont rien fait pour nous faciliter la tâche. Un très rapide tutorial nous fait découvrir les bases du gameplay puis nous lâche dans notre cellule sans aucune autre indication. On est totalement perdu et on s’acharne alors à découvrir les possibilités que nous offre The Escapists.
Et ces possibilités sont très nombreuses. La journée carcérale est rythmée par des activités bien précises, l’appel du matin et du soir, les repas, les douches, les activités sportives, le travail au sein de la prison pour nous faire gagner quelques sous, le couvre-feu et bien sûr des plages de temps libre. Louper certaines de ces activités vous met directement dans le collimateur des gardes, qui ne se priveront pas de vous rosser ou de fouiller votre cellule. Être en bons termes avec les gardes vous protège aussi des attaques des autres prisonniers. Dans le cas contraire, ils ne réagiront pas. Car même de ce côté là, vous ne serez pas tranquille. Si vous vous entendez bien avec vos codétenus, ils vous proposeront de faire des affaires avec eux, de vous aider à rosser un garde ou un autre prisonnier.
Si vous vous entendez mal, ils chercheront souvent à vous battre et refuseront de vous vendre quoi que ce soit. Vous avez aussi la possibilité d’octroyer certaines faveurs pour vous faire bien voir auprès d’eux et gagner des sous. Mais ce relationnel ne vous fera pas sortir de la prison.
Et c’est là que ça se gâte. Dire que le jeu n’est pas généreux en indications est un euphémisme. On ne sait rien et on apprend au gré de ses échecs, sachant que ceux-ci nous font perdre tous les objets prohibés de notre inventaire, on sera bon pour tout recommencer à partir de zéro et certains objets comme les tournevis ou les limes ne se trouvent pas facilement. On ne peut sauvegarder que le soir, si l’on ne décide pas de tenter une évasion durant la nuit. Après quelques échecs on assurera toujours le coup en passant une journée à ne rien faire avant de mettre en œuvre notre fuite. The Escapists arrive à nous tenir en haleinne malgré l’âpreté de son gameplay et l’intransigeance de la préparation nécessaire à notre évasion.
Vraiment pas facile de sortir…
Il ne faut pas se fier à son look sympathique, The Escapists est un jeu nécessitant une grande méthodologie, un sens du timing et un temps de préparation importants. On peut entreposer beaucoup de choses dans le bureau de notre cellule mais il faut faire attention de ne rien y laisser d’illégal lors des fouilles. Perdre de précieux objets repousse d’autant plus nos perspectives d’évasion. On a toujours la possibilité de cacher certains objets dans la cuvette des toilettes mais même cette planque ne résistera pas à une fouille poussée de la cellule en cas d’évasion loupée. On peut utiliser certains objets tolérés pour fabriquer des armes ou des outils qui nous aideront à lever les voiles comme des pelles, des pioches ou des grappins. Pour ne rien arranger, chaque outil s’abîme lors de son utilisation. Notre lime peut nous lâcher en pleine découpe d’un grillage ! Et même si ce n’est pas le cas, il faut encore avoir les ressources physiques nécessaires pour le faire.
Notre personnage dispose de trois statistiques de base : la force qui détermine aussi notre endurance et notre capacité à nous battre, la vitesse pour semer les gardes et les autres détenus et l’intelligence pour fabriquer les objets les plus utiles. Notre personnage dispose aussi d’une barre de vie et d’énergie.
Chaque action lui coûte de l’énergie (couper un grillage donc, soulever de la fonte pour améliorer sa force, lire pour augmenter son intelligence, etc.) et la seule façon d’en récupérer est de manger, prendre une douche ou dormir. Dans certaines prisons il faudra se battre pour manger à sa faim ou résister aux conditions atmosphériques extrêmes de leur environnement.
The Escapists nécessite un temps d’approche et de compréhension de ses mécanismes très important, on peut même dire trop important. Lors des premières parties, on ignore totalement l’étendue des possibilités qu’offre le jeu et on a l’impression de tourner en rond, de ne pas avancer. On part sur des solutions trop compliquées, trop difficiles à mettre en œuvre. On ne sait même pas comment fabriquer certains objets que le jeu nous somme de réaliser pour masquer nos efforts. Cette approche est frustrante et réserve clairement le jeu à un public averti. Lorsque l’on arrive enfin à s’évader de la première prison, on prend alors plaisir à recommencer et à mettre en œuvre tout ce que l’on a appris, ce qui réduit énormément nos efforts et augmente drastiquement notre score final. On se rend même compte qu’il n’y a jamais une solution mais une multitude propre à chaque expérience de jeu. Ce qui donne aux six prisons de The Escapists une excellente rejouabilité.