Souvenirs de Gamers : Insert Coin

«Vive le Cheat !» le 7 janvier 2017 @ 18:002017-01-07T19:33:01+01:00" - 4 réaction(s)

Par Blondin

On se souvient tous du premier jeu qu’on a fini, de son boss de fin, du temps que ça nous a pris… Et en général, on est plutôt fier de la performance. Et je ne fais pas exception, même si je n’ai aucune raison de l’être.

On est en 1992, j’ai 9 ans, notre premier PC mettra encore quelques mois à s’installer dans le salon, et la plus grosse claque vidéoludique de ma vie ne passera la porte que d’ici un an. Je ne joue donc que très occasionnellement sur la NES d’un pote, et le plus souvent je traîne dans la petite salle d’arcade du camping que gèrent mes parents à cette époque dans l’est.

En réalité ça n’a pas grand chose d’une salle d’arcade ; il doit y avoir trois ou quatre bornes bien datées, deux baby-foot et deux flippers. C’est petit, avec des clients saisonniers, donc la boite propriétaire des bornes n’installe jamais de nouveautés, uniquement des jeux qui ont déjà fait leur temps dans les salles plus grandes (tu peux littéralement deviner l’âge d’un jeu en comptant le nombre de brûlures de clopes sur la machine).

Jolie chorégraphie !

C’est là que je découvre GANG WARS, un jeu SNK sorti trois ans plus tôt, et qui, rétrospectivement, est en fait un mauvais plagiat de DOUBLE DRAGON ou de FINAL FIGHT. Tu incarnes soit Jackie, l’asiatique forcément spécialiste des arts martiaux, éhontément pompé sur son homologue Jackie Chan, soit le beau gosse ricain Mike, et tu te balades dans un faux New York très eighties en castagnant du punk à coups de bouteilles de bière (aaah les punks, la chair à canon des beat them all de l’époque), en détruisant un tank sur rails (!!!) avec une mitrailleuse ou encore en faisant des balayettes sur des tigres (!!!). Bref, un truc de fou. Le meilleur jeu du monde. Enfin, surtout quand tu as neuf piges et que tu n’as pas connu grand chose d’autre.

Perso, je ne joue qu’avec Jackie : les « vieux » (de 15 ans) de la salle d’arcade appellent affectueusement Mike « le gars de la rue », mais dans ma tête de gamin de neuf ans, « gars de la rue » ça veut dire « clodo », et personne ne veut incarner un clodo, même dans un jeu vidéo…

Bref, je suis tout gamin, et si j’ai trois pièces de cinq dans le mois à perdre là-dedans, je m’estime heureux. Je regarde beaucoup les habitués jouer, mais ça ne vaut pas la pratique, que je ne peux financièrement pas me permettre : je suis donc carrément nul. Autant dire qu’au mieux je perds ma dernière vie contre le premier boss, l’espèce de fou qui m’attend sur le toit du parking avec son marteau en bois géant.

Jusqu’à ce jour béni de juillet 92 ; normalement il y a toujours trois ou quatre personnes autour de la borne, pour le soutien moral, mais jamais beaucoup plus. Cet après midi, en entrant dans la salle, je constate que tout le monde (au moins dix / douze personnes, un truc de dingue quoi !) est agglutiné autour de la borne. Personne en train de fumer assis sur le flipper, personne en train de jouer au bab dont on aurait bourré les buts de PQ pour faire durer les parties plus longtemps… C’est louche. Je m’approche donc pour essayer de comprendre le pourquoi de l’attroupement, mais je me fais intercepter par Seb, qui me propose plutôt, avec insistance, d’aller voir le « lézard à deux queues » (sic) qu’il a vu dehors, un peu plus loin dans les rochers : je suis certes petit mais pas complètement débile non plus, et je comprend assez vite qu’on essaye de m’éloigner du jeu, pour une raison qui m’échappe encore.

J’arrive finalement à le convaincre de me laisser voir, en jurant de garder le secret pour moi (il me semble même qu’on m’a fait jurer sur la vie de ma mère ou un truc vachement dangereux dans le genre), et il se trouve qu’en éteignant et en rallumant très très vite la borne, les crédits apparaissent comme par magie, sans avoir à mettre la moindre pièce dans la machine ! Fini le rageant « Insert Coin » qui apparaît après la dernière vie bouffée ! Autant dire qu’à partir de là, le jeu a un succès fou. Forcément, à côté d’un jeu gratos, aussi naze soit-il, même Outrun, avec son volant à retour de force et ses trois radios, a du mal à attirer son monde.

C’est donc en ce bel été 92 que je m’apprête à finir mon premier jeu : j’éteins et je rallume le bordel au moins un million de fois pour générer 50 / 60 crédit (plus qu’assez pour aller au bout), je défonce les punks, je monte sur le toit du parking, j’éclate le boss avec son marteau en bois qui m’a déjà coûté au moins dix pièces de cinq, je fous des high kicks aux tigres, je détruis le tank sur rails et j’arrive au boss de fin. J’avais généré un paquet de crédits, et il m’en reste quelques uns, mais déjà à l’époque je suis mr sécurité, et je panique donc un peu à l’idée de ne pas y arriver et de devoir recommencer. Je me suis mis la pression pour pas grand chose, parce que j’y arrive finalement assez facilement, avec « seulement » quatre ou cinq vies de bouffées. Je le tabasse comme il faut, mais il réussit quand même à se barrer en hélico et me balance son inévitable punchline genre « je reviendrai, c’est pas fini, ça va chier » tout ça, avec son horrible voix digitalisée qui ferait passer celles du premier Mortal Kombat pour du THX. Normalement, si tu es un vétéran de la salle d’arcade et que tu es assez balaise, tu peux même l’étaler AVANT qu’il ne s’envole, performance que je n’ai jamais réussie, mais bon, l’important c’est que j’ai sauvé la fille et fini le jeu.

Un p’tit air de Double Dragon

Aucun mérite, bien sûr, j’ai pu générer des crédits illimités, mais ça évidemment je ne vais pas le raconter aux copains du CM2. Le truc à retenir, c’est que je peux dire à tout le monde, et sans mentir en plus, que j’ai fini ce jeu génial. Même si personne n’en a entendu parler.

L’été et le jeu finis, pris d’un cas de conscience qui avait duré deux mois (je rappelle que j’ai 9 ans à ce moment-là), je finis par vendre la mèche à mes parents : la borne ne fonctionne plus et on peut jouer gratos. La machine finira par être remplacée, et pour récompenser mon honnêteté, ils me donneront… 5 francs. L’équivalent de 5 crédits quoi.

C’est le truc que je regretterai le plus de ma vie, jusqu’à l’été de mes 20 ans, quand j’aurai accepté ce foutu stage non rémunéré au lieu de partir quinze jours à la plage avec les potes.

En guise “d’épilogue« , j’ajouterais que j’ai par la suite cherché ce jeu, sur tous les supports possibles : NES, SNES, Megadrive… Mais il n’est sorti qu’en arcade, aucun portage n’a été fait à l’époque. Jusqu’à ce qu’en 2012 il apparaisse sur PS3 dans la catégorie »playstation mini", et pour une poignée de cerises en plus (dans les 2€). La fonction deux joueurs a été supprimée, et ça a forcément pris un sacré coup de vieux dans la tronche, mais le jeu est bien celui de mes souvenirs : nanaresque au possible, pas très bien réalisé, horriblement doublé, mais super, super, super fun. Mon challenge maintenant c’est de réussir à éclater ce boss de fin AVANT qu’il ne monte dans son foutu hélico !

Vous avez vous aussi des souvenirs de gamer à partager ? Vous pouvez nous les envoyer à [email protected].

Les Histoires d’Xboxygen

Accueil > News

Les Histoires d’Xboxygen

Les Histoires d’Xboxygen regroupe deux rubriques : Pour quelques G de plus, qui nous raconte comment on a pu suer pour réussir à décrocher les succès les plus compliqués, et Souvenirs de Gamers qui se penche sur les anecdotes de la vie des joueurs, de l’évènement le plus mémorable à la tranche de vie la plus farfelue.

4 reactions

kalud

08 jan 2017 @ 11:28

Mais si tu as du mérite rien que pour avoir insister jusqu’à ce jour de chance.

Jonyboy

08 jan 2017 @ 12:01

Super sympa ce souvenir ! Impossible en te lisant de ne pas me revoir dans cette probablement très semblable petite salle au sous-sol du restaurant de la plage de Kervillen... Du soleil, la plage et la mer à 20m ? Pfff... Du bab’, du flip’, et du jeu vidéo ça oui ! GG Blondin ;-)

avatar

bastoune

09 jan 2017 @ 14:00

Merci Blondin ! Je n’ai jamais eu la chance de tomber sur ce genre de borne à glitch... Chaque crédit était sorti de mon porte monnaie pas bien épais... autant dire que c’était typiquement le genre d’endroit qui me rendait mélancolique, mettre dix balles dans une borne king of fighter, jouer une quinzaine de minutes (et encore) puis errer dans la salle en bavant devant les « grands » qui pouvaient s’enchainer les parties... j’en ai presque la boule au ventre rien que d’y repenser ^^ à la vache, ces jeux video alors ;-)

Blondin

09 jan 2017 @ 22:07

Du soleil, la plage et la mer à 20m ? Pfff... Du bab’, du flip’, et du jeu vidéo ça oui !

Ben là pour le coup c’était dans les Vosges du Nord, donc si tu veux la mer était déjà largement hors de l’équation :-)) Mais sinon, oui, c’est ça ;-)

Je n’ai jamais eu la chance de tomber sur ce genre de borne à glitch...

Autant te dire que dans l’année qui a suivi toutes les bornes qui arrivaient passaient un « révélateur de l’interrupteur », pour voir si ça ne fonctionnait pas sur un autre jeu. Je crois qu’il y avait plus de mecs en train de faire « clic-clic-clic-clic-clic-clic-clic » au dessus de la borne qu’en train de jouer... Les boutons ont souffert :)