Avec ce dernier épisode de la franchise Ghost Recon, Ubisoft est attendu au tournant. La communication faite autour de cet épisode Wildlands promet, depuis sa présentation à l’E3 2015 ; un jeu très réaliste à l’intelligence artificielle avancée, un monde cohérent (avec la participation d’anciens membres des forces spéciales ayant officié en Amérique du Sud), des missions réalisables de plusieurs façons et le plus grand open world jamais réalisé par Ubisoft. Cerise sur le fusil, Ghost Recon Wildlands est censé être un véritable Ghost Recon, à l’image des premiers sortis sur Xbox et PC (entre autres). Même si on ne peut pas vraiment se faire un avis définitif sur le jeu avant sa sortie finale, cette bêta fermée a tout de même été un bon moyen de cerner le gameplay et les possibilités du monde ouvert. Le truc qui est sûr : on est bien devant un open world made in Ubisoft.
Narcos
Après lecture de nombreux commentaires (et dixit un ami avec qui j’ai parcouru cette bêta), Wildlands ressemble beaucoup à un Far Cry à la troisième personne, archi militarisé et coopératif. Et bien c’est presque ça. La bêta nous offrait l’une des 21 régions à explorer et l’un des 26 boss à éliminer. Le déroulement se fait ici de façon très classique : on réalise une série de missions dans le but de déverrouiller celle qui nous fera affronter le dirigeant du coin. Il y a fort à parier que ce système sera utilisé pour chaque région, avec plus ou moins de subtilité. Les objectifs multiples dont le premier trailer montrait les mérites n’étaient pas présents dans cette bêta. Soit ils étaient mal expliqués, soit le tout début du jeu n’en proposera pas.
Comme il s’agit d’une opération conjointe, le groupe rebelle du pays peut nous apporter son soutien, avec plusieurs approches et actions possibles (tir de mortier, diversion, livraison d’un véhicule, etc) qui sont obtenues en réalisant des missions secondaires particulières. Élément rigolo et tiré de Far Cry : des rebelles en cage peuvent être libérés et nous aider à tuer les membres du cartel présents. D’autres missions permettent de récupérer des ressources, indispensables pour débloquer des compétences particulières.
Et on touche ici un premier problème. Avec mes amis en coopération, on passait le plus clair de notre temps à poser des balises dans des objets de ressources (poste de communication, baril de carburant, caisses de soin, etc) ou à effectuer des missions secondaires déjà redondantes après 2 heures de jeu. Comme la progression de notre personnage dépend en grande partie de ces ressources, il fallait crapahuter dans toute la carte pour baliser, voler un camion, un hélicoptère, un avion… en bref, c’était lourdingue. Ce système des ressources pour progresser est une bonne idée en soi, mais il aurait fallu simplifier les choses, par exemple en posant une seule balise dans la zone. On sent que Ubisoft a envie de nous faire parcourir la moindre parcelle de la carte et nous forcer à accomplir des missions facultatives. Les différentes régions seront toutes accessibles dès le début du jeu, mais seront plus ou moins difficiles en fonction de votre progression. Il y aura donc tout de même un léger fil conducteur même si Ubisoft souhaite visiblement faire l’impasse sur un scénario trop complexe.
Je gère dans les fougères
La série des Ghost Recon possède un ADN particulier. Ce sont des jeux subtils où la patience et l’organisation sont souvent mises en avant. Wildlands est bien plus ouvert que ça et dépend de votre façon de jouer. Mener un assaut bruyant à base de tirs de mortier peut devenir aussi efficace qu’une approche furtive à base de tirs coordonnés, de jour comme de nuit. Il est vrai que les possibilités semblaient nombreuses durant cette bêta. On peut toujours utiliser le système de tirs coordonnés instauré par Ghost Recon Future Soldiers et nettoyer méthodiquement une base. Le nombre d’armes, de gadgets et de véhicules force le respect, ce qui apportera par la suite encore plus de possibilités de manoeuvre. D’ailleurs, petit aparté et comme pour les ressources, la plupart des accessoires et des armes sont obtenus en fouillant des coffres, disposés un peu partout sur la carte. Mais il y a un gros souci avec les armes et les véhicules : les sensations ne sont pas du tout au rendez-vous.
Ubisoft avait mis en avant la qualité de l’intelligence artificielle et du réalisme de Ghost Recon Wildlands à de nombreux niveaux (environnement, armes, véhicules, etc). Et bien pour le coup, c’est un peu raté. Les armes, tout d’abord, offrent un feeling assez mou et la sensation désagréable de tirer à l’airsoft. C’est d’autant plus flagrant avec les explosifs ; mention spéciale aux tirs de pétards… euh de mortier des rebelles, un grand moment de solitude. Que ce soit pour une envie aiguë de réalisme ou pour économiser des ressources système, Ghost Recon Wildlands manque clairement de panache. Cela est renforcé par un sound design inégal où la chose qui faisait le plus de bruit dans la bêta était les oiseaux. Même les véhicules sont d’un ennui profond en plus d’être assez désagréables à piloter. Et quand on sait qu’on va en avoir besoin pour parcourir la vaste carte de Bolivie… à titre de comparaison, Metal Gear Solid V faisait bien mieux dans ce domaine (y compris pour les armes). Heureusement, il y a des checkpoints pour se téléporter.
L’intelligence artificielle, vendue comme très efficace et adaptative, s’est aussi montrée décevante pour un jeu qui se veut “réaliste”. On retrouve toujours le soldat typique qui surveille un coin de mur sans bouger, ou le groupe de mercenaires effectuant des rondes sans le moindre sens (en se disant bonjour toutes les deux secondes aussi, tels des poissons dans leur bocal). Ce n’est pas avec Wildlands que nous aurons enfin une IA digne de ce nom. Mais malgré de nombreux déchets, elle peut se montrer redoutable en pleine action et impose tout de même un minimum de subtilité. En somme, elle est bien plus efficace sous un feu nourri que sous les tirs silencieux, une raison supplémentaire pour rester discret.
Le mal des montagnes
Enième chose promise par Ubisoft : l’absence de downgrade graphique. Après plusieurs recherches sur le web, il semble que cette bêta proposait un rendu très proche des dernières vidéos, pour peu que l’on possède un PC tournant au plutonium. Car sur Xbox One, les choses sont bien plus inquiétantes. Visuellement, on était très loin de l’extase proposée par les premiers trailers et ce n’est pas une première sur consoles. Comme d’habitude, la Xbox One arrive en bonne dernière sur l’échelle du rendu technique. La distance d’affichage était ridicule avec un clipping prononcé et des objets en faible résolution à quelque mètres seulement. Et encore une fois, les différences entre les versions Xbox et Playstation sautent aux yeux. La console de Microsoft est capable de bien mieux et on le sait très bien, ce n’est clairement pas un souci de hardware mais d’optimisation. Au delà de ça, on trouve de nombreux détails dans les décors et on sent que les artistes ont bien bossés. C’est plutôt joli, les effets météorologiques sont convaincants et le panorama se prête régulièrement à la contemplation. Dans les bâtiments en revanche, c’est la tristesse à tous les étages, syndrôme open world oblige.
Par contre, là où tous les supports seront d’accord, c’est sur la pauvreté des animations et de la physique. Le réalisme prend un sacré coup de pied dans les roubignoles dans ce domaine avec Wildlands. Les animations des personnages sont ratées et ne profitent pas des nombreux problèmes de collisions, on se retrouve donc souvent à pester en se mettant à couvert (un mouvement qui pour le coup est devenu automatique) ou en s’allongeant, car parfois notre personnage se relève tout seul sans aucune raison apparente. Et pour la physique c’est simple, elle semble inexistante. Que ce soit à pied ou en véhicule, tout sonne faux, creux, sans relief. Pour l’immersion, on repassera.
Les copains d’abord
Avec cette ambition de créer un monde ouvert immense, Ubisoft semble avoir oublié certains éléments importants de la série Ghost Recon. Le réalisme et l’intelligence artificielle ont beaucoup de mal à convaincre, deux choses qu’il sera difficile de corriger dans le mois à venir. Si vous êtes un fervent amateur de la franchise, que vous aimez jouer en solo avec la sensation de diriger une escouade de soldats surentraînés dans des situations réalistes, il y a peu de chances pour que Ghost Recon Wildlands vous convienne. Non, ce dernier épisode s’adresse plutôt aux amateurs de jeux funs en coopération, qui passeront leur temps à expérimenter des trucs farfelus et à tester leur dernière arme sur les vaches du coin. L’approche subtile n’est toutefois pas absente et devrait proposer de bons moments en coopération (un peu moins en solo, la faute à une IA alliée pas terrible). Reste maintenant à voir si les différentes missions et activités parviendront à apporter de la fraîcheur à chaque heure de jeu.
Note : tout comme For Honor et les derniers jeux Ubisoft, il y a très peu de chances pour que Ghost Recon Wildlands soit envoyé à la presse avant la date de sortie.