Test - Rugby 22 - Les fans de l’ovalie en dépression

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Depuis son annonce officielle, nous étions curieux d’en découdre avec Rugby 22, développé par Eko Software et édité par Nacon. Bien que le dernier opus sorti en 2020 ne fut pas très glorieux, nous étions optimistes sur les progrès du studio pour nous offrir une simulation de rugby à XV a minima de bonne facture. La sortie en toute discrétion du jeu le 27 janvier 2022, accompagnée d’une communication au rabais les semaines précédentes, nous avait fortement inquiétés sur les qualités de Rugby 22. Après de nombreuses heures de jeu, nos craintes étaient fondées, la version 2022 du seul jeu de rugby présent sur le marché n’est malheureusement pas à la hauteur.

Un gameplay plein de promesses…

Sur le papier, la proposition semble pourtant alléchante. On nous promet une expérience de rugby authentique faite pour les fans de ce sport passionnant. D’entrée, nous sommes invités à effectuer le tutoriel afin d’apprendre les bases du gameplay : passes, plaquages, rucks, mêlées, mauls, alignements en touche. Ce sont beaucoup d’informations à enregistrer pour tout novice de la franchise. Le gameplay de Rugby 22 est complexe et s’adresse avant tout aux fans de ce sport. Les nombreuses phases de jeu différentes qui composent le jeu de rugby et la volonté de proposer un gameplay lorgnant vers la simulation exigent un gros investissement en temps pour obtenir une certaine fluidité naturelle dans notre style de jeu.

Un échec en prévision

D’autant plus que tout n’est pas expliqué dans le tutoriel, comme par exemple les différents coups de pied (drop, chandelle à suivre, coup de pied de dégagement ou rasant), omniprésents lors d’un match de rugby. On finit par découvrir leur fonctionnement via les astuces pendant les chargements car même le mode Entraînement les a en grande partie oubliés. Seul l’apprentissage des subtilités du coup de pied placé (pénalités et transformations) se retrouve dans ce dernier mode et nous vous conseillons vivement de passer par ce guide si vous ne souhaitez pas être frustrés de rater tous vos tirs excentrés par rapport aux poteaux.

La tactique du gendarme

Le mode Entraînement devient d’ailleurs incontournable si vous souhaitez découvrir la profondeur du gameplay proposé par Eko. En effet, le rugby est un sport où les attaquants ont le temps de mettre en place des combinaisons offensives suite à des phases de fixation de la défense lors des rucks ou des mêlées. Il est ainsi possible pour chacune de ces deux phases de choisir des combinaisons tactiques accessibles via la croix directionnelle. Dans la gestion d’équipe, nous pouvons également modifier la position générale de toutes les lignes offensives et défensives. Les fans de tableau noir ont de quoi s’amuser pour répondre à toute situation sur le terrain.

Une fois la grosse phase d’apprentissage digérée, nous comprenons aisément que la passion du rugby résonne chez Eko Software. Un certain flow s’installe dans notre gameplay et nous faisons corps avec notre équipe. Surtout, l’essence même du jeu de rugby est respectée avec ses différents tempos et ses fulgurances, et nous prenons du plaisir à jouer et varier les tactiques. Néanmoins, tout se gâte rapidement dès que nous haussons les niveaux de difficulté.

... gâché par une technique désastreuse

L’IA alliée ne vous aidera jamais

Après avoir roulé sur le niveau Amateur, nous testons les autres niveaux de difficulté :Semi-pro, Pro et Légende. L’IA qui était plutôt en mode passif commence à être de plus en plus proactive. Dès lors, les grosses faiblesses du gameplay commencent à se faire sentir. Si offensivement, le jeu tient la route, défensivement, c’est une autre histoire. La principale raison du fiasco est dûe à la gestion très approximative des collisions entre les joueurs au moment des plaquages. Avec les défenseurs qui rebondissent sur le corps de l’attaquant ou qui courent bêtement à côté sans intervenir, les effets de “téléportation” au moment de certaines animations, un lag perceptible entre l’input pour tenter un plaquage et la réaction de son défenseur, voire un input non pris en considération, il devient quasiment impossible de défendre correctement. D’autant plus que l’IA dans les niveaux de difficulté élevés (ou un joueur averti) profite allègrement des feintes de corps à disposition des attaquants.

Il faut tapoter rapidement pour faire avancer le maul

Autre souci de gameplay majeur mais uniquement en solo, L’IA dans les hauts niveaux de difficulté a tendance à exécuter des actions “surhumaines”. Ce défaut se constate principalement lors des coups de pied de dégagement et lors des phases de ruck. Alors que nous devons appuyer longuement sur le bouton pour donner de la puissance à nos coups de pied, les frappes de l’IA sont quasi instantanées et d’une longueur épatante. Le même sentiment de triche se ressent sur les rucks. Nous avons l’impression qu’il faut enchaîner les combos de touches à une vitesse étonnante pour espérer rivaliser. Ainsi, pour profiter du jeu solo au maximum, il faut espérer atteindre un niveau de jeu qui correspond parfaitement à un niveau précis de difficulté de l’IA, pour éviter de survoler les débats et s’ennuyer ou d’être frustré par les temps de réaction abusés des adversaires.

Les différences de gabarit des joueurs sont respectées

Vient le moment de s’attarder sur la réalisation globale du titre. C’est simple, Rugby 22 est un titre à la technique et aux graphismes datés de deux voire trois générations. C’est très osé de proposer sur cette nouvelle génération de consoles un titre à ce niveau de finition au prix fort (50 euros). Beaucoup d’éléments du jeu sont d’une extrême pauvreté : les textures, la physique, les animations, la mise en scène, le sound design. Même la charte graphique des menus fait jeu mobile ! Ce ne sont pas la modélisation correcte des visages de certains joueurs, la caméra éloignée cachant la misère (efficace) ou les commentaires d’Éric Bayle, la célèbre voix du rugby sur Canal+, assisté de Thomas Lombard, qui sauvent le titre du naufrage sur ces aspects. Nous ne doutons pas de la difficulté de développer un jeu de sport aujourd’hui et nous ressentons sincèrement la volonté de bien retranscrire l’esprit du jeu de rugby mais ce n’est plus possible de se contenter d’une telle proposition, surtout après trois opus et 6 années de développement et d’expérience accumulée sur ce type de jeu.

La seule licence valable est la IV, pour oublier ce cauchemar

Certaines modélisations des visages font le job

Pour ceux qui auront survécu à l’épreuve du terrain et qui sont prêts à offrir du temps au titre, un effort a été fait dans l’acquisition des licences avec la présence de plus d’une cinquantaine d’équipes officielles. Pour les amateurs du rugby français, le Top 14 et la Pro D2 sont de la partie. Autre championnat majeur du rugby européen, l’United Rugby Championship (URC) nous fera voyager entre les formations de l’ancienne Ligue Celtique (Irlande, Ecosse, Pays de Galles), les clubs italiens et … 4 franchises d’Afrique du Sud. La déception provient de l’absence des coupes européennes et de la licence officielle du second plus grand championnat européen, le Premiership Rugby (championnat anglais). Il est toutefois possible de participer à cette compétition sans les tenues et noms officiels.

Cherchez l’intrus...

Concernant les équipes nationales sous licence, là encore les bonnes nouvelles côtoient les mauvaises. Si les All Blacks (Nouvelle-Zélande) et les Wallabies (Australie) rejoignent, entre autres, l’équipe de France, l’Irlande, l’Ecosse et le Pays de Galles, nous regrettons toujours l’absence des kits authentiques du XV de la Rose (Angleterre), des Springboks d’Afrique du Sud et des Pumas argentins, parmi les nations phares de ce sport. Pour profiter des équipes nationales, nous avons la possibilité de jouer un match simple et uniquement le Trophée des Nations, un tournoi imaginaire de type Coupe du Monde. Même sans licence, nous aurions aimé pouvoir participer à des compétitions imitant par exemple le Tournoi des VI Nations.

Des quiz vous rapportent de la monnaie du jeu

Notre cœur de jaunard nous a poussés à tenter de remporter le troisième bouclier de Brennus pour l’ASM Clermont Auvergne. Nous étions curieux de découvrir la qualité de la mise en scène et l’immersion que pouvait procurer un championnat sous licence. Une fois sur le terrain, l’illusion de se croire devant une retransmission de Canal+ ne fonctionne que quelques minutes, le temps d’apprécier les couleurs des maillots authentiques et les commentaires de la voix mythique d’Eric Bayle. Comme dans quasiment tous les jeux de sport, encore plus avec un budget limité, les mêmes commentaires finissent rapidement par tourner en boucle et nous lasser. L’ambiance du public quant à elle reste correcte, même si parfois des bugs sonores coupent le son. Nous apprécions globalement la retranscription de l’ambiance particulière et champêtre des matchs de rugby.

La récompense des efforts d’une saison !

Néanmoins, aucune plus-value particulière sur la forme n’est vraiment apportée par l’exploitation des licences. Ne vous attendez à aucun sponsor officiel des ligues le long des barrières, ni à l’affichage fidèle des scores ou des replays des retransmissions télévisées. Nous sommes à des années-lumière de la qualité des mises en scène de NBA 2K ou FIFA. Pire, il nous est arrivé d’effectuer des matchs dans un stade digne d’une bourgade en pleine campagne. Le summum du ridicule est gardé pour la toute fin de la compétition. Après avoir remporté la finale du championnat, nous nous attendions à une petite cinématique pour la remise du trophée, nous voulions profiter le plus possible du sentiment d’accomplissement d’avoir gagné ce bouclier de Brennus après de nombreuses heures de jeu. C’était sans compter sur le talent de climatisation du studio. Pour calmer nos ardeurs, nous avons eu droit à l’affichage d’un simple pop-up… Décidément, nous ne comprendrons jamais comment de nombreux studios travaillant sur des simulations sportives oublient l’importance de l’immersion pour tous les fans de sport, encore plus quand le fondement du jeu n’est pas irréprochable.

Une future équipe d’élite

Reste à dire quelques mots sur le multijoueur et le mode Carrière. Le premier ne permet uniquement que les matchs uniques en local ou en ligne. Rugby 22 est donc majoritairement une expérience solo. Concernant la Carrière, le but est de faire progresser une équipe de division 3 créée de toutes pièces vers le sommet de la ligue française, heu le Championnat de Gaule - Elite ! Pour cela, nous allons devoir constituer notre équipe avec différentes cartes obtenues ou achetées via les SP, crédits que l’on obtient en jouant dans tous les modes de Rugby 22.

Nevers ou Ulster ? Choix cornélien

Tout au long d’une saison et en dehors des matchs liés à la division, nous devons choisir de participer à des entraînements ou des matchs amicaux parmi plusieurs au choix qui rapportent des gains plus ou moins importants de R, une autre monnaie du jeu, selon leur difficulté. Cette seconde monnaie permet d’améliorer son staff et d’investir dans des actions telles que soigner une blessure, récupérer toute l’endurance ou améliorer une compétence d’un joueur. Enfin, l’investissement dans des recruteurs permet d’avoir accès à des cartes de joueurs de plus grand talent. Ce mode carrière ne révolutionne rien et emprunte des idées qui ont fait leurs preuves dans d’autres jeux de sport. Il s’avère néanmoins efficace pour consommer différemment sa passion du rugby.

Testé sur Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • Le gameplay qui respecte l’essence du jeu de rugby
  • Le “flow” en phase offensive une fois le gameplay maîtrisé
  • L’apport des combinaisons tactiques
  • Plus de 50 équipes officielles dont celles du Top 14
On n’a pas aimé :
  • Les bugs de collision et autres défauts qui ruinent la défense
  • La technique et les graphismes d’un autre âge
  • Des licences sous-exploitées
  • Un apprentissage difficile pour les non avertis
  • Une IA douteuse
  • Un multijoueur limité aux matchs uniques
Requiescat in pace

Nous ne voulons pas accabler le studio, nous ne doutons pas que l’équipe travaille durement, essaie de faire de son mieux et dispose de ressources probablement très limitées. Nous ressentons leur respect du rugby, principalement dans la volonté de retranscrire l’essence même de ce jeu complexe et passionnant. Mais après 3 tentatives très décevantes, nous perdons espoir et confiance. Ce n’est plus possible en 2022 de publier des simulations sportives en retard de plusieurs générations techniquement et graphiquement. Tous les efforts mis dans le développement d’un gameplay solide se brisent sur ces écueils. Si au moins la forme avait été soignée, les fans de rugby, à qui le titre s’adresse uniquement, auraient pu pardonner beaucoup de choses. Hélas, la mise en scène bâclée gâche complètement l’immersion et le potentiel inhérent à la présence de licences fortes. Comme ses grands frères, Rugby 22 ne reste finalement qu’un prototype de jeu de rugby, une version alpha vendue au prix fort que nous déconseillons en l’état, le cœur brisé.

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Rugby 22

Genre : Sport

Éditeur : Nacon

Développeur : Eko Software

Date de sortie : Janvier 2022

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, PC Windows