Disponible depuis le 22 octobre, le troisième épisode de la saga horrifique de Supermassive Games, intitulé House of Ashes, est aussi attendu que redouté. Difficile en effet de passer après deux premiers volets, Man of Medan (2019) et Little Hope (2020), qui ont déçu critiques et joueurs. Afin de renouer avec le succès d’Until Dawn (2015), l’équipe anglaise fait le pari osé de placer l’action de son récit interactif en Irak, lors du renversement du régime de Saddam Hussein par les troupes américaines. Le lancement du titre intervient quatre jours seulement après le décès de Colin Powell (IRL), secrétaire d’État sous l’administration Bush, qui avait justifié cette intervention par la prétendue présence d’armes de destruction massive. Quand la fiction coïncide avec la réalité la plus actuelle...
- Tout commence par une opération dans les Monts Zagros.
“L’ennemi de mon ennemi est mon ami”
L’histoire de House of Ashes est inspirée de faits réels. Néanmoins, le scénario présenté dans cette partie du test n’a en aucun cas vocation à se substituer à la réalité historique.
En 2003, peu de temps après le début du conflit et alors que l’armée irakienne est en pleine déroute, Washington envoie des agents de la CIA sur le terrain. Appuyés par des Marines, ils doivent au plus vite mettre la main sur les fameuses armes qui y seraient dissimulées.
Après une introduction dont nous vous laissons la surprise, nous incarnons tour à tour cinq personnages : quatre soldats américains et... un soldat irakien. Une fois sur le site d’investigation, ils se retrouvent au cœur d’une fusillade lorsque la terre s’ouvre soudainement sous leurs pieds. Piégés dans un réseau souterrain, sans possibilité de remonter à la surface, ils vont rapidement devoir apprendre à compter les uns sur les autres pour survivre au mal qui s’y cache. Voici en quelques mots, le point de départ de l’intrigue de House of Ashes.
Inutile d’en dire plus tant l’intérêt du jeu réside principalement dans la résolution du mystère qui entoure le récit. Celui-ci nous est principalement conté à travers des dialogues, des écrits disséminés tout au long du jeu ainsi que de nombreux flashbacks...et flashforwards meurtriers.
Tout comme Until Dawn, ce nouvel épisode de la saga The Dark Pictures Anthology réussit un sacré travail d’équilibriste en parvenant à marier de très diverses références au cinéma horrifique et fantastique : Nosferatu le Vampire (1922), L’Exorciste (1973), Alien, le huitième passager (1979), The Descent (2005), Sans un bruit (2018) et tant d’autres ! Le cocktail est bien dosé, parfois surprenant mais souvent réussi !
Bien que l’aventure soit courte (environ six heures), une écriture de qualité permet de donner du volume aux personnages et donc de s’attacher à eux. De quoi nous fendre un peu plus le cœur lorsque l’un d’entre eux passe l’arme à gauche…
- L’administration Bush en prend pour son grade.
À plusieurs reprises, les développeurs font le choix d’humaniser le conflit et donc de fracturer une vision binaire et manichéenne du Bien contre le Mal. Supermassive Games fait preuve d’un esprit critique certain qui, bien qu’il manque parfois de finesse, fait plaisir à voir dans un jeu vidéo “militaire”. Pour ce faire, le studio n’hésite pas à intégrer de nombreux faits réels (jeu de cartes des décideurs irakiens les plus recherchés, article de journaux sur le gouvernement Bush, utilisation d’armes au phosphore blanc et crimes de guerre).
Avec plus ou moins de réussite, l’humour pointe parfois le bout de son nez, notamment à travers les discussions entre soldats (“ça t’apprendra à faire chier un marine”). De quoi détendre l’atmosphère, ne serait que pour un moment...
“Ce tombeau sera votre tombeau !”
Pour les nouveaux venus, Supermassive Games développe des survival-horror proches de la cinématique interactive, avec des situations qui s’adaptent à nos choix. L’objectif principal consiste à garder en vie un maximum de personnages, dont nous avons le contrôle, en proie à une menace surnaturelle. Leur survie dépend principalement de notre capacité à faire le bon choix au bon moment, principalement via l’intégration de Quick Time Event (appuyer sur une touche donnée dans un délai imparti), démocratisés par le mythique Shenmue (2000).
Avant de débuter l’aventure, trois niveaux de difficulté nous sont proposés : clémente, difficile et mortelle. Nous avons choisi la seconde afin d’augmenter significativement la dose de stress (moins de temps pour réagir, etc.).
- Profitons, une dernière fois, de la lumière du jour...
Comme ses aînés, House of Ashes parvient très rapidement à insuffler une véritable angoisse et une peur d’assister à la mort, parfois cruelle, de l’un des protagonistes. Cette impression est décuplée par la variété des menaces qui se terrent dans les profondeurs.
Alors que la plupart des jeux nous invitent à profiter sereinement des scènes cinématiques, le dernier épisode de The Dark Pictures Anthology maintient ce qui fait le sel de la saga en nous sollicitant lorsque l’on s’y attend le moins. Nous ne saurions que trop vous déconseiller de lâcher la manette…
Lorsque nous reprenons le contrôle de notre équipe, la liberté offerte reste réduite à peau de chagrin : des interactions bien trop limitées, des couloirs parfois vides et des personnages lents et lourds à manier. De quoi réduire l’intérêt que nous portons à l’exploration, même si le fait de fouiller notre environnement nous permet de mieux comprendre les événements et d’anticiper certains choix vitaux. La mise en surbrillance des éléments avec lesquels interagir, souvent dans des pièces qui baignent dans les ténèbres, laisse penser que l’équipe de développement est tout à fait consciente du manque d’intérêt de ces phases.
Cette succession de cinématiques interactives et de scènes d’exploration sans enjeu, participe à un rythme en dents de scie, et ce malgré une tension qui va crescendo et quelques fulgurances.
Le titre propose également un mode multijoueur en coopération locale ou en ligne. Pour une soirée entre amis ou en famille, le jeu nous invite à passer la manette de main en main à des moments précis. Concernant la coopération à distance, chaque participant va jouer tour à tour en prenant des décisions qui peuvent impacter l’autre joueur. Rappelons que le jeu n’est pas cross-plateforme.
La lumière au bout du tunnel
L’un des points forts des jeux Supermassive Games réside dans une excellente maîtrise de la capture de mouvements et plus spécifiquement dans la finesse des expressions faciales et des regards. Une fois de plus le travail accompli est impressionnant : il faut voir les mines tantôt complices, tantôt effrayées pour le croire ! Les personnages semblent plus humains que jamais.
- L’intensité des regards et des expressions est souvent bluffante.
L’autre succès indéniable de House of Ashes, c’est sa capacité à installer une atmosphère pesante en jouant avec les sources lumineuses telles qu’une flamme, une lampe torche ou un rayon de soleil provenant de la surface... À de nombreuses reprises, le titre dévoile des plans d’une rare beauté dans un jeu vidéo, bien aidé par son aspect ultra cinématographique.
Du côté des déceptions, on peut chipoter sur le manque d’hémoglobine. En dehors d’un des premiers plans d’introduction qui peut remuer certains estomacs, le studio britannique nous a habitués à avoir les coudées bien plus franches sur le gore, notamment dans Until Dawn. Cela devrait vite être rectifié l’année prochaine avec l’arrivée du dernier opus de la première saison, intitulé The Devil in Me, dont le trailer est présenté en fin de partie.
D’un point de vue technique, les retards d’affichage sont encore trop nombreux lors des séquences cinématiques et la caméra est bien trop proche de notre personnage dans les espaces les plus exigus. De quoi rendre difficile nos déplacements et notre capacité à nous repérer dans l’espace.
- Il faut entretenir la lueur d’espoir.
Enfin concernant la qualité sonore, il n’y a pas grand-chose à dire si ce n’est que le doublage français est très bon et s’adapte relativement bien à la synchronisation labiale de la VO. Le sound design sait lui se faire discret pour mieux nous surprendre et les compositions musicales participent à la montée en puissance de certaines scènes.
Une très jolie réussite artistique en soi !
Test réalisé sur Xbox Series X (optimisé)