Ah la nostalgie, qu’elle a bon dos. Elle justifie tellement de revivals que ça en devient presque gênant. Pour autant, le studio MDHR n’a pas choisi les années 80 comme tous ses petits copains. Non, pour sortir du lot, les deux compères ont choisi les bons vieux cartoons des années 30, ceux que l’on regardait en boucle tous les Noëls (même encore maintenant), lorsque les studios Fleischer se tiraient la bourre avec Disney, les Looney Toons et Tex Avery. Mais est-ce que l’enrobage et les bonnes intentions suffisent, telle est l’éternelle question.
Cup Killer
Cuphead et Mugman sont joueurs. Néanmoins, ils n’ont pas forcément de chance. C’est ce qui les amènera à prendre leur courage à deux mains pour partir délester de leur âme un grand nombre de boss afin de sauver la leur, perdue dans le casino du Diable. Oui, celui avec un D majuscule. Nul besoin d’un pitch plus solide, vous en conviendrez, pour justifier le périple des deux personnages qui tentent l’impossible pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur étant bien sûr la géniale direction artistique du titre et le pire, et bien, les nombreux cheveux que vous, joueur, vous arracherez durant vos multiples essais infructueux face à ces méchants vicieux au possible.
Cuphead n’est pas simplement beau. Le travail sur la direction artistique est énorme. Les traits des personnages, les arrière-plans, le choix des couleurs ainsi que les petits effets de pellicule usée par le temps se marient tous à merveille. Aucune faute de goût n’est à déplorer et ce jusque dans les moindres détails. Mais ce n’est pas que le fruit d’une inspiration aveugle de ses références, fort heureusement. Le titre dispose d’une vraie personnalité et le travail sur la DA permet des boss tous plus géniaux les uns que les autres. Qui plus est, ce ne sont pas les animations qui viennent ternir le tableau tant celles ci sont d’une finesse et d’une fluidité que l’on peut difficilement mettre en défaut. Le joueur se retrouve littéralement projeté dans un cartoon avec un sourire béat indélébile.
Ça cartoone
Pourtant, la joie laissera souvent la place pendant de longues minutes à la frustration. Cuphead est difficile, c’est indéniable. Cependant, il l’est rarement pour des errances de gameplay ou des mécaniques mal fichues. Il y a bien quelques hitbox un peu reloues sur certaines attaques ou projectiles mais rien de dommageable ni d’insurmontable. L’ensemble est solidement ficelé et comme pour Furi, la difficulté n’est que temporaire puisque le joueur est toujours capable d’apprendre de ses erreurs jusqu’à triompher et trouver une véritable satisfaction au bout du combat. Pour rester sur la comparaison, Furi m’a même semblé plus difficile avec des échanges bien plus longs. Ici, une fois les différentes phases des boss maîtrisées, on les dégomme en 2/3 minutes tout au plus. Pour ne pas vous décourager, lorsque vous mourez et recommencez le combat du début, le jeu vous indique dans quelle phase du combat vous étiez et ce qu’il vous restait comme progression à parcourir pour en venir à bout. Il faut avouer que des fois ça peut être plus décourageant qu’autre chose, mais tenez bon !
Les contrôles sont plutôt basiques ce qui laisse la place à des joutes vraiment ingénieuses regorgeant de bonnes idées qui ne manquent pas d’originalité. Rares sont les boss qui déçoivent, ne serait-ce qu’un peu, dans leurs différents patterns d’attaque. Dans ces conditions, il coule de source qu’il ne fallait pas embrouiller le joueur avec trop d’actions complexes et inutiles. On dispose donc d’une touche de tir, une touche pour un super, un saut et une esquive. Le super se charge au fur et à mesure des dégâts infligés en 5 barres qu’il est possible de consommer une à une ou en déclenchant un ultra une fois la jauge maximale remplie. En bonus, on peut switcher entre deux armes différentes et verrouiller la direction de son tir en tenant une position. Pour les grincheux qui trouvent que le mapping des touches n’est pas optimal, qu’ils passent dans les options pour rectifier tout cela. Quoi qu’il en soit, Cuphead et son comparse réagissent au quart de tour et la physique du personnage, tout en souplesse, est un vrai régal. Si vous mourez à répétition, ce sera pleinement de votre faute et nul besoin de vous trouver des excuses à la con. Deal with it.
Le jeu propose différents items dont on s’équipe pour se faciliter la vie ou mieux adapter son style de jeu en fonction des boss. Ainsi, plusieurs armes sont à disposition avec leur propre super, différents ultras se débloquent aussi et enfin, il est possible d’équiper des compétences comme une esquive qui évite les dégâts un court instant, des HP supplémentaires (mais avec des attaques moins puissantes) et quelques autres capacités bien pratiques. À vous de trouver votre combinaison gagnante.
La cup est pleine
Si les boss avec des possibilités d’actions comme décrites précédemment constituent la majeure partie des combats, le jeu propose aussi deux autres types de gameplay pour varier l’aventure. Le premier prend la forme d’un shoot’em up où l’on dirige notre personnage dans un avion. Là encore, la folie créatrice des développeurs fait son œuvre et ces niveaux ne déçoivent pas même si les projectiles se confondent plus facilement dans les décors du premier ou second plan, constituant un vrai souci de lisibilité à relever. La seconde variation est celle des niveaux de type run&gun à la Contra ou Metal Slug qui laissent la place à quelques passages de plateforme. Ceux-ci ne sont pas nombreux et on peut regretter un peu des ennemis qui manquent de génie et de la plateforme un peu basique. Toutefois, cela permet de s’aérer un peu l’esprit en découvrant de nouveaux environnements et de se reposer avant de se remettre aux choses sérieuses.
Difficile d’évaluer la durée de vie du titre puisque cela dépendra grandement de vos skills. Une petite dizaine d’heures me fut nécessaire, soit un peu moins que Furi qui proposait pourtant moins d’affrontements. En coop, cela peut être beaucoup moins mais si cela peut sembler de prime abord une bonne idée pour se simplifier la vie, on perd beaucoup en lisibilité de l’action et on se retrouve à se faire toucher par des projectiles ennemis perdus parmi ceux de notre allié. Et ce n’est pas de la mauvaise foi que de dire que l’on est mort à cause de l’autre, non, pas du tout. Par ailleurs, il est possible de jouer le scoring au chrono ainsi que sur plusieurs autres critères. C’est là que le jeu se révèle très dur car obtenir la note maximale partout risque de prendre beaucoup de temps. Ne comptez pas sur le mode facile pour essayer de finir le jeu une première fois à la cool avant de vous remonter les manches, il n’est pas possible de progresser sans faire les combats en mode normal. L’oeuvre du Diable, assurément ! Enfin, les plus acharnés pourront essayer de trouver les quelques secrets cachés dans le jeu. On souhaite bon courage à ceux qui voudront les 1000G.
Esthétiquement, on l’a déjà dit et on le répète, Cuphead est une grande réussite. Dans son gameplay et l’efficacité de ses boss, là aussi on frôle le plaisir divin. Pour enfoncer le clou dans vos cœurs de nostalgiques d’une époque que vous n’avez pas vécue, l’OST vous remuera jusqu’aux tréfonds de votre âme. Du piano dansant, de la contre-basse groovy à souhait, des cuivres bien claquants et des rythmiques endiablées, ... Tout l’esprit du jazz et du swing des années 30 viendra vous soulever de votre fauteuil pour danser jusqu’à épuisement. Pour récupérer entre temps, des morceaux plus paisibles vous donneront envie de vous poser dans votre fauteuil club avec un bon whisky et une clope dans votre plus beau costume à rayures. On n’est pas bien, là ?