Aujourd’hui on va s’attaquer au cas très intéressant et sulfureux de Mighty No. 9. En regardant quelques captures d’écran d’un coup d’œil négligeant vous allez sûrement vous demander pourquoi ce petit jeu peut engendrer une grosse polémique dans le microcosme des amateurs avertis de jeux vidéo. Bonne remarque. Et bien tout simplement car il s’agit du dernier jeu de Keiji Inafune, personnage controversé du monde du jeu vidéo présenté comme le papa de Megaman par certains ou un simple imposteur pour d’autres. Quoi qu’il en soit le personnage a réussi en 2013, en surfant sur la vague de nostalgie suscitée par la mythique série de Capcom, à lever 4 millions de dollars pour le Kickstarter de Mighty No. 9. Et c’est là que les ennuis commencent. Après moult reports et trois ans de gestation Mighty No. 9 traine la lourde responsabilité de justifier son budget et la confiance accordée par les fans de Megaman. Un héritage et des espoirs bien trop lourds à porter pour ce pauvre petit Mighty No. 9…
Mighty No. 9 sans Megaman
Si on prend Mighty No. 9 pour ce qu’il est, en dehors de sa genèse et des espoirs des fans de Megaman on découvre un petit jeu sympathique au charme suranné. Quand je parle de charme suranné c’est tout autant au niveau de son gameplay que de sa réalisation. Dès les premières minutes de jeu on a l’impression d’avoir effectué un saut dans le temps et de se retrouver devant une Dremacast de la belle époque. Les menus, la musique, les effets sonores et, avouons-le, les graphismes, font directement référence à cette époque bénie du dieu SEGA. Sauf que l’on est en 2016 aujourd’hui et que passé le côté nostalgie il faut avouer que le jeu peut vraiment décevoir avec ses textures simplistes, ses décors coupés à la serpe, ses explosions nintendo64-esque et son aliasing omniprésent. Les ayatollahs de la technique crieront à l’infamie, les autres, plus conciliants, trouveront ce petit côté rétro non dénué de charme et vanteront les mérites d’une animation plutôt jolie et d’un design général tout à fait correct.
On va passer rapidement sur l’intrigue du jeu à base de révolte de robots tout à fait anecdotique où seul l’androide Mighty No.9 nommé Beck semble insensible à la folie qui les touche. Lui seul pourra redonner aux autres robots de la série Mighty leurs esprits afin de découvrir qui est à l’origine de cette folie. Voilà pour l’histoire qui avouons-le est racontée assez chichement à l’aide de petites scénettes pas très jolies où les protagonistes figés s’échangeront quelques amabilités sans bouger les lèvres. A noter toutefois que le jeu est entièrement doublé en français et que ce doublage est lui, par contre, particulièrement soigné. On est loin des cours Florent mais comparé à ce que l’on subit généralement en doublage c’est largement au-dessus de la moyenne. Les musiques sont tout particulièrement réussies surtout si on les passe en mode 8 bits pour apprécier de la chiptune de haute volée.
Côté jeu, ne cherchons pas bien loin, on a là un Megaman pur souche dans la forme, à savoir un petit robot armé d’un canon laser dans son bras droit et qui ne peut pas se baisser. La petite nouveauté, bien plaisante est la présence d’un dash qui permet une fois l’adversaire affaibli de l’absorber et de récupérer suivant la couleur quelques bonus temporaires comme un surplus de vitesse, de puissance, de défense et de vie. Au final, ce gameplay se révèle particulièrement agréable et propice au scoring et autre time attack. Le jeu particulièrement ardu et nécessitant un bon apprentissage de chaque niveau est un véritable régal pour les pros du pad. On retrouve avec plaisir la progression non linéaire chère aux Megaman à savoir que chaque Mighty peut être rencontré dans l’ordre de notre choix. A chaque fois que l’on arrive à en vaincre un, on obtient la capacité d’utiliser sa capacité spéciale facilitant la traversée de certains niveaux et même le combat contre d’autres Mighty. Le jeu bien que court malgré ses douze niveaux (comptez à peu près six heures pour un premier run) invite le joueur à progresser et obtenir la note ultime dans chaque niveau. Outre les trois niveaux de difficulté proposés, le jeu dispose d’un nombre de succès très important et d’un mode EX comportant un grand nombre de défis. Finir Mighty No.9 à 100% sera loin d’être une partie de plaisir…
On pourrait finir le test sur ce tableau presque idyllique, mais on ne peut faire abstraction de son héritage et de sa genèse.
Mighty No.9 avec Megaman
4 Millions de dollars. Voilà ce qu’a récolté Inafune sur le dos des fans de Megaman pour concevoir Migthy No.9, un sacré pactole que bon nombre de Kickstarter rêverait d’accumuler. Penser à cette somme et contempler le résultat final fait mal cœur. On se demande bien où a pu partir cet argent quand on voit les graphismes désuets, le level design peu inspiré et l’enrobage juste passable du jeu. Techniquement, Mighty No.9 est pauvre, loin du minimum que l’on pouvait raisonnablement attendre. C’est à n’y rien comprendre ou avoir le sentiment pour les backers de s’être fait méchamment avoir par Inafune.
Surtout que pour une suite spirituelle de Megaman, Mighty No.9 assure juste le minimum syndical allant même jusqu’à reprendre des idées et des niveaux issus des meilleurs volets de la saga sans jamais en atteindre leur richesse et leur charisme. Les fans de Megaman qui attendaient ce jeu comme le fils spirituel de leur série culte seront frustrés et déçus, loin des attentes qu’avaient suscitées une campagne de levée de fond couronnée de succès et explosant le plafond demandé à l’origine. A ce stade, Mighty No.9 est juste un mauvais Megaman, très loin de tutoyer les opus NES et les trois premiers de la série des X. Une sorte de camouflet pour tout ceux qui espéraient beaucoup de ce Mighty No.9 et qui leur laisse en bouche un goût bien amer…