Blood Bowl, c’est un peu l’histoire de la main de velours qui se cache dans un gant de fer rouillé éclaboussé de sang, avec des bouts de cervelle encore collés dessus. Sous ses aspects de bourrinage sportif et son habillage warhammerien, il s’agit pourtant d’un jeu de stratégie pur jus, bien plus proche d’une partie d’échecs que d’un match de John Madden. Oh, rassurez-vous : orques, elfes et nains vont bel et bien s’écharper sous vos yeux pour marquer des touchdowns. Il y aura du sang, il y aura des morts, il y aura de la triche... mais il vous faudra néanmoins planifier soigneusement le moindre de vos mouvements (et grassement soudoyer l’arbitre) si vous avez l’ambition d’atteindre la finale. Affûtez vos crampons : il est grand temps d’aller piétiner vos adversaires.
Tactical Bourrinage 2.0
Blood Bowl 2 fait suite à Blood Bowl (sorti sur PC, Xbox 360, DS et PSP en 2009, mais aussi sur tablettes en 2014), mais c’est avant tout une adaptation d’un jeu de plateau de chez Games Workshop (Space Hulk) qui existe depuis les années 80. Il s’agit d’un jeu de stratégie tour par tour qui vous place dans la peau d’un coach de Blood Bowl, le football américain version Warhammer. Le principe de ce sport, qui voit s’affronter toutes les races du Vieux Monde, c’est de porter une vessie de porc dans la zone d’en-but de l’équipe adverse afin de marquer un point. Évidemment, l’équipe adverse ne se contente pas de vous regarder faire et s’emploie à vous barrer la route, vous chiper le ballon, ou (si possible) vous tuer. Votre équipe est composée de trois quarts, de lanceurs, de receveurs (ou d’autres postes inhérents à chaque race) qui ont chacun des caractéristiques et des compétences qui leur sont propres. Chaque race possède ses propres forces et faiblesses et certaines sont plus simples à jouer que d’autres. Les nains sont costauds, mais ne courent pas très vite et sont nuls au jeu de passe, là où les skavens (hommes-rats) sont incroyablement agiles... et incroyablement fragiles. Au total, 8 races sont disponibles dans le jeu pour constituer vos équipes, ce qui vous permettra de vous faire la main en attendant les inévitables DLC qui viendront étoffer ce choix. On y reviendra.
L’impitoyable dé à 6 faces
Une fois l’équipe constituée, l’apothicaire recruté et les cheerleaders castées, il est temps de se lancer dans le grand bain d’hémoglobine. Un match de Blood Bowl se divise en deux mi-temps de 8 tours chacune. À votre tour, vous pouvez exécuter une action pour chacun de vos 11 joueurs (se déplacer, frapper un adversaire, lancer le ballon...) afin de faire progresser la balle vers la zone d’en-but de l’adversaire ou de défendre votre camp. Chaque action est résolue par un lancer de dé, qui sera modifié par des bonus ou des malus en fonction des compétences de vos joueurs et de leur position sur le terrain. Mais attention, à la première erreur (si un joueur rate un lancer de dé), la main passe à l’adversaire qui attaque aussitôt son tour de jeu. Cela signifie qu’il faut planifier son tour autant que possible et effectuer les actions les plus simples en premier avant de s’attaquer aux choses plus risquées. Rien n’est plus rageant en effet que de devoir passer son tour à la première action parce qu’un joueur n’a pas été fichu de ramasser un ballon par terre (ne rigolez pas, ça vous arrivera). Le jeu est donc extrêmement tactique dans le sens où chaque déplacement, chaque coup d’épaule doit être réfléchi avant d’être tenté, et ce dans les 4 minutes allouées par la console pour boucler son tour. Le jeu est souvent cruel : un coup de malchance au dé et votre ogre superstar peut être mis au sol (voire tué) par un elfe lambda. Blood Bowl est avant tout un jeu de plateau, ne l’oublions pas. Soyons honnêtes, cette injustice du dé sera surtout ressentie dans les premières heures de jeu, quand les personnages sont encore des sportifs amateurs. Plus vos joueurs survivront aux matches, plus ils gagneront de l’expérience et pourront obtenir de nouvelles compétences. Les primes de matches viendront également vous permettre de booster l’équipe en achetant des équipements supplémentaires. Des baffes plus sauvages, des passes plus assurées et des relances de dés viendront peu à peu renforcer vos joueurs et faire en sorte que l’impitoyable dé à six faces puisse être pondéré dans les cas les plus extrêmes. Vous aurez alors tout loisir d’affiner vos tactiques et de créer vos propres stratégies de mises en place en fonction de l’adversaire qui vous fait face. Blood Bowl fait partie de ces jeux qui proposent une marge de progression assez incroyable pour peu que l’on survive aux premières heures... et aux premiers heurts. Quand votre équipe aura assez de victoires (ou de suicidaires) pour tenter l’aventure, elle pourra alors se risquer à intégrer des ligues, des coupes et des championnats, tant online qu’offline. Morituri te salutant.
Le même en mieux ?
Après ce tour d’horizon du dur métier de coach, venons-en à la grande question ludicophilosophique : « Pourquoi BloodBowl 2 ? » Qu’apporte-t-il de nouveau à une franchise qui est, par définition, tenue de respecter les règles de son modèle en carton ? La première chose que l’on sera ravi de constater, c’est que la refonte graphique est totale. Les joueurs, les animations, les terrains... tout est véritablement sublime et permet de savourer la moindre action de jeu. La caméra zoome systématiquement sur les combats, sur les chutes ou les touchdowns, et on jubile intérieurement de voir un joueur adverse s’écrouler lamentablement au sol après avoir manqué un jet d’esquive. Cela n’apporte rien au jeu, mais c’est toujours bon pour la motivation. L’interface a également été totalement repensée, ce qui n’a rien de superflu pour toute personne ayant joué à Blood Bowl 1. Les menus sont clairs, et les informations présentes en cours de match sont désormais lisibles et compréhensibles. On voit au premier coup d’oeil quelles sont les compétences du joueur que l’on cherche à bloquer, et cela permet d’adapter sa stratégie en conséquence pour augmenter les chances de tacle réussi. Bien vu de la part de Cyanide, car cela fluidifie véritablement le jeu. L’autre grosse nouveauté de Blood Bowl 2, c’est qu’il est désormais newbie friendly. Contrairement à son ancêtre, il n’est plus nécessaire d’avoir joué à la version « jeu de plateau » pour pleinement le savourer. Un mode campagne, tutoriel déguisé de plus de 20 heures de jeu, vous prend par la main et vous permet d’assimiler les points de règles les uns après les autres. C’est assez malin pour populariser ce jeu auprès du grand public, et il aurait été sans doute encore plus malin de proposer cette campagne en démo, afin d’attirer de nouveaux joueurs. La campagne est sympa, drôle et totalement scénarisée, et toujours commentée par Jim et Bob, les journalistes décalés du premier opus qui n’ont rien perdu de leur humour noir. Autre nouveauté, une race totalement inédite fait son apparition sur les stades. Il s’agit des bretonniens, des humains que l’on imaginerait volontiers assis autour d’une table ronde et de discuter de la quête du Graal. Cette race repose sur ses blitzers particulièrement efficaces et vaut la peine d’être jouée. Dernier point important à signaler, l’IA désastreuse de BB1 a été totalement revue afin d’offrir un challenge bien plus appréciable qu’auparavant. Finie cette époque où les nains tentaient des passes et où un gobelin chétif venait s’attaquer en solo à votre Troll surentraîné. Ouf. Pour autant, les bugs ne sont pas tous éradiqués, loin de là. L’IA a parfois tendance à sauter son tour, sans aucune raison particulière (et parfois plusieurs fois de suite), ou à vous faire attendre 3 minutes 45 avant de faire son premier mouvement. Cherche-t-elle à simuler un joueur humain qui est parti sans prévenir en pause pipi ? Il serait pourtant dommage de faire ces pauses en pleins matches, puisque les écrans de chargement vous laisseront tout loisir de vivre tranquillement votre vie entre deux rencontres. Parmi les détails incompréhensibles, la caméra est parfois difficile à gérer à la manette pour voir ce qui se passe dans le camp des adversaires, et s’il est possible de couper les commentaires audio, les sous-titres restent affichés quoiqu’il arrive. Certes, ce sont des choses facile à patcher, mais ça fait un peu tache.
Mercato sanglant
On l’aura compris, le sel de ce Blood Bowl 2 réside donc dans le jeu en ligne et dans l’affrontement de joueurs humains. Il faudra commencer par créer une équipe et l’inscrire dans une ligue, afin de rencontrer des adversaires dignes de ce nom. Les possibilités de personnalisation des équipes, mais aussi des coupes ou des championnats, sont toujours aussi nombreuses et c’est un vrai plaisir de pouvoir organiser une compétition perso avec ses potes. Comme dans tout jeu estampillé 2015, les serveurs ont un peu de mal au lancement, mais les choses rentrent doucement dans l’ordre, pour des parties bien agréables, pour peu qu’on arrive à éviter les ragequitters. L’une des ambitions de Blood Bowl 2, c’est d’autoriser les joueurs à se revendre entre eux des personnages qu’ils auront créés et entrainés pour leur permettre de financer l’achat de stars. Cette excellente idée de mercato permanent ne pourra toutefois aboutir que si le jeu parvient à trouver son public, ce qui est toujours compliqué sur console pour un jeu de stratégie. Le vrai point faible de ce Blood Bow 2 réside finalement en son manque de réelles nouveautés pour toute personne ayant déjà joué au 1 et qui zappera instinctivement un mode campagne qui n’a rien à lui apprendre. On aurait aimé des innovations allant au-delà du jeu de plateau, par exemple la possibilité de composer des équipes interraciales. Autre point noir qu’il est difficile d’esquiver, le roster de départ ne comporte donc que 8 races, e ton sait déjà que les DLC vont pulluler. Deux races sont déjà disponibles en DLC, pour la modique somme de 6,99 euros CHAQUE. Une honte, tout simplement. Les fanboys pourront toujours dire que BB1 ne comportait également que 8 races à son lancement, difficile toutefois de ne pas mentionner que la version finale du jeu (sur PC) comportait 23 races différentes. Pour les joueurs PC, la pilule est donc (encore plus) compliquée à avaler. Avec des équipes vendues à un tarif aussi violent, on aurait pu s’attendre à un free-to-play, mais il n’en est rien. Si Blood Bowl 2 termine lui aussi avec 23 races, il faudra débourser plus de 130 euros pour avoir le jeu complet. Ce sport est bien violent avec les porte-monnaies...