Une histoire à faire des galipettes dehors !
Reboot ne va pas forcément de pair avec tabula rasa. On n’essaye pas de balayer d’un revers de main tout ce qui a été fait dans le passé pour adapter le jeu aux attentes des joueurs et à l’air du temps. Crystals Dynamics nous fait donc découvrir une Lara fragile, pure, encore vierge de quelque forme de violence pour sa toute première aventure qui va faire d’elle celle que l’on connaît : une figure iconique, indestructible, déterminée, sans faille. La principale raison de ce reboot a été de donner corps à Lara. De lui donner un sens, une entité psychologique, la rendre accessible en la mettant dans une situation de faiblesse extrême puis suivre son évolution petit à petit. Ils ont voulu marquer son passage de l’enfant à la guerrière. L’intention était louable, intéressante et surtout pleine de promesses.
On retrouve donc Lara participant à l’expédition de la dernière chance d’un archéologue de télévision, Dr Withman, un égocentrique caricatural, qui arrive pourtant à obtenir le soutien économique et logistique de l’équipage du navire l’Endurance. Cet équipage composé de, Lara âgée de 21 ans, son amie d’enfance Sam dont l’oncle finance l’expédition, férue de cinéma et “camerawoman” de l’expédition, Roth le capitaine, un chasseur de trésor et ex-marine Pygmalion de Lara, Grim le baroudeur pilote du bateau, Reyes une ex flic mécano de l’équipe, et le colosse Jonah Maiava, cuisinier en chef du bateau. Cette petite équipe va partir à la recherche du tombeau d’une ancienne reine Japonaise, Himiko et de son royaume perdu Yamatai.
Tout le background des personnages et l’introduction du jeu ne sont disponibles que dans les éditions collector via une petite BD assez moche et entièrement en anglais. Comme beaucoup de jeux, Tomb Raider fait l’économie de la présentation des différents personnages de l’histoire et lance tout de suite Lara dans le grand bain. Et quel bain ! Le bateau est pris dans une terrible tempête qui le coupe littéralement en deux. La petite équipe se retrouve naufragée sur les côtes du Yamatai et poursuivis par une étrange secte se faisant appeler les Solarii. C’est sur ces bases que va se lancer l’incroyable épopée de Lara Croft.
Et incroyable n’est pas un vain mot utilisé ici pour faire sensation ou agrémenter un dossier de presse. Crystal Dynamics nous entraîne dans de véritables montagnes russes d’action qui vont vous clouer sur votre fauteuil à grands renforts de moments chocs (un peu), d’explosions (beaucoup) et de destruction de l’environnement (énormément). Le rythme de l’aventure est extraordinaire, un véritable tour de force ne laissant que très peu de répit au joueur, le poussant à aller à chaque fois de l’avant et magnifiant chaque prestation et changements de Lara.
Bienvenue à Nanarland...
Le rythme de l’histoire s’avère excellent, l’éveil de Lara est tout aussi captivant, bien mis en avant même si on peut lui reprocher d’être un peu vite expédié parfois et maladroit mais on ne peut pas en dire autant sur son déroulement et son traitement. Les personnages secondaires sont, pour l’émancipation de Lara, de véritables boulets. Chaque séance cinématique les mettant en scène avec Lara souffre de grosses maladresses qui empêchent toute empathie vis à vis d’eux et qui plombent aussi l’orientation très premier degré et “survival” du jeu.
Les dialogues sont, la plupart du temps, totalement risibles et jurent avec le soin tout particulier apporté aux détails quant au changement de stature de Lara, à son animation et à son environnement technique. Le parcours de Lara est un véritable chemin de croix, on souffre pour elle, on a envie de l’aider, de la réconforter et il aurait été pertinent et judicieux d’avoir un minimum de retour crédible de la part des autres personnages partageant son aventure.
Elle a beau être blessée, physiquement et mentalement, jamais les personnages secondaires n’en feront état ou n’y prêteront attention. Si on rajoute à cela, des scènes littéralement hallucinantes qui interviennent après la mort -toujours héroïquement- de certains membres de l’équipe, on obtient un traitement totalement ridicule qui ruine les efforts de mise en abîme de Lara. Derrière cette caricature, on trouve Rihanna Pratchett dont la carte de visite en terme de scénariste oscille entre le moyen (Heavenly Sword et Overlord) au totalement minable (Mirror’s Edge).
Soyons honnêtes, La série des Tomb Raider n’a jamais été encensée pour son traitement scénaristique et la mise en scène. Mais dans les précédents Tomb Raider, l’histoire était relèguée au second rang derrière le plaisir de découverte et les mécanismes du jeu. Les cinématiques n’intervenant que très rarement et généralement entre les différents niveaux. Un mauvais traitement de l’histoire et des dialogues est d’autant plus préjudiciable pour ce Tomb Raider que ceux-ci sont régulièrement mis en avant, sont assez nombreux et que le jeu capitalise sur eux pour magnifier son héroïne, soit dans des moments de détresse, de peur, de doutes, soit par des moments de bravoure.
En voulant s’émanciper de ces ancêtres et en se concentrant sur son histoire et sur son action façon cinématographique, Tomb Raider n’avait pas le droit de se louper sur ce point. Le rapprochement avec la série des Uncharted se fait frontalement dans ce traitement cinématographique et autant Tomb Raider n’a pas à rougir de la comparaison au niveau de son rythme et de sa mise en scène, autant il échoue dans les grandes lignes dès que ses personnages ouvrent la bouche. On notera par ailleurs la faiblesse du doublage français. Alice David a un joli timbre de voix mais manque cruellement de conviction et d’implication. Lara semble toujours très détachée de ce qui lui arrive, la comédienne malgré son rôle majeur, n’arrive pas à insuffler toute la rage nécessaire à l’éveil de Lara. Crédible dans tout les gémissements, elle en devient risible dès qu’il s’agit de jouer une guerrière, une survivante...