Commencer un test sur Fable n’est pas évident pour le joueur que je suis. Sans considérer Fable comme un jeu remarquable en tout point, j’avoue garder pour lui une affection toute particulière. De celle qui naît sur le moment, de celle qui, avec le temps, se nourrit d’images et de scènes féériques que l’on garde précieusement enfouies et qui sont souvent magnifiées par nos souvenirs. Je me suis lancé dans sa version Anniversary avec la peur d’être déçu et de voir son aura abîmée, entachée par une cruelle et douloureuse réalité. Un Fable accusant le poids des ans et souffrant des aléas de l’exercice d’un remake hautement périlleux… J’invite tout ceux qui connaissent le jeu d’origine à se rendre directement au troisième chapitre pour découvrir ce que leur réserve cette version Anniversary.
Peter Molyneux le « Fable-ulateur »…
Le papa de Fable est un homme extraordinaire. Si l’on excepte le fait qu’il soit anglais -personne n’est parfait- ce créatif d’exception a en effet marqué l’industrie du jeu vidéo par une œuvre atypique, originale et variée. Tout commença en 1987 avec la création d’un studio qui reste encore cher dans le cœur des vieux joueurs : Bullfrog. A la seule évocation de ce nom, les plus ridés d’entre nous laisseront couler une larme de bonheur en pensant aux nombreuses heures passées à jouer sur Populous (premier « god game »), Dungeon Keeper (dont le « remake » freemium est à vomir), Powermonger, Syndicate (rien à voir avec un FPS), Magic Carpet et Theme Park. Ce moment de nostalgie résume 10 années passées au sein de Bullfrog avant de partir pour créer un petit studio indépendant afin de quitter le giron d’un EA qui avait acheté le studio en 1995.
Lionhead était né. Il paya de sa poche l’intégralité du développement du premier jeu du studio, Black and White avant de succomber aux charmes de Microsoft et de concevoir pour la Xbox un RPG hors normes qui allait se faire connaître sous le nom de Projet Ego.
Le Projet Ego qui allait par la suite devenir Fable est le fruit d’un travail de parrainage entre le Lionhead de Peter Molyneux et le studio des frères Carter, Dene et Simon, nommé Bug Blue Box, qui avaient déjà travaillé avec lui sur Magic Carpet et Syndicate Wars. Ils ont comme projet de réaliser un RPG total où le joueur pourrait personnaliser totalement son avatar et dont les conséquences de ses actes impacteraient l’univers dans lequel il évolue.
Alors que Peter Molyneux n’aurait dû jouer qu’un rôle de consultant et de soutien financier à ce projet, il va se voir projeté sur le devant de la scène endossant le bonnet de « lead designer » et prenant à bras le corps la communication du projet fortement encouragé par Microsoft. C’est sous le feu des projecteurs que Peter Molyneux commença à s’emballer quelque peu avec Fable, promettant un monde gigantesque et ouvert, un avatar que l’on pourrait incarner de son enfance à sa vieillesse, une végétation que l’on pourrait voir évoluer au gré des saisons mais aussi grandir avec notre héros et j’en passe. Autant dire que le résultat fut bien loin de tout ce qui avait été promis.
Fable : Entre fantasme et réalité.
Cette exposition de Peter Molyneux lui a énormément porté préjudice et a terni plus que de raison la sortie de Fable. Après un développement long de 4 ans, une énumération de promesses qui étaient autant d’idées et d’envies dans la tête de Molyneux que de mots vains au regard de l’équipe réduite du studio et des limitations de la machine, Fable sortit sur Xbox et reçut un accueil bien tiède de la part des critiques. Le soufflet était tellement beau, tellement gros, tellement excitant qu’une fois dégonflé on ne pouvait n’être que déçu. Le monde que propose Fable a beau être somptueux, propice au voyage et à la découverte, il est découpé en plusieurs petites zones délimitées par des barrières, rochers et autres talus. La végétation ne suit pas le rythme des saisons et ne grandit pas avec notre héros. Le travail fait sur celui-ci est loin d’atteindre ce qui était promis.
On commence à l’incarner dans son enfance brisée par le raid de bandits sur son village, la mort de son père et l’enlèvement de sa sœur. Il est sauvé de l’attaque par un mystérieux personnage répondant au nom de Maze qui l’amène dans la guilde des héros. L’apprentissage qu’il y suivra lui permettra de faire ses premiers pas sur le chemin de la vengeance et sera l’occasion pour le joueur de se familiariser avec les commandes du jeu. Fable pousse le concept de l’Avatar assez loin, il nous offre une feuille blanche que l’on devra remplir nous même. Le joueur devra se faire violence pour lui donner un caractère sympathique ou antipathique envers les habitants d’Albion, abuser de la boisson et devenir saoul, manger comme un porc et le rendre obèse, combattre torse nu et voir son corps meurtri par des cicatrices, séduire, un homme ou une femme, copuler, se marier, divorcer, voler, etc, etc. Le système relationnel a beau être très simple et binaire, il n’en demeure pas moins riche en possibilités et permet réellement de tomber sous le charme de l’univers de Fable et de ses habitants. La répartition de son expérience suit aussi cette logique. Lui donner des points en force induira une musculature saillante, lui faire gagner en vitesse le rendra plus grand, un niveau en santé le rendra plus corpulent, tandis qu’un haut niveau de magie se remarquera avec l’apparition de runes bleutées sur son corps. Son alignement influencera aussi son apparence, son côté démoniaque ternira sa peau et ses cheveux et deux cornes se dessineront sur son front tandis qu’une grande bonté fera apparaître une auréole au sommet de son crâne. Chaque gain de niveau de notre personnage le fera vieillir comme le prix à payer de l’expérience accumulée. Si le joueur ne se dresse pas lui même de limites et ne fixe pas le caractère et la voie de son personnage le résultat peut s’avérer catastrophique au niveau de son apparence en plus de rendre le jeu trop simple. En montant tout au maximum on dirigera à la fin du jeu un vieil homme énorme défiguré par les cicatrices et les runes magiques. Si vous voulez pleinement profiter de ce que Fable peut vous offrir il est fortement conseillé de choisir un cap et de s’y tenir, de forger son personnage et de l’incarner au mieux.