On ne pouvait compter les jours que nous avions passés dans les sombres couloirs humides et suintants de Kazul-dûlh. Toute notion du temps s’envole lorsque le seul rapport à l’extérieur qu’il nous reste se résume à nos souvenirs et la boue encore collée à nos bottes. L’elfe inventoriait le reste de nos provisions. Le mage feuilletait inlassablement un grimoire écorné qui semblait plus vieux que nous tous réunis. Le nain priait son dieu. Et moi j’affûtais mon épée qui étincelait à la lumière vacillante de la torche. Les gobelins ont dû profiter de ce moment de torpeur de notre petit groupe pour s’approcher silencieusement de nous. Tapis dans l’ombre, seule leur odeur aurait pu nous alerter de leur présence. Le nain interrompit sa prière et coupa en deux le premier assaillant de sa hache. L’elfe banda son arc mais loupa son lancer de dé 20. Le mage cherchait ses dés 8 afin de réussir son jet de sauvegarde. Moi je m’apprêtais plutôt à sortir une nouvelle pièce de 10 francs afin de pouvoir nous sortir de ce mauvais pas... On n’était plus autour d’une table.
Dungeons and Dragons : le mythe !
Avant de vous parler du jeu vidéo qui nous intéresse ici, permettez-moi de vous présenter le jeu de rôle dont il est issu, le désormais mythique Dungeons and Dragons, père du jeu de rôle et instigateur d’un jeu qui a révolutionné le wargame traditionnel. Car oui, avant le jeu de rôle il était une fois le wargame, introduit au grand public par H.G. Wells en 1913. Oui H.G. Wells, l’auteur de l’Homme Invisible, la Guerre des Mondes, l’Ile du Docteur Moreau et La Machine à Voyager dans le Temps, fut le premier aussi à s’intéresser au wargame et à écrire un ouvrage sur ce thème. Il faudra attendre pourtant 1953 pour voir le genre se démocratiser avec le Tactics de Charles Roberts, le premier wargame sur plateau.
Dans les années 60-70 l’explosion fut telle, que le wargame devint un véritable phénomène de société. Un phénomène qui rencontra en 1967 un autre phénomène nommé “Le Seigneur des Anneaux” qui inonda le territoire américain cette année là. Les guerres Napoléoniennes du wargame n’étaient plus attirante et le joueur recherchait un jeu qui prenait place dans l’univers héroic fantasy de Tolkien.
Dans une petite ville du Wiskonsin, Lake Geneva, quelques amateurs de wargame entreprirent de créer leur propre jeu de guerre médiévale. Ces amateurs se prénommaient, Ernst Gygax, Jeff Perren et David Arneson. La première version de ce jeu nommé Chainmail, édité par la jeune compagnie de Gygax, TSR (Tactical Studies Rules) fut améliorée par Arneson dans une campagne organisée avec des amis qui allait devenir celle de Blackmoor, Gygax enchaîna avec la campagne de Greyhawk. Ils furent submergés de demandes de règles complètes de leur jeu. Ce qu’ils s’empressèrent de faire et de proposer sous le nom de Dungeons and Dragons leur titre à différents éditeurs qui refusèrent toute publication. Ce n’est qu’en 1974 qu’ils décidèrent de sortir leur jeu via la socièté de Gygax, TSR.
L’accueil fut mitigé et les 1000 premiers exemplaires s’écoulèrent péniblement en une année. Mais le phénomène était en route et n’allait plus s’arrêter. Les 1000 exemplaires suivants trouvèrent acquéreur en à peine 6 mois. En 1979, il s’écoulait près de 7000 exemplaires du jeu par mois. Le phénomène Dungeons and Dragons allait toucher des millions et des millions de joueurs et avec lui, le genre qu’il avait créé, le jeu de rôle, allait nourrir et nourrit encore l’imaginaire de nombreux rôlistes. Un succès tel, qu’il allait être transposé au cinéma, en dessin animé et, évidemment en jeu vidéo.
Bienvenue à Mystara...
Les vieux joueurs se souviennent sûrement du logo TSR s’affichant sur l’écran de leur ordinateur familial de l’époque ou de leur NES. Pool of Radiance, Hillsfar, Champions of Krynn, la trilogie Eye of the Beholder, Neverwinter Nights et bien évidemment Baldur’s Gate, tous ces jeux et j’en oublie un bon paquet, furent à l’origine de nombreuses nuits blanches passées devant un écran, souris à la main. Parmi eux, Tower of Doom garde une place bien particulière. Il fut le premier pas de l’univers Dungeons and Dragons sur une borne d’arcade et l’un des meilleurs beat them all de Capcom. Sa suite, Shadow over Mystara concrétisa toutes les idées entrevues dans le premier jeu et reste encore aujourd’hui comme l’un des beat them all arcade les plus réussis. Retrouver ces deux titres sur le XLA dans une version peaufinée par Capcom, c’est comme retrouver le goût des gâteaux confectionnés amoureusement par sa grand-mère lorsque l’on était jeune : un plaisir que l’on ne peut se refuser.
Capcom n’a pas choisi l’option de facilité pour adapter l’univers Donjons et Dragons. Tower of Doom et Shadow over Mystara reprennent les règles de l’édition avancée du jeu de rôle, le célèbre AD&D, tout en se déroulant dans le monde créé à l’occasion de la première édition : Mystara. Cette précision est importante vu que Donjon et Dragons s’est aventuré par la suite dans de nombreuses contrées imaginaires telles que les Royaumes Oubliés (la série des Baldur’s Gate s’y déroule), Dark Sun, Planescape et le monde de Krynn pour ne citer que les plus connus. Capcom a gardé l’ensemble des archétypes du jeu de rôle pour les adapter au beat them all à scrolling horizontal qui faisait toute la renommée de la société à l’époque.
On retrouve donc la notion de groupe avec la possibilité de jouer jusqu’à 4 joueurs sur la même borne ou sur deux bornes côte à côte, le gain d’expérience à chaque monstre tué avec comme dans le jeu de rôle de base la distribution de ces points et la montée de niveau à la fin de chaque chapitre. Le jeu permet même une gestion de l’inventaire -assez basique- avec la possibilité de ramasser des objets, comme des flèches, des couteaux ou des anneaux de magie, et même de faire évoluer son équipement. On pourra même à certains moments avoir la possibilité de choisir son chemin et donc l’agencement des niveaux parcourus ! La somme de tous ces éléments ont fait la renommée de la série et ont permis à de nombreux tenanciers de salles d’arcade de se remplir allègrement les poches !