C’était un peu après le lancement de la Xbox 360, en 2005. Les joueurs venaient de s’offrir leur console et découvraient pour certains trois lumières rouges clignotantes signant l’arrêt de la console. Très vite, l’expression Red Ring Of Death est alors devenue familière et très attachée à la Xbox 360. Trop même, à tel point que Microsoft ait dû sortir plus d’un milliard de dollars de sa poche pour ne pas que la marque Xbox ne coule.
Peter Moore raconte cette histoire incroyable dans un podcast de haute volée d’IGN. Il raconte qu’ils ne comprenaient pas vraiment ce qu’il se passait au début mais qu’ils savaient, grâce à leur service client, que quelque chose n’allait pas.
Nous savions que nous avions un problème. Je me souviens être allé voir Robbie Bach, mon boss, pour lui dire que je pensais que nous avions un problème à un milliard de dollars. C’était un problème difficile pour nos ingénieurs et nous ne pouvions pas exactement savoir d’où il venait. Nous savions que c’était lié à la chaleur. Il y avait toutes sortes de correctifs. Je me souvient de gens qui mettaient des serviettes humides autour de la Xbox.
Ah ! Le fameux coup des serviettes, vous vous souvenez ? Le pire était que ça marchait réellement pour certains.
Peter Moore raconte ensuite comment Microsoft en est venu à dépenser autant d’argent pour endiguer le problème, sous peine que la marque Xbox disparaisse.
C’est un moment que je n’oublierai jamais. Nous avions une réunion business review dans le building 34, avec Steve Ballmer. Je lui ai dit qu’il fallait qu’on le dise à Steve, voilà ce qu’on doit faire : nous devons envoyer une boite FedEx vide aux clients qui ont un problème. Ils nous appelleraient, feraient un retour, puis nous leur renverront réparée. Peu importe s’ils gardent leur disque dur ou s’ils nous le renvoient.
J’ai calculé tout ça avec mon équipe de la finance, Dennis Durkin (maintenant directeur financier chez Activision), Doug Ralphs (Directeur Senior Finance de la division Interactive Entertainment de Microsoft)... 1.15 milliard. Je me souviendrai toujours que 240 millions de tout ça était pour FedEx. Leur stock a dû être vidé de ses étagères les deux semaines qui ont suivies.
On imagine bien la pression que ça peut être d’annoncer un tel coût à son chef, même quand on s’appelle Microsoft. Et Peter Moore explique bien ça et montre que ça n’a pas été si compliqué que ça.
Je tremble assis en face de Steve, que j’aime à mourir, mais il peut être assez intimidant comme personne. Steve a dit, « Ok, parle moi de ça ». J’ai dit « Si nous ne faisons pas ça, cette marque est morte. C’est notre moment Tylenol [référence à un scandale pharmaceutique] ». Steve m’a regardé et m’a demandé « Qu’est-ce qu’on doit faire ? » Je lui ai dit qu’on devait les reprendre [les consoles] et qu’on devait le faire bien. Parce que quand vous reprenez la console d’un joueur et que vous allez passer 3 semaines à la réparer... Donc on doit le faire par FedEx du début jusqu’à la fin.
Il a demandé « Combien ça va coûter ? » et je me rappelle avoir pris une grande inspiration, j’ai regardé Robbie, et lui ai dit « On pense que c’est 1.15 milliards, Steve ». Il a dit « Faites-le ». Il n’y a pas eu d’hésitation. Je pensais que j’allais creuser l’action de Microsoft mais en fait, rien n’a bougé.
Peter Moore se rappellera toujours ce moment. « Si vous êtes un joueur Xbox, vous pouvez remercier Steve Ballmer de ne pas avoir hésité. Alors oui, nous étions une entreprise en bonne santé qui pouvait se le permettre, mais sans hésiter une seconde parce que la marque était plus importante » dit-il.
Si on n’avait pas pris cette décision et si nous avions tenté d’esquiver le problème, alors la marque Xbox et la Xbox One n’existeraient pas aujourd’hui.
Peter Moore se rappelle la galère que c’était de trouver l’origine du problème.
Il y avait une théorie. Nous avons changé notre façon de souder le GPU et le ventilateur. Toff, qui est le mec le plus sincère, devenait fou à essayer de comprendre. On savait que c’était lié à la chaleur et nous pensions que c’était la chaleur qui provenait du GPU qui faisait fondre la soudure, et que ça n’était pas normal parce que nous avions respecté les standards européens en prenant les devants.
C’était ce moment, cette décision que Steve Ballmer a prise que je n’oublierai jamais. Il n’a pas réfléchi deux fois à dépenser 1.15 milliards pour protéger la marque qui vaut probablement trois ou quatre fois plus aujourd’hui. La Xbox One ne serait même pas arrivée.
Ce genre d’anecdotes, qui plus est dans des échelles aussi considérables, sont celles qui marquent la vie d’un produit. Parfois, l’avenir d’une marque se joue à un détail, à une décision comme celle-là. Et le fait que ça puisse être raconté des années plus tard par celui qui était au coeur de l’action est d’autant plus intéressant avec le recul qu’on peut avoir aujourd’hui. Si l’on joue encore sur Xbox aujourd’hui, c’est en effet certainement grâce à ce milliard de dollars.
Article tiré et traduit en grosse partie de celui d’Eurogamer.
