L’E3 approche à grands pas et avec, la conférence Xbox qui promet de mettre en avant un bon nombre de licences first-party durant les quatre-vingt-dix minutes de show. Microsoft a en effet dans ses rangs une multitude de studios talentueux auxquels est venu s’ajouter l’écurie Bethesda. On peut donc logiquement se demander quels jeux auront leur place dans l’event et proposeront une présentation détaillée ou un vrai trailer de gameplay ? Cela dépend évidemment de l’état d’avancement du développement du jeu mais l’autre contrainte majeure reste le format du show, qui ne peut être adapté que de façon limitée pour faire justice aux nombreuses productions des Xbox Game Studios. Dans cet article nous allons tenter de démontrer que Microsoft pourrait bénéficier d’un format similaire au State of Play de Sony ou au Nintendo Direct.
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Microsoft n’a plus besoin de l’E3
Après sa création en 1995, l’E3 s’est vite imposé comme le rendez-vous de choix pour les constructeurs, les éditeurs et les joueurs. Le show de l’Entertainment Software Association accueille la division gaming de Microsoft depuis l’an 2000, soit une année avant la présentation officielle de la première Xbox au salon de Los Angeles en 2001. Après avoir opéré un retour vers le futur vingt ans plus tard, on se réveille sonné dans une industrie du jeu vidéo secouée par la pandémie causée par le Covid, nous voyons alors constructeurs et éditeurs s’adapter en proposant leurs shows propriétaires, taillés spécialement pour leur contenu.
Les premiers à s’être lancés sont des gros éditeurs tels qu’Ubisoft, Capcom ou Sega, portés par des licences à succès parfois assez grosses pour s’offrir leur showcase individuel, et conscients de leur autosuffisance en termes de marketing. Il paraît évident au vu de l’importance et des moyens de Microsoft qu’il pourrait produire à nouveau son propre show indépendant des salons, d’une qualité irréprochable tant au niveau de la production que de l’engouement, même si le rythme et le format restent à travailler pour trouver la bonne formule. Microsoft ayant une histoire commune assez riche avec l’E3, on peut comprendre leur volonté de soutenir l’événement et de l’aider à se réinventer. Il n’y a d’ailleurs aucun souci sur ce point, l’idée n’étant pas de quitter l’E3 mais de s’ouvrir à d’autres formats.
Faire briller les jeux comme il se doit
Nous avons amorcé l’idée dans l’introduction : la longueur d’une conférence E3 ne permet pas de présenter tout un catalogue de first-party en détail. Microsoft est naturellement contraint de faire des choix sur ce qui sera montré et la place que va occuper chaque jeu, un AAA porte étendard tel que Halo Infinite sera sélectionné d’office mais qu’en est-t-il d’un Hellblade 2, certes en début de production mais auquel les mises à jours régulières de Ninja Theory bénéficieraient encore plus si présentées par Xbox. Everwild, qu’on espère à la fois nerveusement sans trop l’attendre au prochain en raison du manque de contenu consistant à présenter, pourrait pour sa part dévoiler sa nature et son univers par petites portions.
Le DLC de Gears 5 Hivebusters qui démontre la qualité de production du studio The Coalition mériterait également un vrai coup de projecteur, même s’il a été chaleureusement accueilli par les joueurs et par les journalistes enthousiastes de Digital Foundry. Son lancement en décembre 2020 n’a été que trop discret pour un contenu de qualité venant d’un studio first-party et qui plus est, d’une licence aussi importante pour Xbox que Gears. Microsoft accuse manifestement d’une lacune dans le marketing de ses licences exclusives.
Dans ce domaine, le Nintendo Direct et le State of Play de Sony excellent avec une mise en scène et des mises à jour régulières de leurs jeux first-party, en leur fournissant une scène marketing et d’expression dédiée. En effet, les deux constructeurs réservent leurs directs entièrement aux jeux et souvent à un titre en particulier comme Ratchet & Clank ou plus récemment Horizon Forbidden West.
Le State of Play permet aux studios de communiquer en profondeur sur l’avancée d’un jeu, de raviver l’esprit des joueurs et de cultiver l’attente autour du titre. Les autres à avoir bénéficié des directs réguliers sont bien sûr les jeux indés et les AA qui sont souvent mis de côté ou timidement montrés à l’E3. Comme un Kena : Bridge of Spirits et un Oddworld Soulstorm ont joui d’une mise en lumière lors d’un State of Play, S.T.A.L.K.E.R. 2 : Heart of Chornobyl, The Gunk ou Sable pourraient profiter de mises en lumière régulières plutôt que d’attendre un show annuel comme l’E3.
Les directs susmentionnés sont aussi une scène importante pour les exclusivités à moindre échelle et à budget relativement bas. C’est en accordant à The Pathless un State of Play que le studio aura une seconde et meilleure chance d’attirer l’œil des joueurs PlayStation et de les intéresser à leur jeu, qui s’est probablement perdu dans la masse des licences majeures montrées lors du showcase de présentation de la PlayStation 5. Nintendo a pour sa part les Direct Mini : Partner Showcase, un tapis rouge déroulé par l’éditeur japonais aux exclusivités provenant de partenaires et autres jeux tiers. Ces évènements de moindre enjeu pour la marque japonaise sont pourtant mis en avant au même titre qu’un Nintendo Direct classique.
Laisser les studios travailler à leur rythme
Les directs de Sony et Nintendo laissent aussi l’occasion aux studios de montrer exactement ce qu’ils souhaitent, lorsqu’ils le souhaitent. Microsoft a été critiqué à juste titre pour le recours excessif aux trailers CGI dans ses shows, souvent causé par l’absence de matière concrète à montrer de la part de ses studios first-party, qui ont battu de l’aile pendant la génération précédente. Certains titres ne montrent pas de gameplay car leur développement ne le permet pas encore, ceci dit rien ne les empêche de se fondre dans une vidéo avec de nouvelles images comme on a pu le voir lors du State of Play avec Ghostwire : Tokyo et Kena : Bridge of Spirits déjà mentionné plus haut.
Ainsi, un studio n’aura pas à bousculer son calendrier pour préparer un contenu à la hâte dans l’espoir d’avoir une place à l’E3. On pourrait citer la tranche verticale préparée pour la démo de l’E3 2018 de Cyberpunk 2077 dont la préparation a été chronophage et a certainement mobilisé plus de ressources que nécessaire pour un projet d’une telle ampleur, qui accusait déjà d’un retard sur le calendrier selon les aveux des développeurs.
De plus, ils n’auront plus à laisser traîner un jeu comme Tunic qui peine à trouver sa place, si ce n’est perdu au milieu d’un show réservé aux indés, dont la portée est limitée ou qui accumule les titres dans un format fourre-tout presque comme pour s’en débarrasser. Un sentiment amer qu’on a pu éprouver après la dernière collaboration entre Twitch et ID@Xbox, bien que le travail fourni par Microsoft sur ce plan démontre au contraire un réel intérêt pour les créations indépendantes pour la plateforme. Parmi les quatre titres suivants : Dead Static Drive, The Artful Escape , Song of Iron, Moonglow Bay, il y en a probablement au moins deux qui ne vous disent rien, où dont vous venez de vous rappeler à l’instant. Ce sont pourtant quatre exclusivités Xbox, dont l’une annoncée récemment arrivera dans le Xbox Game Pass dès sa sortie.
Repenser l’Inside Xbox
Microsoft dispose déjà d’un direct qui pourrait répondre à ces besoins, avec l’Inside Xbox relancé en mai 2020 et qui nous promettait du contenu mensuel jusqu’au Xbox Games Showcase, présenté deux mois plus tard. Après avoir répété les erreurs passées en misant trop sur les trailers et pas assez sur le gameplay, Microsoft a annoncé avoir entendu et pris note des doléances des joueurs. Le mois suivant, nous n’avions plus d’Inside Xbox et n’en avons pas revu depuis. En pivotant de la première version de l’Inside Xbox vers une nouvelle, Microsoft pourrait s’offrir une vitrine de taille pour ses productions first-party comme pour les exclusivités issues des partenariats Xbox Games Studios Publishing.
En plus de permettre aux développeurs d’entretenir l’amour et l’attente des fans pour leurs jeux et de les valoriser, un Inside Xbox similaire au Nintendo Direct améliorerait nettement leurs découvrabilité et audience, en les plaçant au premier plan. Les blogs et questions réponses que 343 Industries dédie à Halo Infinite chaque mois sont certes conséquents mais privent un public moins averti de mises à jour d’un AAA plus que prometteur et qui doit d’autant plus se montrer sous ses meilleures coutures qu’il a déçu lors du Xbox Games Showcase qui lui, vise un public plus large.
L’une des solutions à la question du format qui fâche tant Microsoft est celle de Nintendo qui sépare ses Directs classiques des Directs Mini, qui oscillent généralement entre dix et vingt minutes. Cette distinction de nom permet d’une part de placer les jeux selon le temps qui doit leur être alloué au regard de leur échelle et de ce qu’ils ont à offrir en contenu, et une transparence totale de l’autre vis-à-vis des joueurs qui pourront ajuster leurs attentes en conséquence.
Si le nouvel Inside Xbox ne peut pas remplacer un blog entier sur un aspect précis du jeu puisque relativement court, il offrirait néanmoins une plateforme sur l’avant de la scène aux Xbox Game Studios pour communiquer fièrement leur travail, soit de manière individuelle, soit par une présence plus subtile, comme en dévoilant un morceau de la bande originale ou en exhibant les prouesses techniques réalisées lors du développement d’un jeu en fin d’émission.
Utiliser la présence de Xbox sur les réseaux
Xbox est une marque qui rayonne par sa présence et sa proximité avec ses consommateurs sur les réseaux comme peu d’autres, une place encore plus singulière parmi les trois constructeurs de consoles. Nous avons pu le remarquer dans les interactions qui vont du teasing et des annonces de nouveaux jeux dans le Xbox Game Pass à Aaron Greenberg qui défie les fans de provoquer la production du frigo Xbox, lui-même issu d’un meme Twitter. Une fois qu’on connaît la capacité exceptionnelle de Xbox à générer de l’engagement sur les réseaux, il est encore plus incompréhensible de voir leur difficulté à saisir les attentes de leur public et à leur communiquer ce qu’ils sont censés faire le mieux : les jeux.
Le meilleur média pour partager les jeux est la vidéo et c’est précisément celui dont Microsoft a du mal à saisir le bon format, de telle sorte qu’un jeu first-party comme Psychonauts 2 est présenté en détail et couvert exclusivement par un magazine tiers et non sur la chaîne Xbox, alors que la licence lui appartient et que la sortie du titre est imminente. Microsoft a tout intérêt à canaliser l’énergie de son public pour communiquer sur ses productions et saisir l’opportunité pour capter les attentes de ce même public et concevoir un format d’Inside Xbox qui y réponde tout en servant les meilleurs intérêts de ses studios.
En somme, un format régulier d’Inside Xbox, dédié à un titre individuel ou à plusieurs, permettra aux fans d’avoir des nouvelles sur les jeux qu’ils attendent le plus et aux studios de proposer des mises à jour en phase avec l’état d’avancement du projet quel qu’il soit, contrairement à l’E3 où la pression et la hype exige un certain type de contenu,qui sera réservé aux « démonstrations de force » des AAA et des jeux à sortir dans les deux ans, voire plus. Le fait de valoriser leurs jeux sur une tribune officielle Xbox encouragerait aussi les producteurs tiers à proposer des exclusivités sur la plateforme en sachant qu’ils obtiendraient un soutien au-delà de l’apport financier.