Voilà deux épisodes déjà, la série Assassin’s Creed prenait un nouveau virage pour mieux satisfaire son public. D’aucuns diraient l’élargir, mais cela est un autre débat. On constate juste qu’après l’Égypte et la Grèce antique, la saga se penche aujourd’hui sur les mythologies nordiques en nous permettant de vivre les mémoires d’un Viking. Valhalla ne se résume pourtant pas à ce simple background culturel et va bien plus loin encore, au point de nous emmener dans un voyage très éloigné du credo et de sa guerre ancestrale contre les Templiers.
Back to Skôll
Le monde actuel est en proie à des phénomènes étranges qui menacent la vie sur Terre. Layla Hassan, l’ancienne employée d’Abstergo ayant maintenant loué ses services à la confrérie des Assassins, doit se plonger dans le passé d’un mystérieux guerrier Viking. Ce personnage recèle bien des mystères que son ADN permettra d’élucider, dont la raison de la localisation très éloignée de sa terre natale de sa dépouille. Comme précédemment, vous aurez le choix de décider si ce guerrier était un homme ou une femme, et même de changer de genre en cours de route. Cela n’a pas d’incidence directe sur l’histoire mais les relations avec les différents personnages rencontrés pourront quelque peu différer. Et du monde, vous allez en croiser.
Si l’histoire commence sur les terres nordiques, nous laissant découvrir ainsi les origines de notre personnage pour mieux l’appréhender, le destin de Eivor le pousse à prendre la mer pour aller trouver un lopin de terre où s’installer. Cette terre promise se trouve être l’Angleterre, à une époque bien lointaine de celle de Watch Dogs Legion ou de Forza Horizon 4 puisque les faits se déroulent au IXe siècle. En ces temps reculés, le pays est divisé en différentes provinces dirigées chacune par des rois ou jarls. Le pays est plutôt instable, la faute à l’arrivée du christianisme qui s’oppose radicalement à toutes les cultures païennes présentes originellement en ces terres ainsi qu’à celles amenées par les nombreux nordiques exilés dans le but de faire fortune. De là à voir un parallèle avec des tensions actuelles liées aux religions et aux migrations de population, il y a un pas que l’on ne franchira pas puisque Ubisoft ne fait pas de politique dans ses jeux.
We’re up all night to get Loki
Cet Assassin’s Creed a de l’ambition narrative à revendre. Comme son Angleterre est vaste et que le but de notre viking est d’installer son clan de manière pérenne, le scénario se présente d’une manière très simple : chaque région doit être explorée pour y trouver des alliés et des ressources et/ou faire la guerre aux présences ennemies. Le jeu prend alors le temps d’introduire continuellement de nouveaux personnages et de nouveaux objectifs en même temps que ses divers paysages se révèlent. Sur ce point, Valhalla est généreux, voire même trop, avec une quinzaine de régions qui comprennent un nombre de quêtes principales et secondaires assez conséquent. Et cela sans compter quelques surprises que l’on ne vous gâchera pas.
L’histoire principale est tellement longue et va tellement loin dans ses sous-intrigues que l’on en vient souvent à se demander ce que peut être la finalité de tout cela, voire même à oublier certaines mécaniques du jeu comme le développement du camp principal. Quelle est l’histoire, quelle est la destinée de ce héros viking qui se bat pour des intérêts personnels, avec ses croyances indéfectibles et une ligne de conduite droite comme une flèche ? Cette question nous est revenue plusieurs fois à l’esprit.
Fort pour guerroyer, pour lier des amitiés, pour défaire des brigands et des rois, mais aussi pour faire la fête... Notre héros n’a pas qu’une seule corde à son arc et ne chôme pas sur le terrain. Pour chaque région, il prend part aux conflits en faisant des choix qui ont des impacts sur le déroulement des événements. Ubisoft n’a pas lésiné sur cet aspect et cela apporte un vrai plus. La quête principale paraît à proprement parler interminable, quand bien même la variété fusse-t-elle réellement présente dans les situations de départ. Certes, cela amène toujours plus ou moins à un siège d’une forteresse à un moment ou à un autre, mais bon.
L’effet négatif, c’est que cette grande diversité met en avant des inégalités tant certains arcs narratifs sont moins intéressants que d’autres, alors que l’ensemble reste convenablement écrit. Ce souci se retrouve tout au long du jeu qui loupe alors complètement sa montée en puissance et pourrait essouffler plus d’un joueur qui manquerait, à raison, d’arguments pour s’investir ne serait-ce que dans l’histoire principale. Certaines intrigues sont tellement secondaires, sans incidence directe avec le destin de notre héros, qu’elles ressemblent juste à du remplissage alors qu’en matière de fraîcheur et de liberté de ton - très éloignées du reste du jeu - elles apportent un vrai plus. Dommage pour les événements à la Rockstar et objectifs secondaires car s’ils sont souvent plaisants à vivre, eux aussi sont en trop grand nombre pour en profiter pleinement. Certes, on aura encore les classiques activités chasse et pêche et les collectibles, ainsi que des choses plus liées à la culture païenne avec des malédictions à lever, des sacrifices à réaliser sur des autels... mais aussi des énigmes reposant sur la physique ou l’observation comme avec les cairns à réaliser avec des pierres, ou des symboles nordiques à aligner dans le paysage en cherchant le bon point de vue, voire encore des trésors enfermés à débusquer en cassant, brûlant, explosant des éléments du décor. Et tout cela quand il ne faut pas aller piller des monastères avec son clan.
Une chose est sûre, ce n’est certainement pas sur la quantité ni la qualité de son contenu que l’on peut mettre en défaut le jeu. On pointe plutôt du doigt le côté répétitif sur la durée, problème inhérent aux jeux Ubisoft. Le trop est l’ennemi du bien, malgré les qualités de mise en scène et d’écriture nettement revues à la hausse.
Smack my bishop
Le chemin emprunté par la saga depuis son reboot l’amène bien loin du schéma narratif habituel avec ses cibles à abattre dans sa guerre interminable face aux Templiers. C’était déjà un peu le cas avec Origins et Odyssey, bien sûr, mais dans cet épisode, tout cela paraît bien lointain. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’assassinats à réaliser. Il y en a mais ils sont complètement relayés au second plan, comme tout ce qui a trait au credo. Les assassins de Valhalla sont des personnages secondaires qui croisent notre chemin et restent très en retrait dans le déroulement de l’histoire. Les assassinats sont même des quêtes annexes qui se recoupent parfois avec le scénario principal, mais ça s’arrête là. Le constat est brutal et cela amène à une question assez rapidement. Pourquoi ce jeu s’appelle-t-il encore Assassin’s Creed ? Il est d’autant plus légitime de se poser la question tant les éléments clés de la saga deviennent des freins et des faiblesses dans l’ambition affichée par le jeu. Cela se ressent dans le gameplay mais aussi dans la conception de l’aire de jeu.
Les lieux regorgent de ces bottes de foin dans lesquelles se cacher, de bancs et tables où s’asseoir pour rester discret mais ils ne sont plus du tout nécessaires dans le gameplay puisque les vikings préfèrent nettement les attaques frontales. Ainsi, voir les grandes villes encore construites avec les gimmicks habituels de perchoirs, poutres, cordes et autres n’a plus vraiment de sens quand un coup de corne suffit à faire venir son clan armé jusqu’aux dents pour décimer tout le monde. Même l’escalade est à nouveau en retrait, chaque bâtiment ou montagne pouvant être attaqué de manière frontale sans avoir à chercher un chemin particulier pour atteindre les hauteurs. C’est presque du gâchis de voir un level design travaillé pour quelque chose alors que les nouvelles mécaniques de jeu amenées dans cet épisode fonctionnent à l’opposé.
Viking of my castle
Les combats sont dans la veine des précédents opus avec des esquives, des contres, des capacités à déclencher après avoir emmagasiné assez d’adrénaline. On retrouve les finishes sauvagement jouissifs à base de têtes volantes, piétinées, écrasées. On pourrait avoir envie de varier les approches mais cela n’est même pas amusant tant l’IA est à la ramasse comme jamais, gâchant même les attaques de places fortes, ces fameuses batailles que l’on attendait de pied ferme dans cet opus. La promesse était belle : assiéger et piller dans des sièges épiques des châteaux et monastères. Dans les faits, on laisse les PNJ se battre entre eux et on court partout pour débloquer le passage. Des pont-levis à ouvrir en deux flèches, des portes à exploser en portant un baril d’huile au milieu de tous pour le faire exploser au bon endroit, escalader la porte principale pour aller l’ouvrir de l’autre côté là où aucun ennemi n’est placé pour nous en empêcher. On pouvait s’attendre à du stratégique et de la tension comme dans For Honor et on se retrouve avec un ersatz de Dynasty Warriors avec dix pauvres combattants et un sound design essayant de nous faire croire qu’ils sont cent fois plus. Il y a même un fort que l’on a rushé en moins de deux minutes en courant sur les remparts avant d’escalader le donjon pour aller directement au boss. Quelle déception, quel manque de moyens mis dans ces nombreux sièges qui prennent tous la même tournure.
Valhalla malgré ses qualités apparaît au fur et à mesure comme un jeu malade, hybride, entre les vestiges d’une licence dont il est obligé de porter le nom pour se vendre et des ambitions nouvelles qu’il peine à concrétiser. D’autres preuves de cela se ressentent dans les mécaniques RPG du jeu. En réalisant des quêtes, on gagne des points de puissance que l’on répartit sur un plan astral afin de disposer de nouvelles compétences mais aussi d’améliorations de sa composition, de son attaque ou des résistances passives. On peut ainsi choisir d’être à cent pour cent un guerrier ne disposant d’aucune capacité d’assassin ou inversement. Ces choix peuvent être annulés à tout moment, le jeu essayant de laisser le plus de liberté possible au joueur. Et à force de ne pas avoir de vision ou de ne pas imposer des choix réellement, ces mécaniques paraissent secondaires. On peut ne jamais développer son camp, le joueur ne sera pas pénalisé. Tout le jeu peut être parcouru avec l’équipement et l’arme de départ sans que cela ne soit un souci non plus. Les runes que l’on place sur les équipements sont interchangeables à volonté.
Toutes les mécaniques de jeu semblent à nouveau être implémentées juste pour faire acte de présence plus que pour réellement servir une vision rolesque. En ce sens, même en difficile avec l’IA de détection poussée au maximum, on a pu réaliser toute une zone nécessitant une puissance de 250 alors que nous n’étions qu’au niveau 210, sans aucun souci, preuve que l’équilibre n’est pas bien pensé. Du Assassin’s Creed avec tous ses travers. D’un point de vue ergonomique, Il y a toutes sortes de manques dans les menus comme l’absence d’un journal de quête pour les événements secondaires (il faut donc se souvenir de ce que la personne a dit au moment de sa rencontre si on veut la faire plus tard). On constate par ailleurs des logiques aléatoires dans les énoncés comme le fait que certaines quêtes pointent des endroits précis avec un marqueur alors que d’autres, sans raison, laissent le joueur se débrouiller avec des indications et la map sans que cela ne soit justifié par le script. Deux visions qui s’opposent constamment et questionnent sur la direction du développement.
- Des pavés, à l’image de ce test !
Après cela, il paraît difficile de défendre Valhalla. Et pourtant, il a une qualité indéniable en dehors de ses nombreuses histoires agréables à suivre : sa diversité d’environnements. Le jeu est une nouvelle ode au voyage et à la contemplation. Loin des combats, il se montre hypnotisant tant par sa beauté que par sa diversité grâce à une palette de couleurs riche sublimée par des éclairages très efficaces. Le mode photo tourne à plein régime. Des montagnes enneigées du Nord aux côtes Est du pays, des petits bourgs boueux de paysans aux villes romaines ostentatoires, la reconstitution d’une époque faisant le pont entre plusieurs cultures et styles architecturaux est grisante. On passe ainsi des longues maisons vikings dans lesquelles ils vivaient et festoyaient en communauté à des allées pavées entourées de grandes colonnes menant à des arènes romaines en un rien de temps pour se retrouver finalement dans une église catholique typique. Les sous-bois respirent le mysticisme des sorciers et sorcières alors que les plaines de l’Ouest donnent des envies de scander la liberté chère à William Wallace. L’ensemble manque juste un peu de vie et d’événements aléatoires pour être plus qu’une belle carte postale. En cela, on préférera la campagne aux quelques villes qui manquent singulièrement de foule pour être crédibles.
Même si les distances à parcourir sont folles, on prend toujours plaisir à explorer les nouvelles régions, d’autant plus que le jeu à l’intelligence de nous dispenser d’allers-retours incessants. À noter que les drakkars sont réduits à servir de taxis, comme les promenades à cheval mais sur l’eau donc. Après plus de soixante heures à se concentrer sur l’histoire principale, il nous reste bien des choses à découvrir et desquelles s’émerveiller. Le jeu tourne presque comme un charme sur Xbox One X, console sur laquelle a été intégralement réalisé le test, seuls quelques ralentissements se ressentent dans certaines grandes villes.
Sur Xbox Series X, Assassin’s Creed Valhalla s’offre en 4K et 60 FPS. Cela signifie que le jeu est plus fluide que jamais sur console et lorsque l’on prend la manette en main, cela se ressent dès les premières minutes de jeu. Cette fluidité rend le jeu encore plus agréable à parcourir et donne davantage envie de découvrir ses superbes environnements. Sur Xbox Series X, les détails du jeu sont sublimés et on se prend vite au jeu de passer son temps à regarder un peu partout et profiter des effets lumineux sous leur meilleur jour.
Le coin des chasseurs : Des succès liés à l’histoire simples à décrocher, de la complétion qui demande du temps et des actions spécifiques un peu difficiles à réaliser, quelques secrets à débusquer, on est sur du classique pour la série.