Moins connu dans nos contrées que Dragon Ball, Sand Land est un manga d’Akira Toriyama publié en 2000 au Japon et en 2002 en France chez Glénat, qui se déroule dans le même univers que la plupart de ses autres œuvres : Dragon Ball, Dr Slump ou encore Neko Majin. Après un film d’animation en août 2023, voilà qu’arrive enfin l’adaptation en jeu vidéo de l’univers, confiée aux bons soins de Bandai Namco.
J’veux du soleil
À force de surexploiter les ressources, les humains ont transformé la planète en un immense désert. Après ça, au lieu de s’unir pour tenter d’arranger les choses, ils se sont entretués dans des guerres insipides. Désormais, l’eau est devenue la ressource la plus précieuse qui soit, autant pour les survivants que pour les démons avec qui ils partagent le monde. Beelzebub, le prince des démons, organise régulièrement des pillages des convois d’eau destinés aux humains.
Un jour, Rao, un shérif, se présente au village des démons. Faisant fi des préjugés concernant ces derniers, il vient quérir leur aide afin de trouver une source d’eau légendaire, qui permettrait d’abreuver tous les peuples de Sand Land. Beelzebub accepte en échange d’un accès à l’eau équitable pour ses camarades démons et de la seule console de jeux vidéo qui ait survécu aux guerres ! Rao, Beelzebub et Thief (un démon voleur considéré comme un vieux sage parmi ses pairs) partent donc à travers le désert à la recherche d’indices au sujet de la mystérieuse source.
En chemin, ils feront de nombreuses rencontres, souvent amicales. Si la plupart des humains ont peur des démons, persuadés que ce sont des tueurs sanguinaires, les trois compagnons vont avoir maintes occasions de prouver que, même s’il est farceur, Beelzebub a plutôt bon cœur. Après avoir volé un char à l’armée du roi de Sand Land, les trois amis finissent par découvrir que la source légendaire qu’ils cherchent pourrait en réalité être accaparée par le fameux roi. Ce dernier aurait même ordonné le massacre du peuple des Picchis uniquement parce qu’ils avaient trouvé un moyen de créer de l’eau. Le roi, en plus de brutaliser le peuple, le prive de la majorité des ressources qui lui permettraient de subsister. La quête de l’eau va donc se muer en quête de justice.
Borderlands sans les injures
Sand Land se présente comme un action-RPG en monde ouvert, qui accorde une place importante à l’utilisation de véhicules. Le jeu se partage entre exploration, combats et plateformes. S’il reprend des mécaniques classiques, que ce soit en termes de gameplay ou de quêtes, on ne peut pas dire que Sand Land fait les choses à moitié ! Le jeu est varié, vaste et jamais monotone.
En combat, le gameplay est plutôt basique, assez proche de celui des beat’em all 3D. Beelzebub peut enchaîner les coups rapides et les frappes puissantes et, lorsqu’un ennemi est assommé, il est possible de lui infliger une attaque spéciale dont l’animation est plutôt satisfaisante ! Comme l’eau est la ressource la plus importante de l’univers de Sand Land, c’est aussi elle qui permet de récupérer de la vie. Beelzebub dispose d’une bouteille d’eau qui peut être consommée durant les combats, pour avoir une chance de reprendre la bataille en cas de mort. Elle peut être remplie aux différents points d’eau disséminés sur la carte.
Rao et Thief ne se contentent pas d’observer. Si aucun des deux ne vient coller des mandales aux adversaires du jeune démon (du moins au début) il est possible de leur assigner des actions via un menu radial qui s’affiche en appuyant sur LB. Rao offre plutôt des compétences d’attaque ou d’esquive, tandis que Thief se concentre sur le loot et le soutien. Grâce aux points de compétences accumulés lors des affrontements, il est possible d’améliorer ces compétences ou d’en débloquer de nouvelles. Même chose pour Beelzebub qui peut puiser dans son « énergie sombre » pour utiliser des capacités spéciales, accessibles depuis un autre menu radial via la touche RB.
Les combats au corps à corps se révèlent plutôt simples, même en mode normal, pour peu que le joueur observe son adversaire afin d’esquiver ses attaques (représentées par une aura rouge) au bon moment. Les combats en véhicules, quant à eux, offrent une certaine flexibilité, particulièrement lorsque l’on en possède plusieurs. S’il n’y a pas de notions « d’équipement » comme dans un RPG classique pour les trois personnages principaux, c’est bien la personnalisation des véhicules qui va modifier leurs capacités de combat : canon principal, mitrailleuse secondaire, choix du moteur (pour les boost), suspensions (vitesse et maniabilité), blindage ou encore ajout de puces, qui offrent des avantages passifs, tels que des tirs enflammés ou un bouclier supplémentaire.
Ambiance Mad Max
Comme le désert qui constitue Sand Land est bien trop vaste pour être parcouru à pied, le joueur passe le plus clair de son temps à bord de l’un de ses véhicules. Et ils sont nombreux ! Si l’on débloque d’abord un premier char, très pratique en combat, il s’y ajoute rapidement un sauteur, une sorte de robot bipède moins puissant mais très mobile, une moto, la plus rapide pour traverser les sables mouvants, ainsi que d’autres modèles que nous vous laisserons découvrir. Chacun dispose d’une jauge de durabilité, de boost (qui permet des accélérations bien pratiques) et de ses propres avantages et inconvénients en fonction de la situation à affronter. Il est possible d’en stocker jusqu’à 5 dans une capsule et de les sélectionner grâce à la flèche de droite du pad de la manette. Pour intervertir l’un de ceux-là avec un autre véhicule débloqué, il faudra se rendre dans le garage dirigé par Ann, votre mécanicienne en cheffe !
Si les différents modes de transports se prennent assez facilement en main, il faut noter l’inutilité de la fonction « pilotage automatique » (sauf si on aime se coincer dans des murs), surtout quand on la compare à celle de jeux comme Yakuza Infinite Wealth par exemple. Pour le reste, on change d’arme grâce à la touche B, on tire avec RT et on recharge avec RB. Les différentes personnalisations de véhicules peuvent être fabriquées grâce aux matériaux récupérés sur les ennemis ou bien trouvés dans des coffres spéciaux bleus.
Cinquante nuances de sable
Bien que son environnement soit majoritairement désertique, Sand Land est loin d’être monotone. Le mélange de cell shading pour les personnages et de 3D pour les décors rend particulièrement bien. Les lieux sont magnifiques, variés et la lumière est sublime. Que ce soit dans la verticalité des canyons rocheux ou dans l’horizon lointain des plaines sableuses où se dessinent seulement quelques dunes, le jeu est beau. Tout simplement. Grâce au soin apporté aux décors, il est agréable de se balader à travers Sand Land pour l’explorer ou partir à la recherche de quêtes annexes.
Ces dernières sont nombreuses et se déclinent de multiples façons afin d’éviter la monotonie. Bien sûr, il n’est pas question de prétendre que Sand Land réinvente le RPG, mais il se montre suffisamment varié et inventif pour empêcher l’ennui que peut provoquer la répétition d’une mécanique. Certaines proposeront des choix multiples qui influeront (un peu) sur certains aspects du jeu. Après avoir découvert la ville de Spino, de nouvelles quêtes permettant de la reconstruire feront leur apparition. Il s’agira, la plupart du temps, d’aider un personnage pour ensuite lui proposer de s’installer en ville. Les habitants ainsi recrutés permettront d’ouvrir de nouvelles boutiques et de proposer des services exclusifs à Beelzebub. La ville elle-même se transformera au fur et à mesure de l’avancée du scénario, passant d’un bidonville à une véritable cité.
Les différents donjons éparpillés sur la carte, des temples oubliés faits de pierres sculptées et de couloirs obscurs, sont en revanche très similaires. Ils sont conçus avec les mêmes tronçons de map, mais assemblés différemment, ce qui donne souvent l’impression que l’on explore un endroit déjà visité. D’autant que la plupart d’entre eux sont accessibles très rapidement, mais que beaucoup demanderont d’avoir débloqué des véhicules bien particuliers pour pouvoir être fouillés de fond en comble. Le point le plus désagréable de ces zones réside cependant dans les lignes de dialogues des personnages, qui sont trop peu variées et qu’ils répètent à un intervalle si régulier qu’elles en deviennent agaçantes.
Du côté des ennemis, il faudra affronter des animaux sauvages (raptors, scorpions, cobras…), des soldats du roi (avec leurs véhicules) et des bandes de pillards (dont certains offrent des boss corsés). Le jeu déploie une faune hostile et colorée tout à fait fidèle à l’œuvre d’origine. Certains boss seront les sujets de quêtes de chasse et leur élimination rapportera des Zenis au joueur.
Une adaptation à la fois fidèle et ambitieuse
Si Sand Land respecte globalement l’œuvre originelle, il présente quelques différences. Elles sont parfois mineures, comme par exemple Rao qui se nommait Lao dans le manga (mais les différences de traductions sont compréhensibles à 20 ans d’écart), ou plus importantes, comme l’ajout du personnage d’Ann, qui permet de justifier l’amélioration des véhicules et qui propose un nouvel arc narratif. Certaines de ces adaptations sont particulièrement intelligentes et bien intégrées, comme le choix de rapporter l’état actuel de Sand Land avec nos propres problèmes environnementaux (il n’était question que de guerre dans le manga), qui permet de crédibiliser l’univers.
Le jeu a beau être particulièrement drôle, comme Toriyama savait si bien l’être, il ne manque pas de moments graves. Par exemple, lors d’une quête annexe, l’un des choix du joueur peut entraîner la mort assez violente d’un personnage. Il faut également noter le sous-texte social et politique derrière Sand Land, qui dépeint un monde dictatorial où la faute est rejetée sur les démons. Ces derniers ne sont pourtant que des farceurs, pas des assassins, bien qu’on les accuse des nombreux maux qui frappent l’humanité.
Tout ça, c’est jusqu’à la fin de la première moitié du jeu, qui correspond au dernier chapitre du manga. Après ça, pour permettre au titre d’avoir une durée de vie confortable, les développeurs ont ajouté une suite. Elle propose autant de bonnes idées que d’autres très moyennes, malgré une utilisation correcte des codes du manga. Chacun se fera son propre avis sur la question, mais il est dommage que certains choix de récit viennent fragiliser une première partie pourtant aboutie scénaristiquement en lui faisant perdre en cohérence.
La durée de vie du titre, quêtes annexes non inclues, avoisine les 30 heures, mais il est probable que la plupart des joueurs qui désirent explorer chaque recoin y passent bien plus de temps. Aucun bug majeur n’a été à signaler durant notre test, en revanche il faut noter une absence de défilement des dialogues particulièrement pénible : concrètement, durant une cinématique, il faut faire avancer la scène en appuyant sur A après avoir lu chaque ligne de texte. Si cela permet aux lecteurs les plus lents de ne rien rater, il est dommage que le défilement ne soit pas configurable dans les options afin de permettre à ceux qui le souhaitent de poser la manette.
Testé sur Xbox Séries X