Manor Lords est le fruit du travail d’un seul développeur, Slavic Magic, le pseudonyme de Greg Styczeń, résidant en Pologne (pays qui se distingue de plus en plus dans le domaine du jeu vidéo depuis la dernière décennie). Après plus de 7 ans de développement, nous avons enfin pu mettre la main sur l’un des meilleurs city-builder. Ce jeu combine plusieurs genres, notamment un mode RTS inspiré de la série Total War. La version anticipée de Manor Lords sera disponible le 26 avril prochain et intégrera directement le catalogue du PC Game Pass, avant une sortie sur consoles.
Un peu de contexte
Dans le monde du jeu vidéo, Manor Lords se distingue comme une expérience à part entière. Il nous plonge dans la période tumultueuse du Moyen âge, où les seigneurs luttent pour le contrôle des terres et des ressources. Son mélange assez unique de gestion de domaine, de diplomatie et de combats stratégiques offre une expérience immersive qui nous transporte dans un univers riche en rebondissements et parsemé de défis.
Le cœur du titre réside dans la gestion du domaine, qui constitue une mécanique complexe mettant les joueurs au défi de prospérer dans un monde médiéval impitoyable. Il faut allouer les ressources en les répartissant intelligemment entre l’expansion des propriétés, le développement de l’infrastructure et le bien-être de la population. Chaque décision aura des répercussions sur le long terme, il est donc nécessaire de jongler habilement entre les besoins immédiats de notre domaine et nos ambitions pour le futur.
À cette mécanique de city-builder, s’ajoute la facette RTS. Des bandits parcourent les différentes régions et peuvent attaquer nos villages à tout moment. Il faut alors préparer nos défenses en formant une milice ou en recrutant des mercenaires. Ces combats sont un parfait entraînement pour pouvoir faire face aux nombreuses guerres qui nous attendent.
Enfin, l’aspect technique de Manor Lords est tout simplement bluffant. Toutes les actions des PNJ sont animées, de la construction planche par planche des maisons à l’abattage du bois jusqu’à son stockage. Il n’y a aucun temps mort dans la vie de nos villageois. Ajoutons à cela les merveilles dont est capable le moteur Unreal Engine et vous obtiendrez un jeu médiéval totalement immersif.
Une prise en main enfantine
Ce qui est assez surprenant avec Manor Lords, c’est qu’il propose une expérience de jeu poussée, avec des mécaniques de gameplay cohérentes, qui favorisent la compréhension du déroulement du jeu.
Il n’est pas question de s’adapter à d’obscures fonctionnalités propres au jeu, il faut tout simplement être logique et raisonner comme on le ferait dans la vie courante. Les chaînes de production, d’approvisionnement et autres sont parfaitement réalistes.
Le début de la construction d’un village nécessite une poignée de ressources basiques, il faut donc commencer par couper du bois, créer un bâtiment de stockage et y allouer des villageois. Il est difficile de décrire le ressenti en jeu, mais tout coule de source, et ce dès les premières minutes.
Comme c’était le cas au Moyen âge, lorsqu’on affecte une personne à une tâche, ce n’est pas seulement le père qui s’y consacre, mais toute sa famille qui contribue à l’effort. Par exemple, dans une boulangerie, l’homme ou la femme prépare le pain et l’autre tient la boutique. Dans Manor Lords, cette mécanique est au cœur de l’expérience : une famille affectée à une exploitation de ressources se charge de la produire et de la proposer au village via un étal au marché.
De plus, si on le souhaite, certaines habitations peuvent être dotées d’arrière-cours dans lesquelles il est possible d’installer des potagers, des poulaillers ou, plus tard dans le jeu, des ateliers d’artisanat tels qu’une forge ou un atelier de couture. Si la famille possède ce type de maison, elle ne pourra pas aider la personne chargée de la production de la matière première et sera automatiquement assignée à la production secondaire de la maison.
La création de villes est plus naturelle que jamais dans Manor Lords. La logique de fonctionnement a été travaillée aux petits oignons pour un résultat très satisfaisant. On se rend très vite compte que ce souci du détail n’est pas le seul présent dans le titre.
Outre ces aspects de mécaniques de gameplay, c’est le jeu dans son ensemble qui bénéficie d’une finition assez rare. Rien que la création de routes est appréciable : la ligne tracée s’ajuste parfaitement aux aspérités du terrain ou épouse idéalement les bâtiments qu’elle croise. Il faut comprendre que l’ensemble des aspects du jeu sont criants de réalisme tant le tout est organique et vivant.
Couplons la cohérence et la crédibilité de la construction de villages avec l’ensemble des animations des PNJ, et cela donne un jeu bluffant de vraisemblance.
Comme expliqué brièvement en introduction, toutes les actions des PNJ sont animées. Si un feu se déclare dans le village et qu’il n’y a qu’un seul puits à l’entrée, tous les villageois iront chercher des seaux pour les remplir là-bas et retourneront jeter l’eau sur l’incendie. On comprend donc que, plus il y a de puits, mieux c’est. Un transporteur ira récupérer le bœuf ou la charrette là où il les a laissés en dernier lieu pour se rendre ensuite à l’endroit où il doit charger les marchandises, puis aller là où il doit les livrer. Autre exemple avec la production de bière : les taverniers vont récupérer les tonneaux sur leur lieu de fabrication et les font rouler en passant par les chemins, de manière à les acheminer jusqu’à la taverne. Il faut donc être attentif à placer judicieusement les sites de production et de vente.
Un jeu en constante évolution
Manor Lords bénéficie de trois modes de jeu : “Bâtir et prospérer” (qui ne propose pas de combat), “Restaurer la paix” (qui demande de défendre ses terres et de vaincre un baron) et enfin "Sur le fil” (où la zone est infestée de pillards qui harcèleront les villages).
Ces trois modes offrent un juste équilibre entre tout ce que propose le jeu. On y trouve une session qui se consacre uniquement à l’aspect city-builder, une expérience équilibrée entre construction et combat, ainsi qu’une autre centrée essentiellement sur les batailles.
D’autres modes arriveront par la suite, notamment multijoueurs et offrant une expérience proche de ce que peut proposer la série des Age Of Empire, par exemple.
D’ailleurs, Slavic Magic (le développeur) met régulièrement les joueurs à contribution en vue des prochaines mises à jour. Depuis le Discord du jeu, le studio met en place des sondages concernant les éléments à intégrer en priorité ou le choix entre différentes futures mécaniques de gameplay.
L’expérience de jeu proposée à la sortie est déjà très solide, mais de nouvelles fonctionnalités arriveront encore petit à petit. Elles incluront la gestion de la fertilité des champs, le choix de politiques des villes, un arbre de spécialisation dans un domaine plus poussé (commerce, agriculture, métallurgie, etc.) et plein d’autres choses comme de nouvelles chaînes de productions, ainsi que de nouvelles troupes (des cavaliers, par exemple).
Pour finir, la possibilité de personnaliser certains bâtiments, comme le manoir ou l’église, sera ajoutée. Aujourd’hui, seuls des modèles prédéfinis sont disponibles, mais à l’instar de Foundation il sera envisageable de choisir l’apparence des bâtiments clés lors de leur construction.
Cependant, nous pensons que quelques éléments d’affichage manquent encore afin de mieux comprendre le fonctionnement d’une chaîne de production. Il serait également intéressant d’avoir de la visibilité sur l’offre et la demande du village, ainsi que des représentations graphiques, par exemple sur la répartition des consommations de produits par saison, pour mieux anticiper l’hiver.
Il est, en effet, parfois difficile de comprendre ce qui coince : est-ce le stockage, la logistique ou une maison trop éloignée du marché ?
Le côté RTS
Évoqué à plusieurs reprises, le gameplay de Manor Lords est enrichi grâce aux combats qui embrassent le genre RTS. Ce ne sont pas de simples villageois qui défendent leurs villages ou qui partent à la guerre sans gameplay spécifique. Non, ici, il s’agit bien d’un jeu dans un jeu, tout aussi soigné que la partie city-builder.
Dans les modes de jeu “Restaurer la paix” et “Sur le fil”, plusieurs groupes de pillards installent des camps dans les différentes régions. Cela commence par de simples vols de ressources sans affrontement, puis très vite il arrive que des bandes de bandits se forment pour mener des assauts. Dans ce cas, deux solutions s’offrent au joueur, monter une milice pour défendre le village ou bien engager des mercenaires.
Encore une fois, la répartition de la famille est importante. Les hommes qui sont appelés au combat quittent leur travail, ce qui oblige les femmes et les enfants à s’occuper de tout. Pendant la guerre, l’économie du village tourne au ralenti. Il se peut alors que certaines chaînes de production manquent de ressources selon la manière dont les tâches ont été réparties au préalable.
De même, savoir que ce sont nos hommes qui sont sur le champ de bataille prend également une autre ampleur : si nos troupes meurent au combat, ce sont des familles toutes entières qui seront impactées, ainsi que l’activité du village. Si le forgeron ou le cordonnier périssent, il faudra attendre un certain temps pour qu’une nouvelle famille les remplace…
Employer des mercenaires peut donc être une bonne alternative, mais le prix de la vie a un coût et les compagnies d’armes ne sont vraiment pas données en début de partie. Il faut donc composer habilement entre milice et mercenaires en fonction de nos ressources, pour optimiser nos chances de survie.
À moyen terme, les pillards seront forcément une épine dans le pied. Cependant, c’est surtout lors des déclarations de guerre et des revendications de territoire que les batailles prennent tout leur sens. Les affrontements peuvent engager jusqu’à 100 ou 200 troupes contre 200 (voire plus), en mélangeant différentes classes d’armes : archers, guerriers légers/lourds, lanciers et hallebardiers.
La diversité de ces troupes permet plusieurs compositions et stratégies, telles que le positionnement d’archers en embuscade dans la forêt ou l’utilisation d’une infanterie légère qui contourne une escouade ennemie pour la prendre à revers.
Une bonne partie des options classiques de gameplay sont déjà implémentées, comme le choix de lever les boucliers contre les archers, de resserrer les rangs, de marcher plus vite, ou de se mettre en position défensive. Une bonne panoplie de paramètres, qui laissent présager de très jolies joutes et des combats à grande échelle.
Alors oui, tout n’est pas encore parfait. Il arrive parfois que certains ordres ne soient pas pris en compte et que les déplacements de troupes ne suivent pas le trajet indiqué. Il y a encore quelques bugs mineurs, mais pour un accès anticipé ce n’est vraiment pas alarmant.
D’ailleurs, chapeau bas pour le si peu de bugs sur ce type de version, surtout qu’il s’agit du travail d’une seule personne. Mais, il arrive que le jeu crash sans raison apparente et qu’un bug fasse que plus personne ne rejoigne notre village malgré les maisons libres et la jauge de bonheur à plus de 50%. Cela reste un bug très mineur qui peut largement être corrigé d’ici à la sortie du jeu le 26 avril.
Enfin, pour terminer sur une note positive, Manor Lords est une totale réussite technique. L’immersion dans les paysages est très soignée et flatte constamment la rétine. Il y a de nombreux effets visuels qui rendent très immersif l’univers dans lequel nous évoluons, entre le vent, la météo dynamique, les saisons et les effets de lumière, c’est réellement surprenant. Et, pour couronner le tout, il y a même une vue TPS qui permet de prendre la place de notre Lord n’importe où sur la carte. On s’y déplace comme dans Mount & Blade et c’est tout simplement génial !
Testé sur PC avec une RTX 2060 qualité ultra en 1440p et 60 à 70 FPS