Bien que cet article a été écrit avant le taulé sur Assassin’s Creed Unity, il s’inscrit parfaitement dans la même optique de dénonciation du sempiternel syndrôme du jeu non terminé lâché dans la nature. Même si un développeur/éditeur annonce publiquement s’atteler à la réparation de tous les bugs une fois le jeu sorti, cela n’excuse en rien à cette pratique. Et à force, on en vient à se poser certaines questions sur des jeux à venir dont les acteurs de sa création sont loin d’être exempts de tout reproche, comme pour le futur Star Wars Battlefront.
A titre personnel, je dois avouer que l’annonce d’un nouveau Star Wars Battlefront m’a fait un effet de montagne russe. Passée la joie de voir revenir une licence phare des années 2000, il fallait bien avouer que la révélation du développement confié à DICE m’a glacé le sang tel une carcasse de tauntaun sur Hoth.
Pourtant, que Star Wars Battlefront se retrouve géré par le studio qui a créé Battlefield n’est qu’un juste retour des choses au final. Le premier Battlefront, sorti en 2004, était une transposition de l’univers de Star Wars dans un jeu aux mécaniques identiques à Battlefield 1942, la vue objective pour quasi seule différence. Il se murmure d’ailleurs que le nouveau Battlefront se jouera en vue subjective, le rapprochant encore plus de son illustre modèle.
Le souci, c’est que le DICE de Battlefield 1942 de 2002 n’est plus le DICE de 2014. En 12 ans, beaucoup de choses ont changé. Passer sous le giron d’Electronic Arts de manière progressive depuis 2003, pour arriver à une quasi-fusion en 2006, y est-il pour quelque chose ? Les attentes ne sont forcément plus les mêmes, et la pression doit être à un autre niveau quand on a derrière soi l’un des plus gros éditeurs du monde qui nous tanne pour sortir notre jeu dans les temps (= en même temps que la concurrence).
Le paysage vidéoludique a changé également. Adieu les jeux peaufinés pendant plusieurs années, il faut aller vite, sortir un jeu dans une période donnée, prévoir des DLC, et directement plancher sur la suite qui sortira 1 à 2 ans après. Mais il faut se rendre à l’évidence, DICE ne peut plus tenir la cadence seul. Si, durant les années 2000, ils ont réussi l’exploit de sortir des jeux excellents comme RalliSport Challenge 1 & 2, Battlefield 1942, Battlefield Vietnam, Battlefield 2, Battlefield 2142 sur l’espace de quatre ans (2002-2006), puis Mirror’s Edge et Battlefield Bad Company la même année (2008), Bad Company 2 deux ans plus tard (2010), c’est à l’arrivée de Battlefield 3 et de ses DLC l’année suivante (2011) que DICE montre ses premières faiblesses récurrentes : bugs, mises à jour correctrices encore plus buggées, équilibrage douteux, manque de tests…
Les exigences actuelles de la production d’un jeu vidéo ne permettent plus à un studio seul de produire des jeux aussi importants et nécessitant toujours plus de tests et de calibrations dans des délais aussi courts. Si Activision a su trouver -et créer- les multiples studios pour réussir à sortir un jeu Call of Duty tous les ans pendant huit longues années, la simili-tentative d’EA avec la franchise Battlefield s’est soldée par un simili-échec : Battlefield 4.
Ce dernier s’est retrouvé sur le marché alors qu’il était très, très loin d’être terminé. Bourré de bugs, d’un manque flagrant d’équilibrage, et un netcode tellement catastrophique qu’il a fallu attendre presque un an après sa sortie et un programme de beta-test testé par les joueurs eux-mêmes, pour se retrouver avec un jeu multijoueurs digne de ce nom. C’est le monde à l’envers. Et le pire dans tout ça ? DICE (le “vrai” studio original, en Suède à Stockholm) n’y est pas pour grand-chose. C’est DICE Los Angeles (ex-Danger Close de Medal of Honor) qui a dû se retrousser les manches et mettre les mains dans le bazar qu’avait laissé derrière lui DICE Stockholm, avec une certaine efficacité il faut bien l’avouer.
Annoncer l’envoi de DICE sur le dossier brulant Star Wars Battlefront juste après le fiasco technique de Battlefield 4 avait donc de quoi inquiéter… C’est d’autant plus flagrant au vu des réactions publiques de ces derniers face aux soucis de ce dernier qui ont donné l’impression que les développeurs ne s’intéressaient pas aux problèmes des joueurs. Malgré leurs tentatives pour se faire pardonner en leur offrant par exemple un item in-game inutile (la fameuse lunette pour pistolet), montrant par là-même qu’ils étaient totalement pris au dépourvu, les apparitions sur les réseaux sociaux et forums officiels ont fait l’effet d’un je-m’en-foutisme total aux yeux des joueurs. On a l’impression que DICE a les chevilles qui enflent et considère les joueurs comme des adolescents jamais contents qui ne méritent pas le quart du mal qu’ils se donnent pour leur fournir des jeux. Niveau communication on a déjà vu mieux.
DICE serait-il devenu trop vieux pour ces conneries ? Ses membres se sont-ils sentis forcés de produire encore plus de Battlefield, tout comme Infinity Ward a été obligé de produire toujours plus de Call of Duty jusqu’à l’implosion ? Le fait que DICE Los Angeles ai été créé pour les épauler et que Battlefield Hardline soit développé par Visceral Games (auteur entre autres de la franchise Dead Space) tendrait à pencher pour cette théorie. Même si un Battlefield 5 a déjà été annoncé pour 2016, ce qui me semble à titre personnel bien trop tôt quand on sait que Star Wars Battlefront doit sortir en 2015…
En auraient-ils marre des joueurs actuels de FPS ? Dans un certain sens, on pourrait les comprendre… Mais qui est le plus compliqué à contenter entre le joueur de FPS et le fan de Star Wars ? Car ne nous voilons pas la face. Le prochain Battlefront sera scruté et jugé par la horde de fans Star Wars bien plus durement que n’importe quel Battlefield. Et c’est peut-être là la clé, celle qui pourrait nous rassurer quant à l’avenir du jeu : contenter les fans (dont font peut-être partie les membres de DICE), et… Disney.
Car Disney mise gros sur le renouvellement de la franchise Star Wars avec les nouveaux films en chantier et ce jeu (notamment après l’annulation de Star Wars 1313), et sans nul doute le deal a dû inclure des closes strictes et une surveillance intensive de l’œil tout puissant de Mickey. Il y a fort à douter que Disney les laisse faire n’importe quoi, ou les oblige à sortir un jeu mal fini et pas au point pour contrer une quelconque concurrence (qui n’existe tout simplement pas). Reste cependant les impératifs de calendrier, DICE ne comportant que 300 personnes environ, des retards restent à craindre. C’est surement pour cette raison d’ailleurs que DICE LA et Visceral Games ont parfois été cités comme participant au développement du jeu (mais rien d’officiel néanmoins, à ma connaissance). Prions pour que les beta-test et le contrôle qualité ne soit pas encore une fois les victimes de ces possibles retards…
Reste un dernier détail à craindre : le Frostbite 3, moteur du futur Battlefront et de Battlefield 4. Déjà avec le Frostbite 2 et Battlefield 3, la destruction du décor qui était tellement mise en avant se révélait un peu faiblarde, à des kilomètres de ce que proposait un Bad Company 2 par exemple . Et cette sensation se répète sur Battlefield 4 bien que la destruction ne soit plus du tout mise en avant dans les discours promotionnels, tout comme pour Battlefield : Hardline. Ajoutons à ça que le souci de netcode du multijoueurs est du en partie au trop grand nombre de choses à calculer dans l’espace de jeu, souci qui a empiré exponentiellement entre Battlefield 3 et 4, symbolisé par le passage du Frostbite 2 au 3. Pourtant Bad Company 2 utilisait très bien la version 1.5 du moteur, et le prochain Dragon Age : Inquisition, qui comme par hasard n’est pas un jeu multijoueurs de la même envergure, semble parfaitement être à son aise avec le Frostbite 3. L’évolution du Frostbite l’a-t-il rendu inapte aux shooters multijoueurs où un netcode de qualité est important ? Pourquoi ? Peut-être à cause de l’avènement des graphismes…
Même si cela les arrangeait bien financièrement, Activision avait-il compris qu’un moteur avec des graphismes de haut niveau n’était pas compatible avec un shooter multijoueurs en ligne “exigeant” ? Les Call of Duty, ou même Titanfall ne brillent pas par leurs graphismes, et pourtant leur gameplay fonctionne parfaitement manette en main, mais ils ne sont jouables qu’à peu de joueurs simultanément. Quand on y réfléchit, quel autre shooter multijoueurs en masse exigeant avec des graphismes de hautes qualité existe-t-il ? Sur console, aucun (Killzone Shadow Fall n’est jouable qu’à 24 sur des cartes de taille moyenne). Sur PC, il y a bien Arma 3, avec des graphismes et une physique largement plus réalistes que Battlefield 4, mais étant uniquement développé pour le PC, il peut se permettre des choses que ne peuvent pas les jeux qui sortent sur console, même s’il n’est pas exempt de soucis en multijoueurs également.
Battlefront sera donc surveillé de très près, puisqu’il confirmera ou pas les qualités du Frostbite 3 dans les jeux massivement multijoueurs.
Rassurons-nous un peu en nous disant que les Battlefront n’ont jamais été des jeux réalistes, où il fallait être d’une précision millimétrique et où deux coups peuvent tuer. L’intérêt du jeu réside ailleurs.
Espèrons qu’il en sera toujours ainsi, et qu’EA continuera sur la voie qu’il semble avoir pris avec Bioware et son Dragon Age Inquisition, en leur laissant les coudées franches et sortir leur jeu une fois qu’il était prêt. De notre côté en tant que joueurs, n’oublions pas qu’une carotte sous la forme d’un trailer bien mis en scène ne doit pas nous faire oublier qu’une nouvelle fois parmi tant d’autres, des entreprises nous ont manqué de respect en nous vendant des jeux en beta-test ou morcelés en divers DLC. Car sans notre argent, il n’y aurait aucun jeu, aucun bénéfice, et aucun actionnaire qui dicterait sa loi.