Sur le net (et dans la presse) on trouve un peu partout des tests de jeux, et Xboxygen ne fait pas exception. Pourtant, quand on voit les débats que provoquent parfois les avis des testeurs, on se pose forcément des questions sur leur utilité. Que le testeur ose donner une opinion qui n'est pas dans ce qui doit être normalement attendu, et c'est une cascade de critiques qui s'écoule, non pas pour argumenter sur le jeu en lui-même, mais sur la pertinence de son test. On oublie en chemin que le testeur, appliqué, a passé des heures sur le jeu, et a réfléchi à ce qu'il allait écrire.
Alors quel sens ont les tests ? C'est à cette question qu'on va tenter de répondre, et nous avons besoin de votre avis pour participer à la réflexion. Pour la première fois l'édito est donc accompagné d'un sondage… Je vous demanderai juste de commencer par lire mes arguments avant d'y répondre. Et si vous acceptez de donner votre contribution en étayant votre point de vue, alors vous pourrez vous dire que vous aurez participé à un débat déjà bien avancé au sein de la Rédaction.
En préambule, je dois avouer que le sujet traité me touche directement, une de mes fonctions sur Xboxygen, celle qui me prend le plus de temps, étant de tester des jeux. Ça fait longtemps que j'ai perdu le compte du nombre de tests que j'ai pu rédiger, j'en ai maintenant une certaine habitude, et pourtant je continue de me poser des questions sur la façon dont sont perçues mes appréciations.
Je ne vais pas vous parler de méthode, de plans de rédaction ou de qualité d'écriture, mais plutôt du contexte dans lequel on se situe quand on s'attaque au test d'un jeu.
Curieusement, nous devons composer avec des conventions non-écrites et pourtant universellement admises qui définissent ce que doit être un test, et dans l'ultra-majorité des cas, cela pourrait se résumer à une seule finalité : donner une note à un jeu. C'est bien la note, et non pas le test, qui va être discuté par les lecteurs, on le voit très bien dans les commentaires.
Avec un peu d'expérience, on sait même avant de lancer le jeu et d'appuyer sur start quelle doit être la note qui ne fâcherait personne, celle qui est attendue, celle que je qualifierais de "politiquement correcte". Si tout le monde se fout des appréciations faites sur ce que nous appellerons les petits jeux (et cela n'a rien, mais alors rien de péjoratif), dès qu'on s'attaque à un jeu attendu, on sait que si on ne veut pas s'attirer les foudres d'une partie des lecteurs il faut donner une note haute, ou bien neutre. De la même façon, un jeu attendu, mais bénéficiant d'un buzz peu favorable doit au maximum avoir 3 manettes…
La solution de tranquillité est donc de gentiment se plier à cette règle informelle, et personne n'y trouvera rien à redire. C'est ce qui se passe dans la majorité des tests un peu partout.
La conséquence est un résultat uniforme, un consensus mou se résumant à un chiffre, et gommant les différences d'opinions comme si les testeurs étaient des robots partageant la même analyse.
Si cela est si facilement admis, c'est qu'on justifie cette uniformité par l'étonnante notion d'objectivité prétendue qu'est censé représenter le testeur. Notion qui bien entendu ne tient pas une seconde si on y réfléchit un tant soit peu. Les jeux vidéo, à l'inverse de la peinture, la musique, le cinéma, bref, à l'inverse de tous les autres loisirs créatifs, semblent ne pas bénéficier du droit à la diversité, que ce soit pour eux-mêmes ou pour leur public.
Je dois avouer, en tant que testeur, que ce concept m'ennuie profondément, et que ce ton impersonnel ne m'intéresse pas du tout.
Une fois que j’ai bien vidé mon sac sur la logique des tests de jeux vidéo, qu'en est-il chez Xboxygen ?
Et bien si vous lisez nos tests vous avez sans doute déjà une idée de la réponse ! Globalement, on se plie au format classique, et on vise cette fameuse objectivité que j'ai critiquée juste au-dessus !
Nous l'appliquons aux éléments techniques du jeu ou à son contenu, et c'est ce qui compose une partie de notre appréciation. Mais dans le même temps, nous laissons une liberté totale au testeur pour qu'il rende compte de son opinion. Quand nous ne sommes pas d'accord entre nous, c'est donc bien l'avis du testeur qui prime, puisque c'est lui qui rédige son texte. Il n'y a pas que les éléments techniques qui sont examinés, mais aussi ce qui est sujet à la sensibilité du joueur : les thèmes abordés par le jeu, son traitement artistique, ses objectifs, à quels joueurs il s'adresse… Autant d'éléments qui seront retranscrits différemment suivant l'auteur du test. En effet, nous ne sommes pas attirés par les mêmes choses. En ce qui me concerne, par exemple, j'attache une importance toute particulière au traitement artistique du jeu, que cela soit pour sa musique, son style graphique ou surtout sa mise en scène. Plus d'une fois je me suis laissé aller à fortement développer ces aspects dans mes tests, au détriment d'une description exhaustive du gameplay ou du contenu du jeu. Sur un même titre, il est probable qu'un autre testeur aurait fait autre chose… et c'est tant mieux !
La limite d'un traitement objectif, ajouté à la logique de résultat attendu, rend à peine utile la lecture du texte que le testeur s'est fatigué à rédiger. Sur bien des sites (et pas des petits), on s'en rend parfaitement compte sur le traitement des jeux kinect, systématiquement descendus (et parfois manifestement à peine essayés…mais ça c'est une autre histoire) sans que soit pris en compte le public visé. Étrangement, ces jeux jugés faiblards peuvent fonctionner à fond sur le public qu'ils visent. Le public aurait donc tort ? C'est la même chose pour les jeux adressés aux enfants ou pour les jeux de niche. Pourquoi juger comme un défaut une grande difficulté dans un jeu de simulation ? Pourquoi juger comme défaut la facilité dans un jeu adressé à un public familial ? L'objectivité devrait se trouver confrontée à la réalité des joueurs concernés par le jeu. Le fameux gamer trouve étrange qu'un jeu de danse puisse être très apprécié ? Et bien celui qui n'aime pas le foot se dira la même chose à propos du dernier FIFA en date… La vérité absolue n'existe pas, et Einstein a bien raison : tout est relatif.
C'est bien beau tout ça, mais alors on fait quoi ? Vous imaginez bien que si j'ai été si loquace jusqu'à présent, c'est que j'ai une thèse à soumettre !
Je pense que l'intérêt d'un test n'est pas de si situer dans une moyenne, mais plutôt d'exprimer une opinion argumentée. Le testeur aime, ou n'aime pas, mais il explique pourquoi. A partir du moment où c'est le cas, le lecteur peut adhérer, ou pas, à cet avis, mais au moins il peut se faire une idée de ce qu'il va trouver quand il glissera le DVD dans sa console. Un jeu peut donc avoir été apprécié par un testeur, mais si le lecteur n'est pas sensible à ce qui est mis en avant pour justifier cet intérêt, alors il en retire quelque chose (ce n'est pas pour moi), et passera son chemin. L'inverse est tout aussi exact. Un jeu critiqué par un testeur parce qu'il est trop bourrin, par exemple, ira très bien à celui qui aime les jeux bourrins. Le lecteur retire quelque chose de l'avis donné, et cela peut donc l'aider à faire un choix : c'est comme quand Télérama critique un film d'horreur. S'ils aiment, c'est que c'est plutôt chiant, alors que c'est bon signe quand ils critiquent les débordements gores ! L'auteur du test ne doit donc pas chercher à se couler dans un moule pour livrer un test impersonnel, mais au contraire assumer son opinion et la livrer au lecteur. La seule chose qu'il doit garder en tête est que son avis, quel qu’il soit, se doit d'être argumenté. On ne va pas mépriser un lecteur qui n'a pas les mêmes goûts, ni chercher à caresser dans le sens du poil ceux qui ont les mêmes inclinaisons. On peut parfaitement imaginer que le test d'un jeu comme Call of Duty puisse être dithyrambique pour celui qui aime les jeux multi nerveux, ou au contraire dépité pour celui qui est lassé des FPS scriptés et qui ne voit rien de nouveau dans un jeu en ligne qui tourne en rond. Les deux avis sont tout aussi valables, et s'ils sont correctement exprimés, le lecteur s'y retrouvera et saura où lui se situe.
Les lecteurs sont-ils prêts pour ça ? Peuvent-ils lire un texte qui s'assume comme étant un avis ne prétendant pas être objectif, en profitant de cette prise de position pour se faire leur propre idée ?
Quand nous avons publié le test très positif de Resident Evil 6, l'auteur a dû subir la vindicte des lecteurs, et n'a pas été loin de se faire insulter, alors qu'il explique très bien pourquoi il a aimé le jeu. Pour être tranquille il aurait dû pondre le test attendu, c'est-à-dire un texte mesuré qui donnerait satisfaction à tout le monde. Mais parmi ceux qui ont critiqué sa prose, combien ont vraiment lu ce test ? Combien se sont juste arrêtés à la note, lisant tout au plus la conclusion ? Heureusement, dans ce débat, d'autres lecteurs ont prouvé qu'il était possible de respecter les opinions diversifiées.
Une solution serait donc, et c'est ce à quoi il faut répondre dans le sondage, de simplement supprimer les notes. Le débat se focalise là-dessus, comme si cela résumait de façon définitive un jeu, réduit à un nombre de manettes. Notion scolaire, et donc plutôt puérile, qu'on pourrait peut-être dépasser. Les lecteurs seraient donc "obligés" de VRAIMENT lire le test, et y trouveraient les réponses qu'ils attendent. Qu'ils soient d'accord ou pas, ils y trouveraient un avis, pas juste une moyenne. Quand on demande l'avis de quelqu'un, c'est pour qu'il réponde quelque chose de moyen et attendu, ou bien pour connaître son opinion ? Nous sommes plusieurs à penser à la Rédaction que le public d'Xboxygen est suffisamment mature pour voir au-delà d'un simple avis chiffré. Peut-être qu'on se fait des idées, ou peut-être n’êtes vous absolument pas d’accord avec moi et que vous pensez qu’il n’y a rien de puérile à mettre une note à un jeu ! A vous de nous le dire, car après tout, si nous passons tant d'heures sur tant de jeux, puis devant nos claviers pour rédiger nos tests, c'est avant tout pour vous.