C'est en discutant avec Jarel, un autre vieux radoteur du jeu vidéo, que l'idée de cet édito m'est venue.
Au centre de la discussion : la nécessité qui semble presque ablsolue qu'il y ait de l'action dans tous les types de jeux. Comme si le joueur d'aujourd'hui ne pouvait pas concevoir que la galette qu'il insère dans sa console ne lui offre pas sa dose de shoot, de sauts, d'esquives ou de martelage de boutons. C'est une évolution qu'on peut clairement observer au fil du temps, mais est-ce bien le joueur qui réclame cela, ou bien seraient-ce les développeurs qui les ont éduqués en ce sens depuis des années, juste parce que ça les arrange ?
Quelle que soit la réponse, c'est en tout cas un état de fait, les amateurs de jeux dont l’action n’est pas le moteur du gameplay se réduisent à peau de chagrin, et sont d'ailleurs essentiellement des vieux de la vieille qui ont connu une époque où les jeux calmes existaient. Histoire de dissiper tout malentendu (et d'éviter toute moquerie) : non, la raison n'est pas que les vieux ont des réflexes tout émoussés et n'y arrivent plus. Je vous rappelle qu'en langage vidéoludique, la vieillesse commence à 30 ans, alors gommez immédiatement l'image mentale d'un croulant aux cheveux blancs qui s'est formée dans votre esprit.
C'est juste que nous avons connu des jeux qui étaient considérés comme des méga hits, sans pour autant demander au joueur de verser la moindre goutte de sueur. A l'inverse ces jeux demandaient d'utiliser ses neurones. C'est peut-être pour ça qu'ils sont tombés en désuétude ! Des jeux légendaires comme Day of the Tentacle, Secret of the Monkey Island, Space Quest, Leisure Suit Larry ou Loom (je vous épargne un retour encore plus lointain dans le passé) proposaient juste de cliquer sur l'écran. Même chose chez les Japonais, dont les célèbres jeux de rôle de la grande époque se jouaient au tour par tour, poussant le joueur à réfléchir à sa stratégie pour vaincre. Plus près de nous, Knights of the Old republic, grand jeu de Bioware, incluait un système dynamique, mais lui aussi basé sur le tour par tour. Aujourd'hui, il arrive encore qu'un OVNI (Objet Vidéoludique Non Identifié) débarque sur nos écrans, comme l'excellent Gray Matter, mais c'est devenu tellement rare…
A la place, les jeux de rôle sont devenus en temps réel, et on frappe ses adversaires comme dans un Beat Them All.
Vous ne voyez pas un point commun dans tous ces jeux où l'action était absente ?
Ils racontaient une histoire. Ils distillaient une ambiance. L'histoire et l'univers exposés étaient les stars du jeu, pas le nombre de combos qu'on peut faire. Je constate que les plus grands jeux d'un point de vue narratif ou du point de vue de la force du propos soutenu sont des jeux dont l'action n'est pas le moteur. Si Final Fantasy VII (le dernier grand jeu de la saga) est un classique, ce n'est pas pour l'action qu'il propose. Quelqu'un qui commencerait le jeu aujourd'hui aurait des étoiles dans les yeux, comme à l'époque de sa sortie. Parce que l'histoire est bien racontée, et parce que l'univers développé a sa personnalité propre qui se suffit à elle-même.
Ce ne sont pas seulement les jeux de rôle qui sont concernés. Le genre "survival" est par exemple l'exacte illustration de mon propos du jour. Si on regarde l'évolution des deux séries phares, Resident Evil et Silent Hill, c'est plus que parlant. Dans les deux jeux, on a des armes, des munitions, et il y a bel et bien des scènes d'action. Mais si on se souvient bien du premier épisode de Resident Evil, la meilleure tactique était encore d'éviter le combat, ou de le rendre aussi bref que possible. C'était d'autant plus flagrant que la maniabilité limitait de fait une action frénétique. La majeure partie du temps, on explorait, on cherchait le meilleur moyen d'éviter des monstres, trop forts pour nous…Et les combats inévitables contre les boss, si on était un peu malin, devenaient de simples formalités pour peu qu'on ait les munitions appropriées. Dans les suites, le jeu est devenu de plus en plus axé sur les combats, au détriment de l'histoire.
C'est encore plus flagrant avec Silent Hill. Dans les deux premiers épisodes, on ne fait tout simplement pas le poids face à l'adversité, et la fuite ou l'évitement est toujours la meilleure solution. C'est un moyen de souligner la vulnérabilité du héros, ce qui entre parfaitement dans le cadre de l'histoire. Si on avait eu la possibilité de se la jouer gros bras, Silent Hill 2 aurait-il été aussi profond ? Quand des années plus tard on croise un Silent Hill Homecoming, le résultat est désastreux : la peur de l'inconnu est remplacée par des roulades et des coups de couteau.
Qu'est-ce qui reste de ces jeux ? De quoi se souvient le gamer des années après ? Pas des passages d'action, mais de l'histoire racontée, de passages géniaux où la pression ne vient pas de la capacité du joueur à correctement enchaîner des combos.
Le premier Tomb Raider comportait bien des séances de shoot…Qui s'en souvient ? Ce qui a marqué, c'était la découverte, l'exploration, l'observation de niveaux piégeux. Les suites se sont vautrées dans des successions de gunfights en oubliant en chemin l'essence même du produit d'origine (à l'exception notable de l'excellent Tomb Raider Underworld retrouvant la magie de l'original).
Je n'ai rien contre l'action, mais ce qui m'agace c'est qu'elle est trop utilisée pour camoufler la vacuité du jeu livré. Dans trop de jeux, il est évident qu'un univers est développé, souvent avec talent, mais que ça coince ensuite sur le "on en fait quoi maintenant ?". On va mettre des bastons dans des arènes ! On va mettre de gros flingues ! On va mettre des pouvoirs magiques et des upgrades !
Seul le décor change, l'ambiance, les sensations véhiculées, l'histoire, les astuces originales de gameplay sont oubliées.
J'ai l'impression qu'on prend le problème à l'envers, soignant ce qu'on a déjà vu 1000 fois, en oubliant qu'un concept de départ est nécessaire à un jeu pour qu'il ait sa personnalité.
L'action du vieux (et génial) Soul Reaver, je suis preneur ! Elle n'est pas le pilier du jeu, mais l'aboutissement de ses idées.
Je ne crache pas non plus dans la soupe, je suis un vrai fan des Gears of War et des Halo, uniquement basés sur des affrontements, mais si de mon point de vue ça fonctionne pour ces jeux, c'est parce que l'action n'efface pas la personnalité même de ces jeux. On part bien d'un vrai concept de départ.
Je ne réclame en rien la suppression de l'action dans les jeux, juste un peu plus de diversité. C'est ce qui se passe sur le XLA, pourquoi ne pas étendre cette logique pour des jeux boîte ?