par Rone » 04 Nov 2009, 08:47
John Mac Tiernan
Predator (1987)
Piege de Cristal (1988)
A la poursuite d’Octobre rouge (1990)
Medicine Man (1992)
Last Action Hero (1993)
Une journée en enfer (1995)
Le 13ème guerrier (1999)
Thomas Crown (1999)
Rollerball (2002)
Basic (2003)
Parfois, il y a des réalisateurs qui n’ont pas la renommée qu’ils méritent.
Mac Tiernan, un peu oublié depuis maintenant quelques années, est de ceux-là.
C’est bien simple, je n’ai même pas trouvé ça filmo sur Wickipedia. Et pourtant, en voilà un avec un talent immense qui nous a pondu quelques grands films qui sont devenus rien de moins que des classiques.
Tout n’est pas parfait, et certains de ses films sont juste des films agréables à voir, laissant entrevoir tout de même régulièrement les talents du bonhomme, ce qui n’est déjà pas mal (Basic, Thomas Crown, Medicine Man).
Mais il y a le combo gagnant de films unanimement reconnus comme marquants ou bien qui méritent largement d’être revus : Predator, Piege de cristal, A la poursuite d’octobre rouge, Last Action Hero et Une journée en enfer.
La spécialité de Mac Tiernan, c’est de partir d’un script qui pourrait donner une bonne vieille série Z, et de la bonifier pour en faire un film marquant.
Ainsi Predator aurait pu être un téléfilm crétin, et au final, on se retrouve avec un film d’une intelligence rare : un début à la limite du parodique, puis un film qui prend une dimension sacrée, brutal, pure (le tout accompagné par une des plus belles BO jamais écrites). Pareil pour Piege de cristal, au scénario digne d’un Hollywood night de TF1, et qui devient un maître étalon du film d’action. A la poursuite d’Octobre rouge est devenu un maître étalon du sous-genre des films de sous-marins, et Last action Hero, en assumant un postulat délirant, se rempli de sens tout en en mettant plein la vue. Enfin Une journée en enfer souligne au feutre rouge que les Die Hard avec ou sans Mac Tiernan, ce n’est définitivement pas la même chose.
Pour livrer de telles performances, Mac Tiernan s’appuie sur deux immenses qualités. La première est une science du rythme que bien peu maîtrisent à ce point. Quitte à faire des entorses à la vraisemblance (en particulier dans Piege de Cristal), le montage distille avec maestria les scènes d’action, les retournements de situation, les instants de calme qui vont souligner le déferlement d’action.
Ce sont les deux Die Hard les plus significatifs à ce niveau, ils ne laissent tout simplement pas de répit aux spectateurs.
Sa deuxième qualité exceptionnelle est sa capacité à situer l’action dans l’espace, et à faire de l’environnement un personnage à part entière. Piège de Cristal reste une leçon majeure pour tout réalisateur. Alors que l’action se déroule dans une tour sur plusieurs étages, avec de nombreux déplacements, le spectateur sait parfaitement où est qui, et ne se pose donc jamais de questions pour situer les enjeux. Pour y parvenir, Mac Tiernan ponctue sa mise en scène d’indices qui caractérisent le décors (le poster de Pin-up, les inserts avec l’étage dans l’ascenseur, les vues extérieures qui montrent à quel niveau de la tour l’action se déroule), avec discrétion, mais avec une efficacité redoutable. Les mêmes techniques sont utilisées dans A la poursuite d’Octobre Rouge.
Cet amour de l’environnement, on le trouve dès son premier film, où la jungle de Predator est filmée comme jamais la jungle n’a été filmé avant (et comme elle ne le sera jamais plus). En faisant de la jungle une menace, le Predator se mêlant à elle, Mac Tiernan la personnifie et à l’inverse des films suivants fait tout pour qu’on n’est aucun repères, pour qu’on se sente perdu, oppressé. La scène où le commando, en panique, tire 2000 cartouches sur les arbres est à ce titre un grand moment de cinéma.
J’ajouterais bien timidement une autre qualité, mais qui est plus inégale en fonction des films, c’est l’utilisation quasi scientifique de la musique et des bruitages. Predator et Piège de Cristal, ses premiers films, arrivent en tête de ce point de vue là, et il faudra attendre le 13ème guerrier pour retrouver une telle synergie entre les images et le son.
Mac Tiernan a pourtant un sérieux défaut, défaut qui lui a coûté très cher. Il n’a pas de répondant face aux producteurs. Au moins deux de ses films ont été très durement touchés par des coupes absurdes et perdues à jamais qui les ont clairement saccagés.
On pense naturellement en premier lieu au 13ème guerrier. Les images sont d’une beauté stupéfiante, les scènes formidables, et le film est sans doute un chef d’œuvre dans sa version complète. On sait tous qu’il a été saccagé au montage, à un tel point que Mac Tiernan a jeté l’éponge, laissant les bouchers détruire un film qui aurait probablement été une date dans l’histoire du cinéma. Le résultat laisse perplexe. Alors qu’on devine clairement le potentiel du film, on voit tout aussi clairement que le film est blindé de trous narratifs qui le rendent parfois absurde (on ne comprend pas du tout l’évolution des relations entre les personnages), et de scènes raccourcies qui détruisent leur impact. Même chose pour Rollerball, remake d’un film que personnellement j’adore. Quand on le voit, le sentiment est que c’est tout simplement un mauvais film. Et pourtant…Avec un peu de recule, on peut deviner ce que Mac Tiernan voulait faire : un sous-texte social, comme dans le film original, accentué par le contraste avec des visuels saturés pleins de couleurs artificielles, limites parodiques, et pourtant remplis d’une violence crue rendue du coup irréelle. On ressort du film des scène foutrement bien réalisées, et foutues en l’air par un montage absurde ! L’équilibre qu’il voulait atteindre et réduit à néant par l’allègement du sens social, et par la censure concernant la violence. Au final, on se retrouve devant un film bancal qui n’est plus qu’une aimable fable distrayante, et ça ne fonctionne plus du tout !
Ca fait maintenant bien longtemps qu’on n’entend plus parlé du Monsieur, et l’échec artistique total du dernier Die Hard ferait bien de faire réfléchir les producteurs : un petit coup de téléphone à Mac Tiernan pourrait bien être la solution pour nous remettre en pleine gueule un bon gros film d’action policier.